Récits et nouvelles du Grand Nord
199 pages
Français

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Récits et nouvelles du Grand Nord , livre ebook

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Description

" On évoquait ceux qui, sur la banquise, après de longs tourments, affamés, cessaient même d'être des humains pour devenir des teryqy. Ceux-là, même s'ils débarquaient sur le rivage, ne pouvaient plus vivre parmi les humains. Couverts d'un long pelage, pareils à des bêtes sauvages, ils rôdaient autour des campements pour y voler de la nourriture et tuer ceux qu'ils rencontraient. C'était le plus terrible des sorts... ".
Youri Rytkhéou, Teryqy

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 mai 2010
Nombre de lectures 143
EAN13 9782296697188
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Récits et nouvelles
Du Grand Nord
Espaces Littéraires
Collection dirigée par Maguy Albet


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Textes réunis par
Charles Weinstein


Récits et nouvelles
du Grand Nord


Traduits du tchouktche
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-11588-0
EAN : 9782296115880

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Les Tchouktches : une civilisation du Grand Nord
Les Tchouktches, petite ethnie d’une quinzaine de milliers de personnes, sont dispersés sur une vaste péninsule à la pointe nord-est de l’Eurasie. Les uns élèvent le renne dans la toundra, d’autres chassent les mammifères marins sur les côtes des océans Glacial Arctique et Pacifique.
Les Tchouktches se comprennent en quelque lieu qu’ils se trouvent, qu’ils soient éleveurs ou chasseurs. Cette unité linguistique tient aux contacts millénaires entre les gens de la toundra et ceux du bord de mer : leurs économies sont complémentaires. Elle tient aussi à la culture spirituelle de ce peuple. L’homme fait partie d’un tout sans se considérer comme le centre de l’univers. Il est en communion constante avec la nature. Il n’a jamais existé chez les Tchouktches de structures étatiques, de lois écrites, de lieux de culte communs. On apprend aux enfants à vivre dans les conditions naturelles les plus dures, d’une part la toundra dangereuse avec ses blizzards, d’autre part l’océan glacé avec ses tempêtes. L’hospitalité offerte au voyageur surpris par la tempête de neige est une nécessité vitale. Dans ces régions les notions de temps et d’espace ne ressemblent en rien à celles que nous connaissons.
Pour Bogoraz, linguiste exilé sur la Kolyma en 1890, les cosaques russes de Sibérie orientale rappellent à bien des égards les conquistadores espagnols par leur bravoure indomptable et leur avidité brutale. La résistance des Tchouktches révèle aux Russes arrivés dans ces régions au milieu du 17 ème siècle un peuple fier et combatif.
L’homme a appris à affronter les froids intenses du Grand Nord. Il porte un double costume en fourrure de renne. La tente intérieure de son habitat en peau de renne, la yarangue, permet de maintenir une température de plus vingt degrés quand à l’extérieur il fait moins quarante. Dans le sol gelé l’agriculture est impossible. L’alimentation est carnée, accompagnée de baies, champignons, herbes, feuilles et racines comestibles, algues. L’homme a su remarquablement tirer parti de tout ce que la nature lui offre : pierre, argile, ocre, graphite, bois flotté rejeté par l’océan, aulne, neige, eau, glace, peaux et fourrures, andouillers de rennes, mousse, os, fanon de baleine, ivoire de morse, cendre, sang, urine, déjections du renne, etc.
Les fêtes et rites sont l’occasion pour les gens de chanter, de danser au son du tambour nordique, de se livrer à des jeux. Un chant personnel est donné à chaque individu. Tout au long de sa vie, il pourra y mettre des paroles nouvelles reflétant son humeur et ses sentiments. Sculpture et gravure sur ivoire de morse constituent un art ancien et toujours renouvelé.
Après la révolution de 1917 l’alphabétisation est bien acceptée : elle ouvre sur d’autres connaissances, sur d’autres espaces, sur d’autres notions du temps. Les enfants des éleveurs sont placés en internats, loin des parents qui nomadisent avec leurs rennes. Certes ils sont pris intégralement en charge par l’Etat, mais avec le temps ils perdent le contact avec leur culture, les savoir-faire traditionnels. La langue russe va se généraliser.
Vers 1930 la langue, jusqu’alors orale, est dotée d’un alphabet. Un grand nombre de mythes, contes, incantations, récits vont être recueillis et publiés. Ils permettent de se faire une idée de la conception du monde et des croyances de ce peuple, ainsi que de son mode de vie. Dans les années cinquante vont paraître de premières œuvres littéraires. Orale ou écrite, cette littérature témoigne d’une langue d’une grande diversité et d’une façon de penser originale.
De nos jours les allochtones sont devenus majoritaires en pays tchouktche et le poids spécifique des autochtones dans la vie politique et sociale est réduit à la portion congrue.
Alexandre Kerek Comment j’ai tué mon premier phoque
Quand le printemps arrivait, nos gens quittaient le village de Tumanskoïé, comme pour aller nomadiser dans les pâturages d’été, en direction de l’embouchure de la Tymne. C’était l’époque où la horde enfantine en finissait avec l’année scolaire et se retrouvait aussi à cet endroit. Que de gaieté ! Toute la journée les gamins jouaient dehors. Que de volatiles alentour ! La mer était encore prise par les glaces, et les pères allaient y chasser avec leurs traîneaux tirés par des chiens. Chaque jour ils capturaient des veaux marins et des phoques barbus. De leur côté les mamans débitaient les bêtes et faisaient des provisions de graisse dans des baudruches en peau de phoque. Quant aux anciens, ils veillaient à tenir les barques prêtes pour la chasse au morse. Dès que la banquise se brisait, on mettait les barques à l’eau. D’abord on les essayait : on traversait l’embouchure à la rame ou bien on gagnait les îles, puis on rebroussait chemin. De retour, on examinait les barques, les peaux de morse qui les tendaient, leur ossature, les tolets, les rames, le gouvernail. S’il s’y trouvait la moindre imperfection, on réparait sur-le-champ, car cela aurait pu causer quelque incident en cas de tempête. Ces années-là, notre coopérative utilisait sept barques en peau de morse pour chasser en mer. On devait chaque année remplacer les peaux abîmées par des neuves, car chaque année on capturait des bêtes. Le vieux Penevïi excellait à fabriquer ces barques. Il dédoublait les peaux de morses en épaisseur. Quand il en avait terminé avec la charpente d’une barque, il y tendait la peau qu’il fixait avec des courroies. Se servant d’une petite rame, il battait la peau qu’il avait mise quelque temps à sécher, et elle résonnait comme un tambour chamanique. Il la tendait au maximum.
Et voilà que la banquise se brisait. Des vols de canards et de grèbes passaient en grand nombre au-dessus des glaces côtières. Les adolescents, les plus grands des garçons, restaient la nuit sur place tellement ils convoitaient ces volatiles.
– Regardez comme je suis adroit ! criait joyeusement un jeune, tout fier d’avoir abattu un canard.
– Mais nous avons tiré tous les deux ! lui rétorquait un autre.
– Oui, mais j’ai tiré avant toi. Toi, tu as tiré alors qu’il était déjà en train de tomber, lui répliquait le premier.
Chaque jour, débordant de gaieté, nous chassions ainsi le canard jusqu’à la disparition des glaces côtières.

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