Puis-je me permettre de livrer ma repensée de l’art et de  la démocratie ?
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L'opposition binaire entre démocratisation culturelle et démocratie culturelle peut -être dépassée par une vision dialogioque. L'art ne peut il pas se constituer en médiation, en passerelle d'un autre ailleurs? Et à quelles conditions?

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Publié le 19 octobre 2011
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Langue Français

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1 Puis-je me permettre de livrer ma repensée de l’art et dela démocratie ?
La démocratisation de la culture a connu son heure de gloire, elle fut révolutionnaire dans ses langes, depuisJ.J.Rousseau, puis la Révolution Français avant leFront Populaire pour se retrouver fixée dans le préambule de la Constitution de 46Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à« La l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture.» Malrauxdit-on s’inscrira en partie dans cet héritage tout en privilégiant une approche très personnelle du rapport à l’art.
Dans ce rapport démocratie et culture, on peut ajouter que les grandes puissances du Nord, après la seconde grande guerre de notre siècle, ont vu en la culture, un moyen de réduire la vitalité de la barbarie et faire rayonner la démocratie. Les politiques culturelles seront ainsi édifiées dans la visée de la démocratisation culturelle. La culture se verra confiéela vertu d’aider à l’exercice de la démocratie par tous les citoyens, de la vertu de réduire les écarts entre les classes sociales en vue d’une meilleure cohésion sociétale. Et pour y arriver, rien de telle qu’une ambitieuse politique d’élargissement des droits d’accès à l’éducation, à la culture. Démocratiser la culture fut et reste encore la mise en place de politiques culturelles qui favorisent l’accès des classes marginalisées à l’éducation et à la culture en général, faireaccéder le peuple à la culture de l’élite, aux hauts standards de qualité basés sur les formes d’expression considérées les plus nobles (opéra, musique classique, etc.). Mais un ami m’a rappelé ces paroles de Edgar Morin :« on ne peut pas oublier qu’Auschwitz est aussi un marqueur radical des limites de la démocratisation culturelle : cet impensable est survenu dans une société/civilisation et à une époque qui connaissait un summum de production culturelle… et artistique »: cette même culture/civilisation qui a accouché duEt je rajouterai colonialisme et…
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2 Mais toutes les idées novatrices son relatives et évanescentes et si elles n’évoluent pas avec la transformation sociale et le temps, elles courent le risque de s’instituer en dogme ou pire en sentinelles des hier et des avant-hier.
Par ce que la démocratisation de la culture semble consubstantielle de l’existence d’une culture supérieure, celle de l’élite, sa logique tombe en contradiction avec les valeurs principales de liberté et d’égalité de la démocratie. Pourquoi diront certains, la musique classique et la musique populaire ne seraient paségales dans le sens où elles se valent l’une l’autre. Pourquoi,insisteront d’autres, en tant que citoyens ne pouvons nous pas être libres de choisir le genre qui nous plait.
Ainsi se fonde la démocratie culturelle dans son oppositionà la démocratisation
culturelle :
- en dénonçant la supériorité d’une forme de culture sur les autres tout en prônant la diversité des formes d’expression
- en vilipendant le choix de l’état à poursuivre la logique ascendante et à favoriser
la culture dite élitiste et /ou élitaire.
-en en appelant àdes interventions favorables au libre choix et à la diversité,
Et ceci est repris, rabâché, radoté souvent comme un disque rayé. Cela mérite peut
être qu’on si penche un peu non ?!
Le camp de la démocratie culturelle ne court- il pas également le risque de passer pour une rhétorique creuse. Une tradition, je dirais une habitude, s’est installée qui consiste à opposer systématiquement démocratisation culturelle et démocratie culturelle. Cette opposition binaire voire manichéenne finit par relever de la pure idéologie pour ne pas dire métaphysique du discours, d’un discours lui-même se nourrissant de la moraline comme simplification et rigidification éthique qui conduisent au manichéisme. Cette moraline qui peut être celle de l’unique
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3 indignation et celle d’une simplification réductrice, lesquelles, du reste, s'entre-nourrissent.
Que l’énoncé porte sur la démocratisation culturelle ou sur la démocratie culturelle, c’est bien de la culture et de la démocratie dont il est toujours question. Comme disait mon grand père « que la chèvre soit attaché à l’arbre par la corde ou que la corde de la chèvre soit attachée à l’arbre, c’est toujours la chèvre qui est attachée! »
Par ce qu’ils sont en intermédiation entre les publics et les décideurs, certaines associations et opérateurs culturels pensent trouver là la légitimité de leur posture revendicative. Ils enoublient quedans leur pratique d’élaboration et de mise en œuvre d’actionset de projetsculturels, les publics ne sont que rarement associés sauf en tant qu’« acteurs »dont on ahétéro-finalisé le rôle et la place. D’où la sempiternelle problématique de la « participation des habitants ».
