Une étoile dans l oeil de mon frère
134 pages
Français

Une étoile dans l'oeil de mon frère , livre ebook

-

134 pages
Français

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 1985
Nombre de lectures 50
EAN13 9782296363359
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une étoile dans l'œil de monfrère@L'Harnlattan, 1998
ISBN: 2-7384-6601-XMoussa LEBKIRI
Une étoile
dans
l'œil de mon frère
L 'Harntattan L'Harluattan Ine
55, rue Saint-Jacques5-7. rue de l'École-Polytechnique
Montréal (Qc)75005 Paris - FRANCE - CANADA H2Y lK9Dédicace à l'enfance
Voici des mulets chargés de bourricots, et des bourricots
pleins d' histoires chargées.
Voici le coq de mon village qui chante pour lever le soleil
fainéant qui toujours se couche. Voici des vieux et des vieux
en perles qui poussent sur place, le sable rouge si bon à cause
de la faim qu'on mange et le Ramadan qu'on mange pas,
le ciel toujours bleu qu'on dirait que c'est son métier parce
qu'il fabrique des étoiles. Mon frère Daoud qui est toujours
malade, c'est un spécialiste des maladies que toujours il
attrape et moi rien.
Voici les mains de ma mère, la fête qui coupe entre les
jambes... La pluie de sauterelles, la petite Française à la
manière pas de chez nous... Que les frondes sont 'belles, avec
les femmes qui tissent: c'est pour la guerre des enfants pas
loin des voleurs de villages.
Voici ma Kabylie avec les yeux de ma mère qui ne sont
pas du village, voici Amachaou dans la bouche de
grandmère qui raconte mon oncle l'Ogre et mon grand-pè~e le
Lion qui a mal aux dents...
Voici un livre mahboul, mahboul... Mais s'il vous plaît,
laissez passer les moutons chargés sur le dos des bourricots,
et délicatement tournez les pages...Une étoile dans l'œil de mon frère
C~est la nuit belle, qui se regarde pas, la nuit du reste
dehors, la nuit qu'on est là, qu'on est une pierre, une
maison, un arbre, le ciel sur notre tête, la nuit dedans le ciel
qui se regarde pas, ils poussent des étoiles.
Parce qu'il y a des ciels qui ressemblent pas aux autres
ciels. Celui de mon village, il est bleu, bleu spécial. Même
la nuit, il est bleu ça le dérange pas, et il se fatigue jamais
d'être bleu qu'on dirait que c'est son métier. Il fabrique les
étoiles, avec mon frère on s'amuse à les attraper, parce
qu'elles sont pas hautes, mais il faut lever les mains haut,
très haut comme ça! vers le ciel.
- Les enfants! les enfants! Laissez les étoiles
tranquilles, disait ma mère, et ne les regardez pas de trop près.
- Et pourquoi yema on leur fait de mal!
- C'est comme ça ! quand on regarde trop les étoiles, elles
tombent exprès dans les yeux des enfants!
Mon frère et moi on croit pas, on est têtu plus que notre
bourricot. Alors sans que ma mère elle nous voit, nous on
ouvre nos yeux le plus grand qu'on peut plusss... et on
regarde, on regarde de toutes nos forces les étoiles dans leurs
ye1.lx,tellement qu'elles bougent pas, tellement qu'elles
respirent plus.
- Aii ya ya ya ya, yemaa !
Que ma mère elle arrive elle aussi!
" - Yema ! Yema ! Yema ! Je l'ai dit, je l'ai dit, mais vous
écoutez pas !
7Mon frère dans ses yeux fermés pleurent.
- Ouvre louvre-moi l'œil que je regarde au fond!
Une étoile était tombée dans l'œil de mon frère, et je me
dis : «Ah! enfin on en tient une! .
- Ouvre! ouvre-moi l'œil que je l'attrape!
Et ma mère plonge toutes ses mains et arrache l'étoile.
Il ne faut pas regarder trop, trop les étoiles, disait ma mère
qui jette dans le ciel toujours bleu l'étoile dans l'œil de mon
frère.
Et dans le ciel de Kabylie ce soir-là, il ne nous manquait
pas une étoile.
8Le sable rouge
Je me souviens, sur la place de mon village, là où il y
a tous les vieux. C'est des vieux de toute vieillesse et des
vieux de toute jeunesse. D'où ça vient? D'une pluie de
vieillesse ? D'une boutique de vieux qui existe pas ? D'un arbre
qui construit des vieux que je connais pas, peut-être ils
poussent sur place qu'on les voit mêmè pas. Comme moi je sais
pas, je crois que c'est le Dieu qui les fabrique par paquets.
Il leur donne une gandoura de robe pour habiter dedans
toute leur vie. Il leur donne aussi du tranquillement et du
pas bouger. Dieu il a laissé dans leur bouche un peu de la
