Poussière et santal
187 pages
Français

Poussière et santal , livre ebook

-

187 pages
Français

Description

L'itinéraire d'un lettré à travers la Chine du quatorzième siècle. Sa jeunesse, "les années de miel" dans un pays où gronde la révolte contre l'empereur mongol des Yuan ; sa rencontre avec Luo, présumé auteur du "Roman des Trois Royaumes", fresque épique et oeuvre fondatrice de la culture populaire chinoise ; et au bout du chemin des répressions, la cour du Zhu, le fils de paysan, premier empereur de la dynastie Ming, grand réformateur de l'état et grand pourfendeur de lettrés que le moindre écart condamne.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2004
Nombre de lectures 142
EAN13 9782296384514
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Poussière et santalRoman historique
Collection dirigée par Maguy Albet
Déjà parus
Rachida TEYMOUR, Mévan Khâné, 2004.
François LEBOUTEUX, Les tambours de l'an .x: 2004.
René MAURY, Prodigieux Hannibal, 2004.
Paul DUNEZ, Les crépitements du diable, 2004.
Roselyne DUPRAT, Antinoüs et Hadrien: histoire d'une
passion, 2004.
Christophe GROSDIDIER, Djoumbe Fatima, reine de Mohéli, 2004.
Gabriel ROUGERIE, Sitio, 2004.
André CABARET, Ce qu'on entend sur la Place Rouge, 2004
Isabelle PAPIEAU, La griffe de Barbe-Bleue, 2004.
Christian JAMET, M Ingres et Magdeleine, 2004.
Dominique SCHWOB, Terre d'Argence, 2004
Claude BEGAT, Frédégonde, reine sanglante, 2004.
Jean-Claude JOSEPH, Les Tribulations du Lobi de Gorée, 2003.
Christine BARBIER, Rendez-vous à San Marco, 2003.
Robert BOURNET-DAGAS, Au vent des Purpuraires, 2003.
Jean et Olivier SAUVY, Le périple d'Alaron autour de la
Méditerranée,2003.
Christophe BAILLA T, Le neveu de l'abbé Morel, 2003.
Semaan KFOURY, Drogman, 2003.
Paule BECQUAERT, Les naufragés de Thermidor, 2003.
Gildard GUILLAUME, Les noces rouges, 2003.
Claude BEGAT, Brunehilde, reine trahie, 2003.
Dominique LAPARRA, Destin d'argile, 2003.
Christian DUVIVIER, Chien chasseur de loup. La République
en enfer, 2003.
Esam HARROUCH, Chems, 2003.
Paul DUNEZ, L'orante, 2003.
Marcell BARAFFE, Les turbans de la révolte, 2003.Marcel BARAFFE
Poussière et santal
Chronique des années Ming
RomanDu m.êD1eauteur
LesLarmes dubuffle, Collection Roman Historique, L'Harmattan,
2001.
Les Fleursdeguem, Collection Roman Historique,
2002.
Les Turbans de la révolte,Collection Roman Historique,
L'Harmattan, 2003.
@ L'Harmattan, 2004
5-7, rue de l'École-Polytechnique
75005 Paris - France
L'Harmattan, Italia s.r.l.
Via Degli Artisti 15
10124 Torino
L'Harmattan Hongrie
Konyvesbolt
Kossuth L. u. 14-16
1053 Budapest
ISBN: 2-7475-7680-9
EAN : 9782747576802Un paysage. Sans homme. 60cm par 40cm. Plus haut que
large. Un simple paysage d'encre et d'aquarelle sur un fond
blanc de papier. Des traits, des taches aux multiples nuances,
obscures et claires. Du noir, du gris, deux verts, l'un est clair,
l'autre sombre et bleuté, dominant. Quelques touches de
jaune, ici et là, aussi. La technique, la composition, les quatre
murs de torchis blanchi, la forme des quatre toits, ces petites
tuiles posées en écailles de poissons, ne laissent aucun doute.
C'est un paysage de Chine. Du Sud de la Chine, puis-je
ajouter, puisqu'il y a, il n'est pas possible de se tromper, un
papayer. Et cette masse rouge, dans la partie centrale
supérieure, cachant un morceau de ciel et reprise par endroits,
plus bas, n'est-ce pas un flamboyant en fleurs? Y a-t-il des
flamboyants dans le Sud de la Chine? Comment le savoir?
Va-t-il falloir demander des autorisations, une pour quitter le
quartier, une pour quitter la ville, une pour quitter la province,
une pour pénétrer dans l'autre province.. .afin de s'assurer
qu'il y a bien des flamboyants en Chine?
C'est un flamboyant.
Deux petits pains farcis de viande et cuits à la vapeur - avec
beaucoup d'oignons et du piment, m'a dit l'artiste - et une
bouteille de bière cinq étoiles,brassée au pays, mise en bouteille
au pays, voilà ce que m'a coûté mon paysage. L'artiste, un vieil
7homme aussi râpé que son vêtement, a glissé les petits pains et
la bouteille dans les grandes poches de sa veste de toile bleue.
Il ne m'a pas dit merci. Il aurait dû dire : merci camarade. Mais
peut-être qu'il ne voulait pas dire camarade? Je ne lui ai pas
dit non plus merci camarade. A quoi cela aurait-il servi
puisqu'il ne m'aurait pas entendu avec ce haut-parleur
audessus de nos têtes? La résistance héroïque du peuple
