Une vie de chien au Labrador
178 pages
Français

Une vie de chien au Labrador , livre ebook

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178 pages
Français

Description

Au Labrador, pays imaginaire, dans les transports en commun, se rencontrent, au grand hasard, des hommes insolites : ceux qui parlent et ceux qui écoutent, ceux qui attendent et ceux qui agissent. C'est l'éclair, le tonnerre, la foudre. Toute la société est remuée dans ses coins et recoins, soumise à l'examen impitoyable de la maïeutique : pourquoi tel travers et pourquoi tel autre ? Ainsi commence donc le torrent des grands changements et des horizons meilleurs.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2013
Nombre de lectures 55
EAN13 9782296539891
Langue Français
Poids de l'ouvrage 9 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Gandard Yindoula
Une vie de chien au LabradorRoman
Une vie de chien au Labrador
Roman
Gandard Yindoula
Une vie de chien au Labrador
Roman
- Congo
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© L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-00968-1 EAN : 9782343009681
PREMIERE PARTIE L’EMBOUTEILLAGE ET LE MAIEUTICIEN
CHAPITRE I LA SECURITE SOCIALE, LA S.S Deux jeunes femmes du petit groupe de huit personnes que nous formions s’étaient détachées. La plus jeune des deux avait donné un gosse qu’elle tenait dans ses bras à la plus vieille. Ainsi libérée, elle avait pris un gros sac que je n’avais pas vu au préalable. Ce sac bleu était rempli à s’éclater ; il était vraiment lourd. La pauvre dame s’était fait aider par le vendeur de crème. – J’ai moi aussi une femme de chez vous, requit-il, comme pour revendiquer unereconnaissance dans ce milieu à la fois plein de délabrés de la rive droite et de ceux de la rive gauche. Reconnaissance, oui parce que les premiers se prennent pour les plus honnêtes que les seconds, ce qui n’est pas toujours vrai. Retenons seulement que le vendeur de crème avait aidé la jeune femme. Et toutes deux s’en allaient, trempées jusqu’aux os, parce que depuis 5 heures du matin il n’arrêtait pas de pleuvoir. Il était 10 heures à présent. C’était la quatrième fois que, du ciel, il tombait des eaux. A l’arrêt de bus de la gare, du côté du quartier ouest-africain, il n’y avait pas de hangar ni de station-service ni quoi que ce soit pour s’abriter. Il n’y avait même pas un panneau indiquant la gare routière. Un arbre ombrophile grandissait encore. Cet arbre servait d’abri contre les soleils et contre les pluies aux usagers de la station des cent – cent. Je ne sais plus qui avait plaisanté en qualifiant ces usagers de « sans cent » pour dire qu’ils n’ont pas la pièce de cent francs de titre de transport. Ce terminalia, c’en était bien un, laissait passer les eaux venant du ciel, mouillant ainsi ceux qui étaient venus s’y abriter. Ainsi, nous étions trempés jusque dans le caleçon. Les deux pauvres jeunes femmes s’en allèrent en s’engouffrant dans l’entrée réservée aux locomotives. Cette entrée n’avait plus ses volets de protection. Elles allaient à coup sûr au sud de la ville puisque le chemin de fer ne traverse que le Sud. Je les regardais, je ne savais pourquoi, mais je les regardais quand même.
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Pourquoi étais-je là au même moment que ces étranges créatures arrachant mon attention ? Je revenais de la S.S. réinscrire Liberdad. Liberdad, ce pétrisseur bègue d’une loquacité effrayante et d’un gabarit de colosse aux muscles saillants. Pour la énième fois, je me devais de l’inscrire. Pourquoi ? Tout bêtement parce que le dossier, le premier, avait été égaré par ceux qui en avaient la charge. A voir leur désintéressement, on dirait que ces fonctionnaires qui s’occupaient de tout travailleur du privé avaient moins d’égards pour les retraités de ce secteur qui pourtant, toute leur vie professionnelle, avaient cotisé à travers