Mathilde (à quatre mains)
124 pages
Français

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Mathilde (à quatre mains) , livre ebook

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124 pages
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Description

"J'avais quinze ans lorsqu'elle a fait sa seconde crise. Six mois à la maison, trois mois à l'hôpital. Ca rendait maman complètement dingue. Mais elle était là (...) Ancrée dans la folie de Mathilde..."Š" Mathilde s'est couchée de bonne heure ce soir-là (...) elle a rejoint maman dans son lit. Elle ne pouvait pas dormir (...) De nouveau, ce soir, elle entendait l'araignée. Maman tentait de calmer Mathilde, de la rassurer. Non il n'y a pas d'araignée. Mathilde gémissait. Des plaintes longues et sinistres..."

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2012
Nombre de lectures 28
EAN13 9782296487192
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

MATHILDE (à quatre mains)
Nathalie Dubleumortier


MATHILDE (à quatre mains)

Roman
© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-96164-7
EAN : 9782296961647

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Amèle 1
1.

Maman nous avait demandé de fermer les yeux. Ça, je m’en souviens parfaitement. C’était papa qui conduisait. Il avait pris la route côtière. Il s’était arrêté devant une petite plage et nous avait dit : « C’est là qu’on viendra se baigner. » Jocia et moi on avait hurlé de joie. Puis il avait redémarré et maman nous avait dit : « On arrive, les filles. Fermez les yeux. » On était tout excitées. Puis maman et papa avaient compté « un… deux… trois… ouvrez les yeux ! » La maison de Belle-Isle ! Ils venaient tout juste de l’acheter. J’avais sept ans.
Belle-Isle, à cette époque, c’était pas encore le grand dévidoir à touristes que c’est devenu. Les maisons qui se vendaient étaient celles des vieux qui avaient passé l’arme à gauche. Leurs enfants s’en débarrassaient. Ils avaient fait leur vie sur le continent. Ecœurés sans doute par l’isolement, ils refusaient de revenir au pays. Et puis, il y avait pas encore de collège. C’était pas pratique. Aussi, il y avait pas grand-chose à faire. Pas de travail non plus. Un peu de pêche, trois épiceries. On peut comprendre. Bon. Mes parents avaient acheté la maison pour les vacances et c’était la première fois qu’on y venait.
C’est une petite maison en bordure de route. Enfin, à l’époque, c’était encore un chemin pas goudronné. A Bordehouat. C’est un lieu-dit à Locmaria, au bout de l’île. Ça porte ce nom car depuis la crique, on peut voir l’île de Houat. Mais la crique, elle, s’appelle Port-Andro. Allez comprendre. Des champs, deux petites criques, un camping. Ce qu’on adorait, avec Jocia, c’est qu’on pouvait se rendre seules à la plage. On savait très bien nager. Même elle, toute petite minuscule, elle avait pas peur des vagues. Ni de l’eau glacée. Elle savait très bien nager en apnée. Nager sous l’eau, qu’elle disait. La tête hors de l’eau, c’était une autre histoire. Alors elle reprenait sa respiration de temps en temps et restait le plus longtemps possible parmi les poissons et les algues. Et puis nos parents nous avaient acheté un masque et un tuba. Le bonheur ! Jocia, elle, voulait pas du tuba. Elle avait peur qu’une guêpe rentre dans le tube et de la gober. Jocia a toujours des frayeurs surprenantes. Elle continuait donc à reprendre sa respiration toutes les trente secondes. Pourquoi pas ? Ça lui passerait avec l’âge. Nos baignades se terminaient toujours auprès des rochers, parmi les algues. C’était comme dans les livres que nos parents nous achetaient. « Mickaël et la soucoupe flottante ». Je me souviens de ce titre. Voilà. On faisait comme Mickaël et ses copains. On partait à la recherche d’une mystérieuse soucoupe volante qui avait plongé au large de Bordehouat. Panne d’essence, qu’on disait. On adorait se raconter ça. Mes parents nous rejoignaient en fin d’après-midi. Je sais pas ce qu’ils faisaient. L’amour. L’engueulade ? Nous, on s’occupait de s’amuser.
A marée basse, on ramassait des moules. Les autres, maman, papa, Jocia, puis Mathilde, disaient « cueillir » des moules. Ouais. Il paraît que c’est mieux. Moi, je les ramassais. On en remplissait nos seaux de plage, en plastique jaune. Papa et maman nous aidaient. On choisissait les meilleures. Les grosses bien grasses. Papa les préparait le soir. On les dévorait à l’apéro. Kir pour les grands, grenadine pour les filles ! Youpi ! Moi aussi je voulais boire du kir. D’ailleurs, c’est ce que je faisais dès qu’ils avaient le dos tourné. Et hop ! une petite rincette. J’adorais finir les verres. Encore aujourd’hui.
