Un balcon à Bastia
137 pages
Français

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Un balcon à Bastia , livre ebook

137 pages
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Description

Sandrine aime se promener dans les rues de Turin. Au cours d'une promenade dans la via Po, près de l'université, ses souvenirs affluent. C'est un voyage intérieur qui commence : à la découverte des hommes qu'elle a aimés, de l'Italie, de la Toscane mais aussi de Paris et de ses cafés, de Lyon.
Entre récit et essai, roman et réflexion philosophique, les chemins de Sandrine sont aussi les nôtres.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2010
Nombre de lectures 202
EAN13 9782336255736
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un balcon à Bastia

Marie-Françoise Poizat-Costa
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296118492
EAN : 9782296118492
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Dedicace
À Gilles Deleuze et Antoine Martini
Sandrine quitta son hôtel vers 11 heures pour se rendre Piazza Castello. Elle avait rendez-vous au Mulfasanno. Ce café du XVIII e siècle cher aux écrivains, à Cavour et à la maison de Savoie. Elle franchit les arcades et s’assit à l’intérieur. 4 500 lires pour un café ! Une petite fontaine donnait de l’eau en abondance. Des touristes s’arrêtaient pour prendre des photos. Elle l’attendait. Il arriva tout à coup portant une grande serviette marron clair qu’il ouvrit pour en sortir un médicament. Il lui sourit. Un bon sourire avec de grands yeux clairs. Il avait beaucoup de classe, un grand manteau beige. Il travaillait à la « Cinzano ». Il quitta rapidement le café pour se diriger vers la galerie subalpine, vers le cinéma Nuovo. Elle fut déçue et en même temps garda, empreint en elle, ce sourire illuminé qui l’éclairerait longtemps.
Elle se dirigea vers le marchand de journaux, acheta quelques cartes, Le Monde et Point de vue avant d’aller vers la librairie Feltrinelli. Elle avait été heureuse de trouver des journaux français et ses deux revues préférées. A la Feltrinelli, on lui donna une chaise pour s’asseoir. Elle avait, depuis sa jeunesse, des problèmes de locomotion, mais aimait être belle et élégante. La cinquantaine bientôt ! Un ensemble en cloqué bleu de Pastorelli laissait entrevoir une partie de sa jambe. Il était très élégant, mais elle prenait un grand soin à remonter le pan qui tombait lorsqu’elle était assise. Il y avait sur les rangées du haut des livres de Tomaso di Lampedusa, I Racconti (les nouvelles), de Duras, L’Amante 1 , de Pessoa, Il libro dell’inquietudine (Le livre de l’intranquillité), de Chandler, Il grande sonno 2 . Elle en choisit deux. Ils étaient peu chers et elle avait envie d’une lecture en italien. Puis il y avait un ouvrage plus ou moins érotique : I seni de Ramon Gómez de la Sema. Un homme la regarda. Barbu, il portait une petite sacoche qui pendait. Il s’amusa de ses lectures, tourna et retourna. Visiblement elle l’intéressait. Elle continua sa lecture, choisit quelques cartes postales. Il sortit. Elle avait vu de très beaux marque-pages représentant des tableaux de Monet. Elle en acheta deux, sortit à son tour. La galerie était vivante à cette heure-là, encombrée de gens qui allaient et venaient, se dirigeaient vers la via Po, cette belle rue sous les arcades où il y avait l’université et qui rejoignait la place Vittorio Veneto. Elle eut envie d’entrer chez Baratti et Milano, autre superbe café du XVIII e , avec ses bergères et ses recoins, mais y renonça.
Elle voulait goûter Turin, voir la piazza Castello et son château, le théâtre Regio, le Palais-Royal et puis cette via Pietra Micca suivie de la via Cernaia où il y avait de si beaux magasins. Des tailleurs à faire rêver. Elle continua par la via Roma vers San Carlo. La place l’attendait avec ses grands cafés, le San Carlo et surtout le Torino. Les deux églises San Carlo et Santa Cristina fermaient la place. Il y avait une très belle lumière, et les grandes pancartes « Cinzano » étaient éclairées. Elle fit des photographies et se mit à observer les gens. Cette société italienne qui passait devant elle, à l’aise sous les arcades à l’abri de la pluie, entre deux courses vers la gare de Porta Nuova ou la piazza Castello.
