Une île où séduire Virginie
136 pages
Français

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Une île où séduire Virginie , livre ebook

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Description

C'est Paul, le fils bâtard, qui raconte l'histoire d'amour qu'il a vécue avec Virginie, à une époque où, pour réussir dans la société, il fallait posséder un nom, une fortune. Il ne possédait ni l'un ni l'autre... Il n'était riche que de l'amour qu'il éprouvait pour Virginie. Fou d'amour, il lui obéissait aveuglément. Fou de chagrin, il l'a laissé partir pour Paris. Mais avait-il le choix ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2007
Nombre de lectures 244
EAN13 9782336267197
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’HARMATTAN, 2007
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296045668
EAN : 9782296045668
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Lettres de l’océan indien Epigraphe I - UNE BELLE SAISON II - AU MILIEU D’UNE BELLE SAISON III - UN ORAGE AU MILIEU D’UNE BELLE SAISON
Une île où séduire Virginie

Jean-François Samlong
Lettres de l’océan indien
Collection dirigée par Maguy Albet
Déjà parus
TOAZARA Cyprienne, Au fil de la sente , 2007.
MALALA Alexandra, Coup de vieux , 2006.
HATUBOU Salim, Les démons de l’aube , 2006.
ATTOUMANI Nassur, Les aventures d’un adolescent mahorais , 2006.
GOZILLON Roland, Une fille providentielle , 2006.
ARIA Jacqueline, Le magasin de la vigie , 2006.
MUSSARD Fred, Le retour du Buisson ardent , 2006.
HATUBOU Salim, Hamouro , 2005.
ROUKHADZE Tchito, Le retour du mort , 2005.
CALLY J. William, Kapali.La légende du Chien des cannes et autres nouvelles fantastiques créoles , 2005.
ARIA Jacqueline, L’île de Zaïmouna , 2004.
TURGIS Patrick, Tanahéli – chroniques mahoraises , 2003.
TURGIS Patrick, Maoré , 2001.
FOURRIER Janine et Jean-Claude, Un M’zoungou à Mamoudzou, 2001.
HATUBOU Salim, L’odeur du béton, 1999.
BALCOU Maryvette, Entrée libre , 1999.
FIDJI Nadine, Case en tôle , 1999.
COMTE Jean-Maurice, Les rizières du bon Dieu, 1998.
DEVI Ananda, L’Arbre-fouet, 1997.
DAMBREVILLE Danielle, L’Ilette-Solitude , 1997.
MUSSARD Firmin, De lave et d’écume , 1997.
TALL Marie-Andrée, La vie en loques , 1996.
BECKETT Carole, Anthologie d’introduction à la poésie comorienne d’expression française , 1995.
DAMBREVILLE Danielle, L’écho du silence, 1995.
BLANCHARD-GLASS Pascale, Correspondance du Nouveau Monde , 1995.
SOILHABOUD Hamza, Un coin de voile sur les Comores , 1994.
« Ainsi ils continuèrent tous d’être heureux et ce ne fut qu’un orage au milieu d’une belle saison. »
Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie .
« C’est par le sacrilège qu’on maintient les grandes œuvres et non pas par une poussiéreuse vénération . »
Jacques-Pierre Amette, La Maîtresse de Brecht .
I
UNE BELLE SAISON
Je m’appelle Paul. Mon nom ? Je l’ignore. Tout ce que je sais, c’est que je suis le fils bâtard d’un gentilhomme qui s’éloigna de ma mère après l’avoir mise enceinte. Au diable la promesse de l’épouser. Il ne cherchait qu’à satisfaire sa passion en abusant de la crédulité d’une paysanne. Et ma mère, née en Bretagne, ayant perdu sa réputation — seule richesse d’une femme pauvre et honnête, décida alors de venir cacher sa faute dans cette île où je suis né. C’est ici que j’ai grandi, sur les bords de la rivière des Lataniers qui coule entre deux collines jusqu’à la mer. C’est ici que j’ai affronté la tempête. C’est ici que j’ai souffert. C’est ici que j’ai aimé et pleuré.
Au fond de moi-même, j’ai toujours su qu’un jour je raconterai mon histoire. Une histoire d’amour avec ses joies, ses peines, mes fantasmes. Ce jour-là, je n’aurai plus à haïr le vieil homme qui a livré aux voyageurs un conte à dormir debout, avec ce qu’il faut comme mensonges pour que la vérité ne blesse pas les âmes vertueuses. Et viendra le jour où l’esclavage sera aboli à l’île de France parce que des milliers d’esclaves fugitifs, poursuivis par des chasseurs, sacrifièrent leur vie au pied de la montagne des Trois-Mamelles. Parce que la vérité est gravée en moi, et que je dois l’écrire. La vérité, ma blessure, chaque fois que je revois Virginie qui, à l’autre bout du jardin, s’élance vers la cabane de sa mère pour se mettre à l’abri de la pluie, la tête couverte de son jupon relevé par-derrière. Je cours vers elle ; je la rattrape. Je lui prends le bras et glisse la tête sous son jupon. Elle rit ; je ris aussi. Le jupon de Virginie rit sous la pluie. L’orage éclatera plus tard, mais il est encore trop tôt pour en parler.