Certains matins, papa partait très tôt. Il allait à la pêche. La vraie. Celle avec les pêcheurs du coin. Il s’était fait un copain au bistro tabac de Locmaria. Yann Binic. Binic l’alambic, qu’on l’appelait. Il avait la tronche aussi rouge que la coque de son rafiot. Il disait que c’était le vent. Il nous faisait peur. Surtout à Jocia. Elle avait que cinq ans. Emotive. Impressionnable encore. Et puis l’alambic, quand il était pas au bistro ou sur son rafiot, il se baladait toujours avec Rosalie, la vieille pie. Elle était aussi crasseuse qu’il était rouge. Quand on les croisait sur le chemin, Jocia se planquait derrière moi. Moi, je les appelais « the couple of the year ». Bon. J’étais un peu garce. Avec l’âge, j’ai appris à les aimer.
Rosalie, elle voulait toujours nous faire plaisir. Quand elle nous croisait, elle avait toujours un bonbon à nous refiler. Seulement cette vieille folle les avait déjà sucés. La première fois, on s’est fait avoir. Les mômes du village se sont bien marrés. Quand ils nous ont raconté que la vieille les avait déjà léchouillés, on y a pas cru. Et puis ils nous ont dit que si, c’était vrai, qu’ils l’avaient espionnée, qu’ils l’avaient bien vue s’enfiler un bonbon, le recracher et le mettre dans la poche de son tablier. Alors Jocia s’est mise à pleurer. Elle avait peur d’attraper sa maladie. « Quelle maladie ? » je lui ai demandé. « Sa maladie qu’elle pue ! » Là aussi on s’est bien marrés. Mais c’était ma petite sœur. Fallait pas trop l’emmerder non plus. Alors j’ai planté mes doigts au fond de ma gorge et je me suis fait vomir le long du mur de la maison de Rosalie. Pour calmer Jocia. Et puis j’étais vraiment dégoûtée. C’est vrai. C’est dégueulasse. Quand on a raconté ça à maman, elle nous a dit de pas refuser le bonbon. Qu’il fallait juste le garder dans la main et le jeter quand Rosalie serait partie. C’est ce qu’on a fait les fois suivantes. On l’aimait bien Rosalie finalement.
Donc, papa allait à la pêche. Maman écoutait de la musique, plantait des agapanthes, se baignait avec nous. Lorsqu’il pleuvait ou qu’il faisait trop froid pour la baignade, elle nous emmenait sur les falaises. On cueillait de la bruyère. On ramassait des galets. Surtout Jocia. Elle adorait ça, ramasser des galets. Je me souviens que maman était obligée de s’en débarrasser, en douce.
Quand papa rentrait avec l’alambic, il fallait bouffer son poisson. Petite, j’avais horreur du poisson. J’avais trouvé l’astuce. Quand il partait, je fonçais à la plage ramasser des moules. Et je m’en empiffrais à l’apéro. Comme ça, j’avais plus faim après. Ça a marché quelques fois.
Ce premier été dans la maison de Belle-Isle, c’était pas mal.
Et puis, il y a eu le second été.
Sans papa.
Il devait rester à Paris pour son travail. Tu parles. Il était prof. Moi j’avais huit ans et je savais bien que les profs bossent pas l’été. C’était pas la peine de me la raconter. Jocia, elle, demandait tout le temps quand papa aurait fini son travail. Maman disait qu’elle savait pas bien. J’ai jamais compris pourquoi maman racontait ça.
On a repris l’habitude des baignades, des moules et des bonbons de Rosalie. Sans le poisson, cette fois. Pour ça, c’était pas plus mal. Maman a passé beaucoup de temps à repeindre la maison. Elle a cloué des bibliothèques aux murs, acheté un vieux canapé de cuir, de la couleur d’une orange passée, qu’elle a posé devant, rempli les étagères de livres, retoilé le vieux fauteuil avec un tissu importé des îles je crois. Ces trucs avec des coquillages, des éléphants et des girafes, ça devenait la mode. Elles nous a traînées jusqu’à Palais pour y choisir deux photos de mer chez le libraire. Moi, j’aurais voulu un portrait de Pierrot assis sur sa lune, gravé sur un miroir, Jocia un dessin de Bambi. Elle avait pleuré les larmes de son corps l’hiver précédent, au Rex, lorsque la maman de Bambi se fait occire par les chasseurs, mais non, c’était quand-même ce dessin-là qu’elle voulait. « Mais Bambi il est tout seul, il a perdu sa maman. » Elle nous cassait les pieds avec sa bestiole. Finalement, c’est maman qui a choisi pour nous. C’est fou ce mauvais goût qu’ont les enfants.
Les agapanthes avaient bien poussé. Envahi le jardin, même. Alors, plutôt que de jeter les galets de Jocia (cette manie ne lui a toujours p

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