Dans les deux camps, la question du choix culturel et des droits culturels, paradigmatiques de la proposition de l’UNESCO, la possibilité et de la délibération éthique et de la délibération des règles du jeu, souffrent d’une indigence théorique, méthodologique et opérationnelle.
Dans chaque camp il s’en trouve qui évoquent en invoquant lesvertus et visées éducatives, valorisantes voire thérapeutiquesde leurs réalisations et actions, sans une repensée rigoureuse et édifiant des murs là où il est entendu deles démolir, traçant des frontières là où il est question de les supprimer, criant à la violence là où il est question de conflits, posant des scellés là où il est question de faire sauter les verrous. Cette frontière du «eux »et «nous »culturelle qui marquerait un haut et bas pour ne pas dire un dedans et un dehors qui s’ignorent en s’excluant.
La pensée globalisante, «généralisante »est aveugle devant la complexité. Elle ne peut admettre que le haut comme le bas puissent en eux-mêmes proposer du meilleur comme du pire, du beau comme du laid, du sublime comme du
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4 quelconque… Cette pensée est rétive à la considération de ces deux instances comme des espaces possibles d’effectuation et de réalisation.
Comment pouvons-nous nous sortir de ce qui semble être un paradoxe, une contradiction incontournable ? Non point en renvoyant les adversaires d’une lutte de classes qui n’aura sans doute pas lieu, du moins dans l’immédiat, car pour qu’il y ait lutte il faut rencontre, confrontation, escarmouches, corps à corps et au final, mort d’un côté et vie de l’autre, ou mort ou vie des deux.
Certains en ont appelé à un arbitrage plus égalitaire pour ne pas dire équitable entre les opérations d’en haut et celles d’en bas, dans la redistribution des moyens financiers (lesquels proviennent des deniers publics). La question économique est importante sans être essentielle ! Et le sens dans tout cela ? D’autres ont lourdement insisté sur l’incontournable nécessité du partenariat politique-associatif-culturel, dans une co-élaboration des projets culturels de grande envergure locale, partenariat et non instrumentalisation. Du marché on arrive à la cuisine, à la cuisine interne qui n’est pas sans lien avec le porte-monnaie. Un partenariat technico-économique, un partenariat d’où sont absents les principaux concernés, ET LE PUBLIC. ET LES PUBLICS !!!Cette question du partenariat rencontre celle du fameux dosage entre artistes d’ici et artistes appelés d’ailleurs. Question du nomade et du sédentaire, de l’indigène et de l’allogène. L’artiste n’est pas toujours prophète chez lui dans l’insupportable dérangement qu’il symbolise en permanence, quand ailleurs, il peut accompagner l’accouchement de la prophétie dont l’insupportable dérangement se fait tolérer par l’étrangéité et l’étrangeté de sa fugace présence. D’autres (enfin ?) ont opté pour le boycott, qui emprunte deux logiques. Le boycott passif dans la désertion qui peut faire écho à l’abstentionnisme électoral,et le boycott actif dans l’insoumission et la contre-proposition. Cette dernièreposture, élaborée dans une dimension projective, pourrait représenter une alternative de résistance culturelle et politique, un laboratoire, non pas uniquement pour des
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5 formes nouvelles mais pour une nouvelle manière de se former au monde. Nous y reviendrons.
Ne serait-ce pas l’élaboration d’un ailleurs dans la relation dialogique des deux
sphères, en elles-mêmes et entre elles-mêmes? Ne serait-ce pas dans cette
perspective dialogique que se niche le salut ?
Parce qu’il n’y a pas de culture sans art et d’art sans culture, je parle de l’art maintenant. On a tous je crois une définition de l’art, une définition qui nous est personnelle ou que nous avons fait nôtre par l’intermédiaire d’un autre. Je donnerai pour ma part unepremière que j’ai choppée en cheminant : «l’art est l'organisation d'impressions sensorielles qui expriment la sensibilité de l'artiste et communiquent à son public un sens des valeurs qui peut changer leur vie.»Du moins c’est ce qui pourraitrésulter de l’intention et de l’activité de l’artiste.
