Un homme et ses deux femmes
208 pages
Français

Un homme et ses deux femmes , livre ebook

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208 pages
Français

Description

Marcel Souhè vivait désormais un bonheur sans nuages, voguant allègrement entre ses deux femmes, pour rassurer l'une, et combler l'autre. L'exercice était difficile au départ, mais Marcel avait habilement déroulé une diplomatie de charme qui tempéra vite l'agressivité de l'une et l'autre et amena les deux femmes à se snober cordialement, à défaut de se crêper le chignon à chaque rencontre.


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Informations

Publié par
Date de parution 02 juillet 2015
Nombre de lectures 17
EAN13 9782336386607
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Paul Emmanuel BASSA M AOUM
Un homme et ses deux femmes
Lettres camerounaises
16/06/15 12:06
Un homme et ses deux femmes
Lettres camerounaises Collection dirigée par Gérard-Marie MessinaLa collectionLettres camerounaisesl’avantage du présente positionnement international d’une parole autochtone camerounaise miraculeusement entendue de tous, par le moyen d’un dialogue dynamique entre la culture regardante – celle du Nord – et la culture regardée – celle du Sud, qui devient de plus en plus regardante. Pour une meilleure perception et une gestion plus efficace des richesses culturelles du terroir véhiculées dans un rendu littéraire propre, la collectionLettres camerounaises s’intéresse particulièrement à tout ce qui relève des œuvres de l’esprit en matière de littérature. Il s’agit de la fiction littéraire dans ses multiples formes : poésie, roman, théâtre, nouvelles, etc. Parce que la littérature se veut le reflet de l’identité des peuples, elle alimente la conception de la vision stratégique. Déjà parus P. K. NKAMANYANG Lola,Rustles on Naked Trees, 2015. André MVESSO, Lucie ou le retour au pays, 2015. Paul Vincent NLEPE MBAMA, Le fils de Hanna Ngale, 2015. Jeanne-Louise DJANGA,Fantasia. Bienvenue à Paris, France, Europe, 2015. Lacatus ELAT,Interprétations poétiques et philosophiques. Une poésie qui parcourt la vie, 2015. Joseph SOP,L’amour est un pseudopode, 2015. André-Pascal LIKWAÏ,La colline en larmes, 2015. André BION,Les enfants d’aujourd’hui, 2015. Golimé MARKUS,Le coup de ma fustibale, 2015. ÉPINGLÉ,Les faces du monde, 2015. SHANDA TONME,Tourments de polygamie. Un enfant de sa mère, 2015. Séverin Modeste MEBENGA EKOMBA, L’ombre éclairée, 2014. Rodrigue FOTSO SOP,Au cœur d’un engrenage, 2014.
Paul Emmanuel BASSAMAOUM
Un homme et ses deux femmes
Du même auteur
Le retour à la vie du prisonnier, Paris, L’Harmattan, mars 2012 La poubelle de la discorde, Paris, L’Harmattan, septembre 2012 Un cheveu sur la soupe, Paris, L’Harmattan, janvier 2014 © L’Harmattan, 2015 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-05988-4 EAN : 9782343059884
1. Samedi 9 juin, à 19h « Oh ! Oui, tout me semblait bien plus clair à présent. Il m’aappelé sur mon portable Orange ce mercredi à quinze heures pour me faire savoir qu’il irait jouer au ludo ce soir,et qu’il rentrerait parconséquent tard. Une attention qu’ilmanifestait habituellement dans ces cas là, surtout depuis que Yvan, le dernier de nos trois enfants, a quitté la maison pour aller gérer sa société de services informatiques à Douala. Car ses soirées de ludo sont pour moi des moments d’uneeffarante solitude que je peuple en faisant appel, à contrecœur, à des cousins et à des cousines qui profitent alors de mon isolement temporaire pour me faire des remarques désobligeantes sur ma « blanche attitude »  entendez mon refus d’héberger à la maison tous les fils et toutes les filles de mon village qui le solliciteraientou me piquer toutce qu’il est facile de dissimuler pendant que je m’affaire dans ma chambre ou que je somnole déjà en les écoutant, épuisée par une autre longue journée de travail. Il y a six mois, dans une situation identique, j’aidemandé à une jeune nièce, coiffeuse de son état, de venir me tenir compagnie en mêmetemps qu’elle me ferait des tresses sur unetête que je cachais beaucoup trop souvent sous un foulard. Je me suis endormie alors que mes cheveux séchaient sous
le casque après le shampoing, et ma nièce a disparu avec la recette journalièrede la pharmacie que j’avais dans mon sac à main et que je devais déposer le lendemain à la banque. J’avais l’air d’une belle idiote àréveil, mon quelques minutes plus tard, dans cette maison calme et sentant bon l’odeur de la menthe fraîche, cependant qu’avec ma bouche pâteuse, je réclamais la présence d’unepie qui s’était déjàenvolée.
Le tort que ma niècem’acausé ce soir làbien et d’autres que j’ai connus avant et après celuilàm’a fait comprendre combien la présence de Marcel, mon mari, m’était utile lorsque je rentre du travail. Il faut dire que notre résidence est un grand duplex que nous avons bâti sans jamais penser que les enfants nous quitteraient un jour, ou que nous serions assez vieux pour ne même plus pouvoir monter l’escalier quimène à notre vaste chambre àl’étage. J’ai beau savoir qu’il y a ungardien de nuit àl’extérieur, je ne puis me résignerà n’avoir àl’intérieur personne à qui je peux destiner un rire, ou intimer un ordre. J’ai beau allumer les lampes de toutes les pièces de la maison, y compris celles qui ne sont plus occupées ou utilisées,l’insécurité urbaine qui a désormais gagné tous les quartiers de la capitale y compris le quartier Bastos que nous habitons me plonge dans une angoisse profonde et me fait redouter des nuits cauchemardesques.