dent pour le croquement et un peu de souffle pour souffler
un peu, quand ils sont fatigués beaucoup, et aussi un peu
de force pour rester debout à moitié, et faire des prières,
beaucoup de prières.
- Allah...
Ils sont là tous les jours sur la place, qu'on dirait qu'ils
bougent pas, c'est des montagnes vivantes en djellaba. Ils
font pas de mal, ils fabriquent des sourires et des sourires,
et ils parlent, et ils parlent de Dieu, de l'œil de Dieu, et
ils embrassent la terre, ils embrassent. Dans leurs mains, Ils
ont un collier de perles du paradis qu'ils mettent jamais dans
le cou, c'est interdit! Dieu il veut pas, c'est pas un collier
de décoration, c'est un collier sérieux. Ils le tiennent dans
la main, et ils comptent la perle, ils comptent, ils
comptent, ils comptent peut-être il manque une! Alors ils
tent, et ils comptent jusqu'à la motto On voit leur bouche
qui parle qu'on entend pas, ils sont dans leur monde de
9perles qui tournent rond. Ils sont vieux, très vieux... on les
entend vieillir d'ici!
Nous jeunes, tout jeunes on jouait, on jouait, on jouait,
à manger le sable rouge de tout notre village. On faisait des
boulettes, comme les boulettes de fête de semoule: « Mmm !
c'est bon! » qu'on fait, à cause qu'on a faim, sinon nous
on ferait: «Mmmm! c'est pas bon tefffteff! » On fait
exprès que personne il nous voit, parce que c'est interdit de
manger les villages, interdit! Eh oui! Si tout le monde il
mange un village ici, une montagne là, un caillou là-bas...
il Y aura plus de village dans notre village, plus de terre,
et sur quoi nos pieds ils vont marcher? Il restera plus que
le ciel, la terre du ciel.
Alors les vieux qui font de mal à personne, et qui voient
tout, ils nous punissent d'une grande punition pour que
jamais, jamais on mange même un petit village petit.
Ils ouvrent notre bouche avec leur force terrible et ils
mettent dedans nos bouches: srdouk ! sdrouk !... et srdouk c'est
vraiment quelqu'un de fort, il est rouge aussi, il ressemble
à du sable mais lui c'est pas du sable, il s'amuse pas. Il
est piquant et il pique, il pique, plus que du piment,
tellement que c'est du piment! Alors il faut que tu parles la
bouche pleine de srdouk, pour dire aux vieux qui font jamais
de mal à personne: « Mâââch ! mâââch ! »Je mangerai plus
de villages, je mangerai plus les montagnes... je mangerai
plus de la vie... mâââch! mâââch! je mangerai plus!
Mâââch, c'est un mot rouge terrible qui pique dans la
bouche jusqu'au sang, c'est comme ça que chez nous il reste
la terre, le ciel qu'on mange pas.
Parce qu'ils ont raison les vieux qui font de mal à
personne, mais notre faim dans notre ventre aussi.
Quand le soleil il se couche, parce que chez nous il fait
toujours nuit une fois par jour. On entend toujours un vieux
qui appelle comme ça :
- Eééh ! toi mon fils... Tu es le fils de... viens mon fils,
ramasse- moi je suis cassé... fatigué.
Et moi je ramasse le tout, c'est un léger de plume.
- A la maison mon fils... à la maison.
Il sourit dans sa bouche tout seul.
10- Mon fils on est vieux, on est rien, on est que les
morceaux d'Allah. Je suis né que tout à l'heure regarde moi...
Allez mon fils prête-moi ta jeunesse, Dieu il te le rendra.
- Il me rend quoi?
- Le bien mon fils, le bien...
Dans la maison du vieux, j'ai rentré toute la vieillesse et
tout le bien de ma jeunesse.
IlLe jour où je voulais être malade
Mon frère Daoud était toujours malade! C'est un
spécialiste, toujours une maladie à attraper et moi rien. Il fréquente
des maladies que personne il a entendu parler. Alors il a
tout ce qu'il veut, et il veut beaucoup de choses sans compter
les choses des cadeaux! Il a tout les bras de ma mère, tout
les yeux de mon grand-père, et le pain noir de ma
grandmère, sans compter la chance d'être malade! On s'occupe
que de lui, que de lui, on lui donne toute la viande, la
mienne et même la sienne! Mon grand-père il lui passe la
main sur les cheveux, des caresses supplémentaires de pas
comme d'habitude, et il lui fait des prières spéciales.
Moi aussi je rêve d'être malade, d'avoir les yeux
fermésouvens, d'avoir chaud-froid puis glacé tout d'un coup.
Qu'est-ce que je vais faire? Qu'est-ce

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