Certains parlent de plus en plus de l’art comme médiation dans sa dimension fonctionnelle. Cette idée, toutefois, de médiation doit pouvoir être lue sur un autre plan que celui de la médiation culturelle, galvaudée et instrumentée, pour finir comme un mot valise sémantiquement vide.
L’art n’est-il pas médiation en tant qu’espace de réalisation et d’autoréalisation, d’expérimentations et d’expérience, une de ces occurrences qui réalise l’utopie, l’utopie,- ,ce lieu imaginaire ; qui présentifie l’imaginable hier. ο τοπος Pour cela il suffit (trop vite dit peut-être ?) d’admettre que tous les artistes ne sont pas comme TOUS les artistes, ceux que l’on considère hâtivement TOUS comme vendus à la solde des gouvernants etgriots des bien pensants, sans éthique et sans projets, sans ambition inclusive et insensibles à la pensée du tremblement chère à Edouard Glissant. "La pensée du tremblement surgit de partout,musiques et formes suggérées par les peuples. Musiques douces et lentes,lourdes et battantes. Beautés à cri ouvert.Elle nous préserve des pensées et des systèmes de pensée…. "Extrait de La Cohée du lamentin – Edouard Glissant-2005. 5
6 Il suffit (est-ce toujours vrai?) de parier qu’il existe des artistes qui plus que des passeurs de frontières, s’engagent dans des créations audacieuses et dérangeantes pour nos quiétudes, nos apathies et nos désenchantements à toutes et à tous. Ambitieuse mission confiée à l’art ! Moi en tout cas j’y crois !
Et j’ose croire, chers amis artistes et chers citoyens amoureux de la culture, j’ose croire quecertains d’entre vous vibrent avec cette assertion de Paolo Freire: «Personne ne sait tout, ni personne n’ignore tout, personne n’éduque personne, personne ne s’éduque seul, les hommes s’éduquent entre eux par la médiation du monde».
Lorsque des artistes, dans un contexte institué, s’ouvrentà la rencontre et au partenariat avec des acteurs locaux (le temps des «habitants »n’a pas encore paraît-il sonné)et qu’en certains lieux et pour certaines réalisations, artistes et public élaborent des règles du jeu communes dans le respect des identités singulières, des statuts divers et dans le souci de l’articulation des temporalités aux rythmes inégaux; quand des artistes élaborent des dispositifs qui ouvrent des possibles, inaugurent par leurs propositions délibéréesayant fait l’objet de délibération collective des espaces/temps d’interpellation citoyenne, de détournements sémantiques, de topographie renversante de l’agora du dialogue inter-acteurs, ils incarnent artistiquement la logique de la capacitation citoyenne. Oui l’art bienfait, comme l’indique le titre d’une des rencontres de ces jours peut nous délivrer de l’incroyance qu’un autre monde est possible.
Cet art nous atteste que ce que la main de l’homme fait, la main de l’homme peut le défaire ;et loin de nous aliéner dans la fosse de l’introspection égoïste ou nous envelopper de sa gangue mystique et anesthésiante, il nous convainc de la nécessité de reprendre le flambeau de la lutte politique citoyenne pour autant que l’on croit en la démocratie et en la république, pour autant que nous croyions, après ces émotions et ces expériences individuelles que l’efficacitédu je est dans le nous.
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7 Oui serait-il possible un jour que le droit à l’expérimentation soit reconnu sans l’épée de Damoclès des «résultats »,sans cette parano et/ou ce besoin incompressible de tout contrôler qui font croire que par qu’ils ne sont pas avec nous, ils seraient contre nous.
 J’aile frais souvenir que tout près de nous ou ailleurs, des alternatives se construisent, dans une perspective d’éducation populaire renouvelée, autour d’une définition de la culture proche decelle que propose Luc Carton, cet« ensemble de procédures d’attribution de sens à la vie sociale ». Avec, hélas, quels moyens ? (j’en reviens encore à ça !) Avec quels soutiens politiques sans exigence d’un autre retour que celui d’avoir osé l’audace et la créativité.
J’ai dit ce que j’avais à dire, vite dit peut-être, mal dit sûrement, mais j’ai dit. Et s’il existe des hommes et des femmes qui trouvent que mes propos sont celui d’un ignare en la matière qu’ils me l’expriment, non pas par des arguties, billevesées et autres calembredaines, mais par des arguments qui m’enrichiront. Je n’en sortirais que moins sot.
Oups! De quoi était-il question? De la démocratie locale, une vision politique? Désolé !
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