Mais je ne peux non plus demander à Marceld’être à la maison chaque fois que j’y rentre.À soixantedeux ans révolus, mon mari consacre désormais la majeure partie de son temps et de sa vie àl’encadrement des jeunes enseignants de l’université de Soa où il professe le droit, et n’a quetrès peu de loisirs. Le ludo est le seul
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jeu qui le divertisse véritablement et le sorte de la doucereuse monotonie faite de boulot et de dodo dans laquelle il s’enfonce un peu plus chaquejour. Marcel va au ludo comme untel va au football, avec le désir de gagner, et la joie de charrier celui qu’il a vaincu. Crier ‘’zix’’ ou ‘’twoludo.’’, ou encore ‘’chèèène’’ lui procure une telle jouissance qu’il tombe alors de sonpiédestal de professeur pour redevenirl’individu lambda qu’il souhaite certainement être. Et quand arrive le temps de vanter sa stratégie ou de critiquer celle de son adversaire, le ton monte au point où un nonfamilier du milieu pourrait craindre une bagarre.
Marcel va jouer au ludo au quartier MvogAda (il a un jeu à lui à la maison, mais il ne le sort que très rarement pour affronter un cousin ou un collègue, car chez tous les hommes, le ludo comme la bière ne sont jouissifs qu’au bar et entre copains), sur la devanture d’une vente àdont le propriétaire semble plus emporter préoccupépar le jeu et ce qu’il en tire –certains joueurs et spectateurs parient parfoisde fortes sommes d’argent sur la victoire de l’un ou de l’autre camp – que par l’écoulement de ses boissons. Je ne l’yai jamais conduit, et je n’ai jamais été le voir jouer,même si la pharmacie que j’exploite se trouve à moins de cinq cents mètres de au quartier Essos voisin. Je n’ai jamais non plusprêté l’oreille aux rumeurs qui disent que des femmes jeunes et belles viennent régulièrement assister en spectatrices au jeu et que certaines encouragent parfois les joueurs en promettant quelques cajoleries aux vainqueurs. J’avais tort, car ce que j’aidécouvert ce samedi aprèsmidi me fait croire que Marcel n’a pas seulementjoué au ludo le mercredi dernier ».
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Dorothée poussa un grand soupir, et se laissa de nouveau affaler dans le fauteuil de la coiffeuse où elle était assise. La rage lui bouffait le cœur, son cerveau fulminait des reproches et des jérémiades contre Marcel. Mais elle s’en voulait aussi terriblement. Elle se reprochait de lui avoir naïvement donné toute sa confiance. Elle aurait dû prévenir le coup et se prémunir contre la faconde de Marcel lorsqu’il se retrouvait àMvogAda. On lui avait plusieurs fois rapporté que là bas, il était d’un tel laisseraller et d’unenthousiasme si délirantque n’importe quelquidam pouvaitl’apostropher, et n’importe quelle filledélurée obtenir ses faveurs. Seraitce ce qui était arrivé cette semaine ? Dorothée passa les mains sur son visage et soupira de nouveau en tirant du nez. Le miroir devant elle lui renvoya l’image d’une femme vieillie, avec des yeux rouges de honte et de colère, et une bouche qui n’arrêtait pasde s’allonger pour devenir unedésagréable gueule boudeuse. Elle reprit le bout de papier froisséqu’elle avait trouvé dans la poche de la veste de Marcel pour le relire. Il n’y avait pas de doute, son mari avait été à un rendezvous galant mercredi soir, ce jourlà même où il lui avait téléphonépour lui dire qu’il irait jouer au ludo.«N’oublie pas ce vin espagnolque ma cousine aime, et che d’arriver àl’heure.Àce soir, ta F qui t’aimetant », disait la missive, avec au début une date qui correspondait à celle de ce mercredi. Dorothée secoua la tête,n’encroyant pas ses yeux.
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«Maintenant que j’avais la certitude que Marcel me trompait, deux questions me venaient àl’esprit. Deux questions que toutes les femmes dans la même situation que moi se posent toujours. Qui estelle ? Et depuis combien de temps cette histoire duretelle ?
Je veux la connaître pour savoir par quel bout je vais l’attraper avant de l’étrangler. Auparavant, je l’aurai toiséecomme il se doit, pour voir ce qu’elle a de plus que moi, si elle est plus jeune ou plus vieille que moi, si elle a ce chien d’insoucianceaffole les hommes et qui les pousse à imaginer des tas de choses au premier regard. Je me rends compte que je ne connais pas vraiment les penchants de Marcel dans ce domaine. Je ne lui ai jamais posé des questions àce sujet et je ne l’ai jamais entendu exprimer un quelconque avis sur les femmes qui pourraient le séduire. Il a, un jour, désapprouvé publiquement les femmes qui se laissaient bedonner,mais il n’en a pas dit plus. Les aimetil alors jeunes ou simplement adultes ? Préfèretil les petites à fortes poitrines ou les grandes et minces comme moi qui ont saluél’arrivée des soutiensgorges rembourrés qui leur permettent de gonfler leurs chemisiers ? Auraitil trouvé dans ces filles qui viennent le voir jouer au ludo à MvogAda la femme effrontée et impudente dont il a peutêtre toujours rêvé ? Qui estelle, cette voleuse de mari qui me met dans un tel état de rogne et de grogne, et qui certainement me fera passer, dans les jours qui viennent,de très longues nuits d’insomnie?
Je ne me suis jamais interrogée sur la fidélité de Marcel. Je pensais que cela allait de soi depuis que nous nous sommes mariés il y a vingtquatre ans. Il m’a tellement habituée à ne vivre que par moi et pour moi
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