La montagne laisse se propager à tous les échos les aboiements de mon chien, des cailloux dégringolent la pente. Puis un bruit de pas. Je mets le nez hors de ma case, moi qui, depuis le naufrage du Saint-Géran , n’attends plus personne, vivant seul avec mes souvenirs. Dehors le soleil m’oblige à plisser les yeux. Un jeune noir accourt vers moi. Il se protège de la chaleur à l’aide d’une feuille de bananier. Sans jeter un regard au chien venu le renifler, il me dit que le vieil homme désire me voir, il n’y a pas une seconde à perdre, c’est aussi important pour lui que pour moi, cette rencontre dans la vallée. Je balance la tête. Que me veut ce vieillard dont le corps malade, d’après ce que j’ai entendu dire, sent déjà la tombe ? C’est mon parrain, et je ne puis oublier qu’il a aidé ma mère dans les heures difficiles, ainsi que Mme de la Tour, la mère de Virginie.
En veste et caleçon long, il passait beaucoup de temps autrefois à courir les chemins, nu-pieds, le bâton de bois d’ébène à la main, les cheveux rares, il se donnait une physionomie noble et simple. Il voulait qu’on parlât surtout de lui comme d’un homme de grande expérience . Il prétendait avoir la mémoire des lieux, des visages, des événements. Lorsque sa route croisait celle d’un étranger du côté de la rivière des Lataniers, ses yeux se gonflaient d’orgueil, à se dire que là, près du bassin, un esprit cultivé, un lettré, un écrivain en quête d’inspiration, goberait toute crue son histoire. Un masque de bonhomie sur le visage, il se plaisait à maquiller la vérité à son gré. Mieux vaut le préciser tout de suite : ses mensonges me mortifiaient. Je bouillais de rage lorsque, dissimulé derrière un bosquet, je l’entendais mentir. Il mentait plus que le maître de la Rivière-Noire qui avait promis à Virginie de pardonner à l’esclave marronne. Le fourbe ! En guise de pardon, il avait attaché la fugitive à un billot, une chaîne au pied et un collier de fer à trois crochets autour du cou.
Il l’avait châtiée pour l’exemple.
Je me demandais si certains maîtres n’étaient pas des arracheurs de dents. Menteurs et cupides, ils s’abattaient sur le corps de jeunes négresses en grands seigneurs qui jouissent de privilèges. D’une main, ils jouaient du fouet durant la semaine, de l’autre ils donnaient à la quête, le dimanche, lors de la messe à l’église des Pamplemousses. La main gauche ignore ce que fait la main droite. L’appât du gain, malheureusement, n’était pas moins développé chez les roitelets africains qui fournissaient des esclaves aux administrateurs des îles Mascareignes.
Pour toutes ces raisons, je hais les marchands d’esclaves ; je hais autant la peuplade des Yao.
Pour des lecteurs peu avertis, l’expression traite négrière renvoie à une poignée de blancs qui veulent faire fortune rapidement, ils s’entendent entre eux comme larrons en foire, font des razzias sur les côtes africaines, incendient, pillent, violent, tuent, et vendent leurs prisonniers dans les possessions portugaises ; à leur tour, les négriers débarquent leur butin dans les îles et revendent chaque « pièce d’Inde » aux propriétaires. Je hais ces traîtres de Yao qui n’ont pas cessé de capturer et de vendre ce qu’ils appellent des « prisonniers de guerre ». Le Code Noir dit que les enfants qui naîtront des mariages entre esclaves seront esclaves et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves. Moi, je ne me suis jamais considéré comme un maître blanc. Ma mère possédait un vieil esclave : Domingue. C’était un noir yolof qui savait tout faire de ses dix doigts : semer du mil et du maïs, cultiver du riz et des patates, planter des cotonniers, couper du bois dans la forêt, aplanir les chemins. Il m’a tout appris et, le ciel m’est témoin, je ne l’ai jamais regardé comme un esclave.
N’est-ce pas lui aussi qui m’a fait comprendre que si Mme de la Tour était pour moi comme une seconde mère, Virginie n’était pas ma sœur, même si nous avions dormi dans le même berceau, joue contre joue ? Lorsque j’ai posé sur Virginie un autre regard que celui d’un frère, elle avait dans les douze ans, et moi un an de plus qu’elle. Le vieil homme au bâton, qui rôdait souvent autour de nos cabanes, n’ignorait rien de notre amitié. Au tout début, il a fermé les yeux sur nos rencontres à l’ombre des bananiers. Absorbé dans ses pensées, l’air absent, il me semblait qu’il avait le béguin pour Mme de la Tour dont le mari était mort des fièvres pestilentielles à Madagascar. Je me méfiais de ce vieux fou qui aimait les noirs soumis, tels Domingue et Marie, et les esclaves qui s’épuisaient à la tâche. À la brune il rentrait chez lui, et moi je contemplais la montagne des Trois-Mamelles en

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