Ma drôle de vie de romancière
98 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Ma drôle de vie de romancière , livre ebook

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98 pages
Français

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Description

"On me croit souvent solitaire et sereine, dans le calme de ma petite maison de campagne, à peine distraite par le chant des oiseaux. Mais c'est tout le contraire, je ne suis jamais seule. De nombreux personnages, impatients de vivre au coeur d'un roman, s'invitent chez moi sans même me le demander ! Les plus agiles escaladent les murs et rentrent par les fenêtres tandis que les autres se faufilent par une porte laissée entrouverte...". Florentine les Fontaines décrit avec humour le désarroi d'une romancière face aux exigences et aux caprices de ses personnages.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2009
Nombre de lectures 251
EAN13 9782296927322
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

M A DRÔLE DE VIE DE ROMANCIÉRE
Collection « Vivre et l’écrire »

dirigée par Pierre de Givenchy


(Voir la liste en fin d’ouvrage des titres de la collection)


© L’HARMATTAN 2009
5-7 rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN 978-2-296-08621-0
EAN 9782296-086210

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Florentine les Fontaines


M A DRÔLE DE VIE DE ROMANCIÈRE

L’H ARMATTAN
M A VIE DE ROMANCIERE N’EST PAS DU TOUT ce que l’on imagine. On me croit souvent solitaire et sereine, dans le calme de ma petite maison de campagne, à peine distraite par le chant des oiseaux. Mais c’est tout le contraire, je ne suis jamais seule. Du matin au soir, je vis entourée de personnages qui ont leurs habitudes, vont et viennent de pièce en pièce, se promènent dans le jardin et attendent que je raconte leur histoire pour devenir enfin de véritables personnages de roman. C’est un travail d’échange et de collaboration qui se fait au fil du temps, nous dialoguons ainsi pendant de longs mois et progressons ensemble dans le récit. Je ne suis donc jamais seule et ma maison est animée du matin au soir. Une telle cohabitation n’est pourtant pas de tout repos : certains personnages sont exigeants, capricieux, rebelles…
Mais je n’ai pas le choix, ils s’introduisent tous chez moi sans me le demander ! Les plus agiles escaladent les murs et rentrent par les fenêtres, tandis que les autres se faufilent par une porte laissée entrouverte. Je les retrouve un matin confortablement installés dans le canapé du salon ou assis au soleil, sous la véranda. D’autres, plus rares, s’invitent à ma table quand je suis seule à une terrasse de café. Puis, lorsque je m’apprête à me lever, me suivent tout naturellement chez moi. Je ne peux pas les abandonner au seuil de la maison, c’est inutile. Ils m’attendent alors toute la nuit et je les retrouve à l’aube, frissonnant devant ma porte.
On pourrait me suggérer de renvoyer tous ces êtres qui s’installent ainsi chez moi. Mais le problème n’est pas simple. En effet, il m’est impossible d’éliminer tous ces personnages venus à ma rencontre. Ce sont des êtres en devenir, inachevés, qui ont déjà une existence réelle. Ils ont également une apparence particulière, que je suis seule à percevoir. Certains présentent un visage aux contours précis le jour de notre rencontre, mais le plus souvent, ils m’apparaissent en pointillé ou d’une blancheur extrême et se colorent à mesure de notre progression commune dans le récit. Je peux, bien sûr, si nous nous entendons sur le déroulement de leur histoire, les faire disparaître de diverses façons. Cette solution n’est possible qu’à l’intérieur d’un roman ou d’une nouvelle. Et c’est leur destin de personnage qui se réalise. Mais quand je les retrouve un matin dans ma maison, je ne peux pas les éliminer. Ils sont venus à ma rencontre pour exister, et ne veulent plus partir. Ils sont obstinés ! Et puis ce serait trop cruel. On a vu ainsi errer, il y a longtemps, six personnages abandonnés…
Il m’arrive parfois de faire des rencontres fugitives. Un personnage m’aborde pour me dire quelques mots. Je le revois passer au fond du jardin à plusieurs reprises puis un jour, il disparaît. Insatisfait, il réalise qu’il s’est trompé d’auteur et s’en va à la recherche d’une autre personnalité. Certains d’entre eux sont tellement obstinés et tellement pressés de vivre leur histoire qu’ils font souvent un choix trop hâtif. L’auteur, séduit par un tel dynamisme, ne se méfie pas… Et le roman n’est pas très réussi, voire totalement raté.

J’abrite aussi de nombreux personnages dans mon grenier. Ces êtres-là sont très différents de ceux qui vivent avec moi. Ils sont calmes et bien plus silencieux. Cette atmosphère peut s’expliquer : ce sont des êtres encore pâles, à peine colorés, pas encore assez mûrs pour exister, qui habitent cette vaste pièce pendant de longs mois ou même de longues années. La plupart du temps, ils sont peu actifs, rêvent ou bavardent entre eux, tout en réfléchissant de temps à autre à leur histoire. Et quand ils se sentent prêts, ils descendent du grenier. Je les retrouve alors un matin en face de moi dans la cuisine. Nous partageons le petit déjeuner et ils s’installent à leur tour dans la maison, se faisant une place à l’étage dans la chambre des personnages.

