Les relations économie-histoire et le statut scientifique des sciences sociales chez Hicks et Schumpeter - article ; n°1 ; vol.7, pg 167-214
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Revue française d'économie - Année 1992 - Volume 7 - Numéro 1 - Pages 167-214
Le débat sur les formes de la connaissance en économie est périodiquement réactivé par les rencontres entre économistes et historiens. Ces rencontres mettent au jour de manière non moins récurrente la ques- tion fondamentale suivante : la spécificité de l'économie comme science sociale réside-t-elle fondamentalement dans son rapport à l'histoire ? A cet égard, deux thèses s'opposent qui trouvent leur origine dans les œuvres de L.Walras et С Menger. Après avoir rendu compte de deux modes d'analyse historique qui relèvent directement de ces conceptions antagonistes et qu'ont illustrés deux des plus grands économistes contemporains, J. Hicks et J. Schumpeter, nous montrons que ces pratiques scientifiques divergentes trouvent leur source dans une série de problèmes d'ordre épis- témologique non résolus à ce jour.
What is the specificity of economics as a social science? The recurring encounters between economists and historians suggest that the answer is still very debatable. Two major theoretical achievements, those of L.Walras and С Menger, show that they adopt opposing views on this question. The great historical investigations proposed by J. Hicks and J. Schumpeter allow us to understand the profond divergences of both scientifical practice. It is suggested that these divergences owe to, still unresolved epistemological problems concerning the mode of reasoning in economics.
48 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 7
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Daniel Dufourt
Les relations économie-histoire et le statut scientifique des
sciences sociales chez Hicks et Schumpeter
In: Revue française d'économie. Volume 7 N°1, 1992. pp. 167-214.
Résumé
Le débat sur les formes de la connaissance en économie est périodiquement réactivé par les rencontres entre économistes et
historiens. Ces rencontres mettent au jour de manière non moins récurrente la ques- tion fondamentale suivante : la spécificité
de l'économie comme science sociale réside-t-elle fondamentalement dans son rapport à l'histoire ? A cet égard, deux thèses
s'opposent qui trouvent leur origine dans les œuvres de L.Walras et С Menger. Après avoir rendu compte de deux modes
d'analyse historique qui relèvent directement de ces conceptions antagonistes et qu'ont illustrés deux des plus grands
économistes contemporains, J. Hicks et J. Schumpeter, nous montrons que ces pratiques scientifiques divergentes trouvent leur
source dans une série de problèmes d'ordre épis- témologique non résolus à ce jour.
Abstract
What is the specificity of economics as a social science? The recurring encounters between economists and historians suggest
that the answer is still very debatable. Two major theoretical achievements, those of L.Walras and С Menger, show that they
adopt opposing views on this question. The great historical investigations proposed by J. Hicks and J. Schumpeter allow us to
understand the profond divergences of both scientifical practice. It is suggested that these divergences owe to, still unresolved
epistemological problems concerning the mode of reasoning in economics.
Citer ce document / Cite this document :
Dufourt Daniel. Les relations économie-histoire et le statut scientifique des sciences sociales chez Hicks et Schumpeter. In:
Revue française d'économie. Volume 7 N°1, 1992. pp. 167-214.
doi : 10.3406/rfeco.1992.1304
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1992_num_7_1_1304Daniel DUFOURT
Les relations économie-
histoire et le statut
scientifique des
sciences sociales chez
Hicks et Schumpeter
la «La dans méthodologie connaissance. tâche recherche le la domaine plus des »importante sciences de fondements la théorie Cari sociales de ce Menger. d'une temps de est la
e caractère récurrent des ren
contres entre économistes et historiens2 conduit à s'inter
roger sur les circonstances qui, dans l'évolution de la pra- 168 Daniel Dufourt
tique scientifique des deux disciplines concernées,
produisent la nécessité de telles rencontres et leurs enjeux
théoriques. Plusieurs démarches concurrentes peuvent l
égitimement prétendre éclaircir les raisons de la persistance
de ce phénomène et du caractère occasionnel de ses man
ifestations.
Il est tout d'abord possible, dans une perspective
de sociologie de la science3 de mettre l'accent sur l'impact
décisif en matière d'orientation des recherches, des mod
alités institutionnelles retenues pour introduire l'ense
ignement de l'économie politique dans les cursus univers
itaires et d'en analyser les effets sur la conceptualisation
des relations entre analyse économique et investigation
historique. A ne s'en tenir qu'à l'économie politique, on
observera avec С Gide ([1890], [1895], [1907], [1908])
que l'existence, en France, de deux pôles de la pensée
économique, à savoir l'Institut et les Facultés de Droit a
durablement infléchi l'activité théorique dans le sens d'une
mise à l'écart de l'enseignement universitaire de l'écono
mie, tant de l'économie mathématique que des aspects les
plus féconds de la «querelle des méthodes»: «l'école de
Vienne n'a trouvé en France presqu'aucun adepte, bien
moins encore que l'école d'Eisenach» [1908], XVI, p. 25.