une redevance prélevée à la source, la base de ce qui plus tard constituerait la pension de leur retraite. Ces anciens travailleurs avaient mis leur espoir des derniers jours en cette institution de sécurité sociale. Mais la S.S, de la sécurité sociale était passée à l’insécurité sociale comme beaucoup d’autres institutions de la République. Elle était devenue cette espèce de prédateur broyant les seniors pour tirer leur jus, leur sang. Ce jus rouge vif des seniors pour les employés de la S.S. servait à l’achat des voitures, des terrains, des meubles, de tout et même à l’entretien des maîtresses et maîtres. Dans tout cet éparpillement, les agents de la S.S. ne pensaient plus à ceux pour qui ils avaient été embauchés par l’Etat, mais à eux-mêmes comme pour dire que « la charité bien ordonnée commence par soi-même ». Eux aussi avaient commencé par eux-mêmes. Drôle de vérité ! Une folle, une intimité dehors Je revenais de la Sécurité sociale tout en confiance pour des raisons que j’ignorais. J’arborais même un sourire de satisfaction, arrosé comme une plante par le ciel qui suintait de toutes parts. Je marchais, le regard de temps en temps happé par le spectacle environnemental. De l’enceinte de la Sécurité sociale à la gare routière sans abri et sans panneau, je vis une très belle demoiselle. Elle happa mon attention comme un lézard happe un insecte. Nous nous la disputâmes tous les deux, mais en maître de moi-même, je l’arrachai tout en négociant le virage donnant sur l’avenue des terminalia où se trouvait la station.
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Une autre dame attira mon attention, elle était folle. C’est bien après seulement que je m’en rendis compte. Vêtue d’une culotte moulante noire, mais déteinte, cette dame ruisselait de l’eau de pluie. Elle s’entretenait avec un monsieur de qui elle semblait attendre quelque chose. Elle avait dans la main une mangue mûre qu’elle portait de temps en temps à la bouche. Je serais passé sans la regarder outre mesure. Ce qui m’attira, c’est ce pan d’étoffe blanche qui surmontait sa culotte. Le blanc donc attira mon regard et me montra le dos nu de la dame. Confus, je ne compris pas à l’immédiat. Je levai les yeux sur la partie restante de son corps et je m’aperçus qu’elle n’avait qu’un soutien-gorge dont je ne me souviens plus de la couleur. Sa tête était mal coiffée. Je conclus qu’elle ne répondait pas à la norme sociale de sujets sains pour se balader en soutien-gorge, sous-vêtement baissé arborant son caleçon blanc, pieds nus et le tout couronné par une insouciance inquiétante. Tout en marchant vers la gare routière, je la regardais. Pour ne pas trop m’approcher d’elle, et comme pour garder une certaine distance d’acuité visuelle, je traversai l’avenue presque déserte d’automobiles machinalement pour rejoindre une des jeunes femmes que nous avons vues partir. La deuxième n’était pas là au moment où j’étais arrivé. Elle était venue après moi à la gare routière cent-cent. Le bus de Tai-Drague Et le bus de Tai-Drague arriva. Je l’empruntai. Il avala le kilomètre et demi qui s’étendait de la station routière de la gare ferroviaire à la station du rond-point Potaud. Les embouteillages sont devenus chroniques dans nos villes. Autrefois, exclusivité des grandes métropoles occidentales, des files d’automobiles rayent le paysage de la circulation routière dans les pays du sud. Ces files demeurent immobiles pendant des heures. Et les occupants des automobiles s’exclament : « encore un embouteillage ! » Une partie de la population ne comprend pas ce mot pour n’avoir pas été à l’école. Les vieilles personnes l’écorchent de toutes parts à vous faire vomir les tripes de rire. Enfin, lentement et avec peine, le véhicule parvint à avaler cette distance qui sépare les deux gares routières comme le serpent avale une proie.
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