Elle ne sut pourquoi, elle ne put s’empêcher d’y reconnaître certains signes de sous-développement. A peine perceptibles. Mais ils étaient là. Une façon peut-être de pousser une poussette ou pour ces vieux messieurs de discuter entre eux. Il y avait tant de gens différents, de personnages différents, de générations différentes. On y sentait l’évolution de l’Italie depuis la guerre, le conformisme des classes bourgeoises, importantes à Turin, et la jeunesse tellement différente. Les jeunes gens portaient la queue de cheval. Il y avait les artistes. Tellement éloignés de ces vieux messieurs, qui devaient se raconter allez savoir quoi. Une ville très occupée, besogneuse qui, le samedi soir, éclatait place San Carlo. Tohu-bohu de la vie italienne. Sandrine fit de nombreuses photos.
Enfin, elle se décida. Il fallait dîner. Elle entra au Torino, lui aussi café des «Savoie » 3 où elle avait aperçu le prince Serge de Yougoslavie, une de ses connaissances de Point de vue. L’accueil fut froid. Elle ressentit même une certaine gêne devant le maître d’hôtel. Elle comprit pourquoi. Il lui rappelait un médecin bastiais homosexuel avec qui elle avait travaillé autrefois. De superbes bergères étaient nichées dans des salons aux lambris de bois. Un tableau, aux allures de Dali, représentait la piazza San Carlo. Elle s’assit. Le menu n’avait pas l’air appétissant. Elle n’avait pas l’intention de dépenser beaucoup d’argent. Ce garçon l’énervait. Elle vit avec joie arriver des Français. Sandrine y vit un signe étrange. L’envie de rentrer. C’était la première fois que cela lui arrivait en Italie. Lyon n’était pas loin. Elle apprécia néanmoins les subtiles petites pâtisseries offertes à la fin du repas. Mais le cœur n’y était plus.
Un taxi l’emmena faire une traversée de Turin la nuit. La piazza San Carlo était saisissante de beauté dans ses lumières.
Elle partit pour via Po. Le chauffeur était sympathique, jeune. Ça la changeait. Il l’emmena faire le tour de la via Po, des arcades illuminées, de la piazza Veneto et ils revinrent dans un superbe embouteillage par la piazza Castello et la via Pietra Micca. Turin était très belle le soir, digne de provoquer tous les enthousiasmes, d’ouvrir l’appétit, appétit de création, de vie, pensées pour sa fille, la vie, la création, l’art. Envie de changer, de créer à la lumière de ces lampadaires, de ces ampoules sous lesquelles passait la voiture.
Immenses lanternes qui éclairaient la via Po. Besoin de changer de vie, de créer, de penser au passé. A son mari, disparu depuis si longtemps et avec qui elle avait vécu tant de choses. A sa fille. A l’art de vivre et de créer, de faire « autre chose ». L’Italie, ce pays, l’avait toujours aidée à créer. Elle avait longtemps séjourné à Florence et à Pise, il y avait des années de cela. Elle devait y aller mais n’avait pas eu le courage de s’y rendre. Elle avait néanmoins téléphoné à la pension Costantini et vu qu’elle pourrait s’y rendre une autre fois. Le signore avait été heureux de l’entendre à nouveau, après dix ans. Elle revit l’Italie, Trieste, les conférences à Venise, ses promenades si longues dans cette ville avant la dernière opération, celle qui avait tout ruiné, tout saccagé. L’année de la publication de son premier livre. Une si belle année où elle avait traversé la Toscane en avion pour rejoindre Bastia, affublée d’un chapeau qu’elle avait acheté à Venise. Elle revit ce chapeau blanc, pas si beau que ça finalement. Elle s’en était coiffée lors d’une fête familiale.

Italie. Italie, terre de création et d’amour. Terre de vie. Terre de Sienne. Cet endroit avait été pour elle un lieu de vérité. Il lui suffisait de s’asseoir sur la place du Campo pour trouver les réponses aux questions qu’elle se posait. Elle fit un jour un rêve étrange. Elle entrait dans une ville fortifiée inconnue. Elle reconnut Sienne. C’était le chemin de l’écriture et de la psychanalyse. Elle y entrait après mille embûches, mille atteintes à sa personne. Elle était dans un désert, dans un chemin creux. Désert de pierres. Au bout, la vérité. Elle entrait dans une librairie. C’était une des librairies de Sienne. Elle l’avait reconnue. Un homme en blouse grise l’attendait. Elle lui demanda où elle se trouvait. « Padoue », répondit-il. Padova. Chemin initiatique de celui qui fait trouver, qui apprend à savoir. Il lui apprit aussi que les psychanalystes qu’elle cherchait, étaient partis en vacances... Chemin initiatique. Seule face à l’écriture et à ses responsabilités.
Accompagnement de la Toscane, comme aide et toile de fond. Après un long, très long désert pierreux. Cela devait être un désert de pierres, oriental, tel qu’il avait été décrit par Henri

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