Mais ce n’est pas tout : ma cave abrite également quelques individus. Leur situation est tout à fait différente : ce sont des personnages qui existent déjà et vivent leur histoire dans les pages de manuscrits qui n’ont jamais été publiés. Ces êtres-là sont connus de ma famille et de mes amis mais n’ont pas de vie publique. Comme certains hommes, ils ont de petits destins et vivent regroupés dans une pièce, entre les bûches et les bouteilles de vin. J’aime sentir leur présence quand je suis seule dans la maison. Quelquefois, ils remontent de la cave pour me dire un mot ou deux de leur histoire ou me donner des conseils, puis redescendent.
Habituellement je vis avec deux ou trois personnages et, malgré quelques fortes personnalités, tout se passe bien. La maison est animée de rires, de chuchotements, de pas dans l’escalier… Les personnages, quand ils ne réfléchissent à leur histoire, bavardent entre eux, se promènent dans le jardin, ou vont parfois faire un tour au village. Mais actuellement, j’héberge six individus en devenir. C’est beaucoup trop pour mes quelques murs ! Il n’y a plus assez de place et abriter tout ce monde est épuisant. Je dois vraiment me mettre au travail et terminer ces histoires avant l’été. Tous ces êtres s’en iront vivre au cœur de différents livres et quitteront ainsi la maison. Je me méfie : dès le début du printemps, les portes restent grandes ouvertes et certains en profitent pour venir s’installer à leur tour.
Je dois donc me consacrer à tous ces êtres en pointillés pour qu’ils deviennent de véritables personnages de roman. Par lequel commencer ? Lolita, Pierrot Le Flambeur, Séraphine, Gaspard, Tristan, Victoire ? Lolita est vraiment trop paresseuse, Tristan ne me semble pas prêt, Gaspard ne dit pas un mot… Je crois que je vais commencer par Pierrot le Flambeur.
LE PERSONNAGE REBELLE
Pierrot le Flambeur


Homme séduisant de cinquante ans, grand, à la forte carrure.

Pierrot le Flambeur est un homme d’affaires dont les activités semblent florissantes. Cependant, derrière cette réussite, se cachent de nombreuses escroqueries et faillites frauduleuses. Un jour, un jeune homme sonne à sa porte. C’est son fils…


J ’AI FAIT LA CONNAISSANCE de Pierrot le Flambeur à quatre heures du matin, tandis que je me promenais dans l’obscurité pour tenter de vaincre une insomnie rebelle. Il avait sauté la grille du jardin, escaladé le mur en pleine nuit jusqu’au second étage puis s’était glissé par la fenêtre entrouverte de mon bureau. Et m’attendait confortablement assis dans mon fauteuil, les pieds sur la table, en fumant un cigare. Dès les premières secondes, je me suis dit : voilà un personnage volontaire, déterminé, pressé de vivre son histoire, qui ne devrait pas me donner trop de mal. Eh bien, je me trompais. Pierrot le Flambeur a beaucoup de qualités, mais il a aussi un gros défaut : il n’est jamais satisfait. Je dois souvent recommencer un chapitre entier depuis le début parce qu’un seul détail ne lui convient pas.
Tiens, le voilà qui arrive. Il n’a pas l’air de bonne humeur ce matin. Je sens que la journée ne va pas être facile. Je vais lui proposer quelque chose à boire.
Tu veux un thé ?
Sûrement pas !
C’est bien ce que je pensais, il est vraiment de mauvaise humeur, mais je vais tout de même tenter de travailler un peu.
Tu ne veux rien boire ?
Si, file-moi un café. Serré.
Tu as l’air contrarié.
Ah oui ! Je suis un homme d’une quarantaine d’années et, tout d’un coup, tu me vieillis de quinze ans ! Tu te moques de moi !
J’ai réfléchi hier et je pense que la relation avec ton fils serait beaucoup plus intéressante si tu étais un homme mûr…
Pas question.
Mais c’est pour ton histoire…
Je ne suis pas d’accord.
Tu feras beaucoup plus jeune que ton âge.
C’est non.
On admirera ta forme exceptionnelle.
Non, je t’ai dit que je n’étais pas d’accord !
Tu seras toujours aussi séduisant, entouré de femmes…

Des femmes jeunes, belles… Tu sauras leur parler…

Tu feras énormément de conquêtes…
OK, OK, va pour cinquante.
J’apprécie la personnalité et la gouaille de ce personnage qui n’est jamais à court d’idées. Mais il faut toujours négocier, c’est épuisant ! Il me réserve sans c

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