En effet, autour de l'Institut et de la Société d'Economie
Politique, se regroupent les membres de l'école libérale
française qui « a exercé une influence énorme pendant près
d'un siècle sur la littérature économique de la France»
(ibidem, p. 7). Or, cette école libérale reste réfractaire au
psychologisme qu'elle décèle dans l'école de Vienne.
Quant aux responsables des enseignements d'économie
politique dans les facultés de droit, bien qu'ayant pu bé
néficier au cours de leur formation d'une initiation aux
travaux de l'école historique allemande du droit (voir Sa-
vigny), grâce notamment à l'enseignement de P. Gide, ils
apparaissent comme très sensibles, à l'instar de leurs col- Daniel Dufourt 169
lègues Scandinaves4 ; à l'influence des idées intervention
nistes en matière de politique sociale qui émane des social
istes de la chaire, mais ont « peine à admettre le caractère
de relativité que l'école allemande attribue à tous les phé
nomènes économiques», Gide [1908], p. 25. La réflexion
méthodologique semble dès lors durablement accaparée
par E. Durkheim, qui cite et commente longuement
G. Schmoller, et plus encore par ses disciples F. Simiand
et M. Halbwachs. De sorte que la première rencontre entre
économistes et historiens s'effectuera en France par l'e
ntremise de la sociologie durkheimienne.
L'école historique allemande a exercé une in
fluence beaucoup plus décisive sur la formation des uni
versitaires américains, à l'origine sans doute de la prépon
dérance du courant institutionnaliste aux Etats-Unis dans
les années vingt et trente.
D'une part, comme le montre P. R. Senn5 [1989],
p. 263, les fondateurs de Г« American Economie Associa
tion» créèrent des statuts si inspirés de ceux du «Verein
fur Sozialpolitik», et témoignant d'un biais si prononcé en
faveur de l'intervention de l'Etat, qu'ils durent par la suite
être modifiés. Cet épisode n'a rien d'étonnant si l'on en
croit H.W. Farnam, qui, au terme d'une enquête auprès de
126 économistes et sociologues enseignant aux Etats-Unis
et au Canada, dont il estime qu'ils représentent la très
grande majorité du corps professoral de ces disciplines,
constate que 59 d'entre eux ont effectué leurs études en
Allemagne, 20 y ayant obtenu leur doctorat, la durée
moyenne des séjours dans ce pays étant de 2 ans (Farnam,
[1908], p. 26). Le premier a avoir inauguré cette «filière»
allemande de formation est J.B. Clark en 1873. Il sera suivi,
pour s'en tenir aux auteurs les plus connus, par Simon
Patten [1876], R.T. Ely [1877], E.R. Seligman et F. Taussig
[1879], J. Laurence Laughlin [1891], F. A. Fetter [1893]. En
sens inverse, l'immigration dans les années trente et qua- 170 Daniel Dufourt
rante d'économistes formés ou influencés par l'école de
Vienne, tels O. Morgenstern, J. Schumpeter, L. von Mises,
va contribuer de manière déterminante au relatif déclin du
courant institutionnaliste aux Etats-Unis.
La récurrence des rencontres entre économistes
et historiens peut s'interpréter ensuite en référence au jeu
des acteurs, à leur stratégie dans cette institution sociale
que représente une discipline scientifique établie. Il est
tentant, d'autant que l'intéressé lui-même a joué6 et joue
encore7 un rôle non négligeable dans la récurrence de ces
rencontres, d'appliquer la méthodologie de la «réthorique
économique» élaborée par D.N. McCloskey à l'analyse de
ces stratégies d'acteurs. Dans l'évolution d'une discipline
scientifique, la recherche de "nouvelles alliances" peut
apparaître comme un élément décisif de succès dans la
lutte concurrentielle que se livrent les protagonistes des
divers programmes de recherche en présence. En France,
on remarquera par exemple l'accent mis par A. Marchai en
1950, sur «les émulations et emprunts réciproques» qui
s'établissent entre les deux disciplines, dès lors que la
reconnaissance de l'économie comme science de l'homme
oblige à une réévaluation des notions de causalité et de
déterminisme, et à une intégration du temps historique et
des facteurs d'irréversibilité dans l'analyse. Avec le recul
du temps, l'ample recension des problèmes de méthode à
laquelle s'e

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