« Le scandale financier du siècle, ça ne vous intéresse pas ? ». Difficiles mobilisations autour du Crédit lyonnais - article ; n°52 ; vol.13, pg 157-181
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« Le scandale financier du siècle, ça ne vous intéresse pas ? ». Difficiles mobilisations autour du Crédit lyonnais - article ; n°52 ; vol.13, pg 157-181

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Description

Politix - Année 2000 - Volume 13 - Numéro 52 - Pages 157-181
« Nobody's Interested by the Financial Scandal of the Century ? » Weak Mobilization around the Crédit Lyonnais Damien de Blic Often described in France as « the Financial Scandal of the Century », the Crédit Lyonnais's saga hasn't produced any of the widely expected social mobilizations. This article puts into perspective the obstacles that had to face the informers. The financial dimension of the case constrained the different actors to focus on the bank accounts. Those allowed to highlight non ambiguous faults and responsibilities. Nevertheless, this account analysis didn't contribute to commit the general public into the case. Some other informers used the scandal to blame the role of the State in the French economy. But this time, this register of speech appeared too general to strengthen and reinforce the collective actions.
« Le scandale financier du siècle, ça ne vous intéresse pas ? » Difficiles mobilisations autour du Crédit lyonnais Damien de Blic Si l'affaire du Crédit lyonnais a pu être décrite comme le « scandale financier du siècle », elle n'a pas suscité les mobilisations habituellement constitutives de cette forme sociale. Cet article décrit les contraintes qui ont pesé sur les dénonciateurs engagés dans la polémique. La structure par emboîtement de l'affaire, son ancrage dans la sphère financière, ont incité les protagonistes à se concentrer progressivement sur les opérations comptables, à partir desquelles un dévoilement des fautes et des responsabilités s'est avéré possible. Mais si la focalisation sur comptabilité a permis de synthétiser les enjeux et de résoudre partiellement la question des sanctions, elle n'encourageait pas un investissement affectif des personnes ordinaires dans la controverse. L'échec parallèle des tentatives d'inscription de l'affaire dans un registre politique, à travers la dénonciation d'une monopolisation de l'intérêt général par la haute fonction publique, contribue également à expliquer la faiblesse des actions collectives autour du Crédit lyonnais.
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 69
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Damien de Blic
« Le scandale financier du siècle, ça ne vous intéresse pas ? ».
Difficiles mobilisations autour du Crédit lyonnais
In: Politix. Vol. 13, N°52. Quatrième trimestre 2000. pp. 157-181.
Résumé
« Le scandale financier du siècle, ça ne vous intéresse pas ? » Difficiles mobilisations autour du Crédit lyonnais
Damien de Blic
Si l'affaire du Crédit lyonnais a pu être décrite comme le « scandale financier du siècle », elle n'a pas suscité les mobilisations
habituellement constitutives de cette forme sociale. Cet article décrit les contraintes qui ont pesé sur les dénonciateurs engagés
dans la polémique. La structure par emboîtement de l'affaire, son ancrage dans la sphère financière, ont incité les protagonistes
à se concentrer progressivement sur les opérations comptables, à partir desquelles un dévoilement des fautes et des
responsabilités s'est avéré possible. Mais si la focalisation sur comptabilité a permis de synthétiser les enjeux et de résoudre
partiellement la question des sanctions, elle n'encourageait pas un investissement affectif des personnes ordinaires dans la
controverse. L'échec parallèle des tentatives d'inscription de l'affaire dans un registre politique, à travers la dénonciation d'une
monopolisation de l'intérêt général par la haute fonction publique, contribue également à expliquer la faiblesse des actions
collectives autour du Crédit lyonnais.
Abstract
« Nobody's Interested by the Financial Scandal of the Century ? » Weak Mobilization around the Crédit Lyonnais
Damien de Blic
Often described in France as « the Financial Scandal of the Century », the Crédit Lyonnais's saga hasn't produced any of the
widely expected social mobilizations. This article puts into perspective the obstacles that had to face the informers. The financial
dimension of the case constrained the different actors to focus on the bank accounts. Those allowed to highlight non ambiguous
faults and responsibilities. Nevertheless, this account analysis didn't contribute to commit the general public into the case. Some
other informers used the scandal to blame the role of the State in the French economy. But this time, this register of speech
appeared too general to strengthen and reinforce the collective actions.
Citer ce document / Cite this document :
de Blic Damien. « Le scandale financier du siècle, ça ne vous intéresse pas ? ». Difficiles mobilisations autour du Crédit
lyonnais. In: Politix. Vol. 13, N°52. Quatrième trimestre 2000. pp. 157-181.
doi : 10.3406/polix.2000.1124
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_2000_num_13_52_1124« Le scandale financier du siècle,
ça ne vous intéresse pas ? »
Difficiles mobilisations autour du Crédit lyonnais
Damien de BLIC
Une douzaine d'amis sont attablés dans une brasserie. L'un d'eux
anime la conversation, s'agitant et parlant avec véhémence. L'objet
de sa colère ? « Le scandale financier du siècle ». « Incroyable.
Dément », ajoute-t-il. L'un des convives qui souhaite visiblement dîner
tranquille, lui demande de les « lâcher avec son Crédit lyonnais ». Mais
l'autre ne désarme pas : « Ah bon, alors on s'en fout ? On ne sait pas
combien ça va nous coûter, ou même s'il y a eu des malversations, mais c'est
pas grave, c'est juste un énorme trou financier ! » Puis il se lève et prend tous
les autres clients de la brasserie à témoin : « Mesdames, Messieurs, merci
pour votre participation au Crédit lyonnais. »
Cette petite fiction, extraite d'un spot publicitaire diffusé sur les écrans au
mois de mai 1998, n'a pas pour seul mérite de faire partie d'une campagne
de communication provocante et inédite, autour du thème » Votre banque
vous doit des comptes. » Elle résume presque à elle seule le paradoxe de
l'affaire du Crédit lyonnais : « Vous savez que c'est le scandale financier du
siècle ? », ne cesse de répéter le personnage principal , « et ça ne vous
intéresse pas ? ». En caractérisant le sens commun face à l'affaire du Crédit
lyonnais par un mélange d'évidence de la qualité scandaleuse de
l'événement et de grande difficulté à se sentir concerné, le réalisateur de la
publicité semble avoir touché juste.
Politix. Volume 13 - n° 52/2000, pages 157 à 181 Politix n° 52 158
« Le scandale financier du siècle ? »
Le 24 mars 1994, Jean Peyrelevade, nouveau président du Crédit lyonnais
annonce que l'établissement qu'il dirige depuis peu a perdu, au terme de
l'année 1993, la somme de 6,9 milliards de francs. Le « scandale du Crédit
lyonnais » est né. Il y a pourtant déjà plusieurs années que le Crédit lyonnais
est l'objet d'une attention médiatique soutenue. Les journalistes spécialisés
s'intéressent depuis la fin des années 80 aux multiples acquisitions qui
rythment une politique ambitieuse d'expansion menée par les dirigeants de
la banque, et notamment par son président Jean- Yves Haberer. La presse
financière observe avec attention la montée en puissance de la banque, puis
s'inquiète d'une progression rapide, dans ses comptes, des provisions pour
risques. Les médias se passionnent pour l'affaire de la Metro Goldwyn
Mayer (MGM), qui fait surgir des acteurs inattendus : proches de la mafia
italienne, producteurs d'Hollywood, juges suisses, parlementaires français,
etc. La banque est de plus impliquée depuis 1992 dans la faillite de la
SASEA, considérée comme la plus grande faillite de l'histoire financière de
la Suisse. Mais c'est la première fois, en ce printemps de 1994, que ces
différentes crises sont présentées comme les différentes facettes d'un même
« scandale du Crédit lyonnais ». La situation est jugée suffisamment grave
pour nécessiter la mise en place d'un « plan de sauvetage » de grande
envergure.
L'annonce des pertes est rapidement suivie de la publication des premiers
rapports qui retracent, chacun à leur manière, les événements survenus au
cours des années précédentes, les rassemblent en une même chronologie et
cherchent à déterminer des causes, à attribuer des responsabilités, et
prennent le plus souvent la forme de réquisitoires. La production est
abondante : aux centaines d'articles de presse, viennent s'ajouter les rapports
officiels, les récits destinés au grand public - sous diverses formes :
investigations, pamphlets, souvenirs personnels -, des dossiers d'instruction,
des séries télévisées, et même un roman. Tous s'accordent sur la forme
scandaleuse de l'événement. En même temps que prolifèrent les écrits, les
pertes enregistrées par la banque s'accumulent. Après un nouveau résultat
négatif de douze milliards de francs en 1995 et la mise en place d'un plan de
sauvetage à long terme, les prévisions les plus pessimistes s'accordent
rapidement pour estimer que le Crédit lyonnais coûtera finalement à la
France plus de cent milliards de francs, peut-être cent cinquante.
« Et ça ne vous intéresse pas ? »
Si les chiffres impressionnent, un constat s'impose pourtant : malgré les
indignations qui s'expriment, les mobilisations en vue d'obtenir une
réparation se limitent à quelques instances officielles d'évaluation : Cour des Difficiles mobilisations autour du Crédit lyonnais 159
comptes, ministère de la Justice, Commission européenne, etc. Le monde
politique ne cherche pas à se saisir de l'affaire. Malgré les échéances
électorales qui se succèdent, la référence au scandale est absente des discours
politiques. Aucun signe de crise a fortiori : pas de démissions
gouvernementales, aucune réforme institutionnelle ou économique
d'envergure n'est envisagée. L'opinion publique surtout semble apathique :
ni manifestation de rue, ni appel à la résistance fiscale de contribuables en
colère, aucune ressource de l'action collective n'est exploitée. En reprenant
l'actualité du milieu des années 90, on n'y trouve qu'avec peine la trace
d'une effervescence qui semble pourtant constitutive de cette forme sociale
qu'est le scandale.
La faiblesse des mobilisations consécutives au

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