vietnamien... l'impérialisme américain... les gouvernements
fantoches. .. les propriétaires terriens. .. les capitalistes. . .
l'impérialisme en généraL.. le révisionnisme. Je suis contre
tous les ismes, avait écrit, un jour, un étudiant sur son journal
mural, anonyme bien sûr mais cependant bien visible, jusqu'à
ce que passe un responsable politique.
J'ai enroulé soigneusement le paysage et l'ai placé sous mon
bras, prenant bien soin de ne pas l'écraser. J'ai repris mon vélo
en tenant le guidon d'une main et je me suis joint au peloton.
Je me suis fondu dans la foule, veste de toile bleue emportée
par une marée de vestes de toile bleue, toutes unies dans le
même coup de pédale.
J'ai accroché mon paysage sur un des murs de mon
appartement, une petite pièce d'une quinzaine de mètres
carrés. Trop petite pour y abriter mon vélo mais d'une
superficie quand même suffisante pour accueillir un lit, une
chaise et un meuble de bois fait de deux montants et de
planches mal rabotées sur lesquelles j'ai posé quelques livres.
Une petite commode basse avec un bassin de métal blanc
placé sous le robinet est venue, il y a quelque temps déjà,
remplacer le meuble de cuisine; depuis que je prends, midi et
soir, mes repas à la cantine populaire. La fenêtre n'est pas
grande mais éclaire suffisamment la pièce. Elle donne, du haut
de son quatrième étage, sur l'immeuble d'en face entouré de
bandes étroites de terre cultivée où les locataires font pousser
quelques plants de riz. A droite, un petit cimetière offre, lui
aussi, aux paysans urbains et amateurs la richesse de son
humus et l'illusion de la propriété terrienne. Quelques enfants
8viennent parfois jouer au ping-pong sur une des pierres plates,
le toit de la dernière demeure d'un peintre dont la renommée
lui a valu la faveur de disposer d'une tombe plus longue et
plus large que celle des autres. Le filet est une rangée de
briques bien alignées que les joueurs ne prennent plus jamais
la peine d'enlever. Plus loin, bien visibles, car plus hauts que
les rangées d'arbres censées arrêter les vents de sable venus du
désert, les toits de l'université où j'enseigne la littérature.
J'ai accroché mon paysage près de ma bibliothèque, juste en
face de mon lit. C'est, avec la photo polychrome du président,
le seul élément coloré de la pièce, et avec mes quelques livres,
le seul écart non-fonctionnel et, de toute évidence, bien moins
utile que la table que j'aurais voulu pouvoir glisser entre la
chaise et le lit si la pièce avait été moins exiguë.
Mon paysage, bien visible de mon lit et, à côté, sur la
planche du haut, saisie par un même regard, une édition du
Roman desTrois Royaumespubliée à Shanghai par la maison Tien
29èmeet datant du onzième mois de la année du règne de
l'avant-dernier empereur mandchou, Guangxu* ; quelques
années avant la proclamation de la république. L'avant-dernier,
j'ai bien écrit l'avant-dernier empereur. Il ne s'agit pas du
dernier, ce vieillard voûté, jardinier aux cheveux blancs que je
croisais quelquefois, le matin en partant travailler, et qui
caressait le bois du manche de son râteau en pensant
certainement au jade de son sceptre à jamais perdu.
Sur l'étagère, le Roman des Trois Royaumes et à côté, mon
paysage avec son papayer et son présumé flamboyant. Un
voyage imaginaire et sans autorisations dans le Sud du pays
que je ne connais pas. Mais aussi un bond de dix-huit siècles
dans l'histoire de la Chine, pour chaque page tournée de mon
Roman des Trois Royaumes, un récit épique connu de tous les
Chinois et écrit, m'avait expliqué mon grand-père qui fut lui
aussi professeur de littérature à l'université où je travaille, par
* 1903
9Luo Pen, son premier rédacteur connu, un fin lettré, grand
érudit et grand marcheur du quatorzième siècle, une époque
faite d'années sombres qui vit le premier Ming chasser du
trône de Chine les Mongols. Les années Ming. . .
Mon paysage, mon voyage vers le Sud. Mais, pourquoi,
pourquoi donc un artiste peint-il des paysages, des jardins, des
morceaux de forêts, des bords de rivières et de fleuves, des
champs de rochers, déserts? L'homme, petite silhouette bleue
vidée de tout intérêt esthétique, ne se verrait-il plus digne du
geste du poignet et du trait de pinceau accordé à l'arbre, au
roseau ou au caillou? Et cet espace qu'il n'occupe plus ne
serait-il pas une invitation à le combler faite au professeur
enseignant la littérature

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents