Réduction du temps de travail et emploi : quelques leçons du passage aux 39 heures de 1982 - article ; n°1 ; vol.14, pg 3-26
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Revue française d'économie - Année 1999 - Volume 14 - Numéro 1 - Pages 3-26
Nous utilisons des données longitudinales sur l'emploi, les salaires et les heures de travail afin d'examiner les effets de la réduction obligatoire de la durée du travail hebdomadaire intervenue en 1981 en France. Quelques mois après l'élection de François Mitterrand en mai 1981, le gouvernement, en application de son programme, décida tout d'abord d'augmenter le salaire minimum de 5 %, puis de réduire la durée hebdomadaire du travail — tout en maintenant, et ceci de manière obligatoire, la rémunération mensuelle des travailleurs payés au salaire minimum et en recommandant fortement la stabilité des gains mensuels pour les autres travailleurs (recommandation suivie d'effets pour 90 % des entreprises). Nous montrons que les travailleurs directement affectés par ces changements, c'est-à-dire ceux travaillant 40 heures en mars 1981, ont perdu leur emploi entre 1981 et 1983 plus souvent que les travailleurs non affectés directement par ces changements, c'est-à-dire ceux tra- vaillant 39 heures en mars 1981 ; la probabilité de perdre son emploi passant de 10 % à 12,5 % pour les premiers. En outre, les travailleurs affectés à la fois par les changements du salaire minimum et la réduction de la durée hebdomadaire de travail ont été encore plus durablement touchés ; leur taux de transition emploi- non emploi a crû de 10 % à 23 %. Ces résultats devraient nous permettre de comprendre les effets possibles de la réduction de la durée hebdomadaire de travail à venir — durée passant de 39 à 35 heures — en l'an 2000 en France. Des projets similaires sont à l'étude dans d'autres pays européens dans l'espoir que de telles mesures de réduction forcée des heures permettront de lutter efficacement contre le chômage.
We use longitudinal individual wage, hours, and employment data to investigate the effect of the 1981 mandatory reduction of weekly working hours in France. A few months after François Mitterrand's election of May 1981, the government, applying its programme decided first to increase the minimum wage by 5% and, second, to reduce weekly working hours — from 40 to 39 — together with mandatory stability of monthly earnings of minimum wage workers and strong recommendation for stability of monthly earnings for other workers (indeed, followed by 90% of the firms). We show that workers directly affected by these changes, those working 40 hours in March 1981, lost their jobs between 1981 and 1983 more often than workers not affected by the changes, those working 39 hours in March 1981; their year-to-year job loss probability increased from roughly 10% to 12.5%. Moreover, workers affected by both minimum wage changes and hours reduction were even more strongly hit ; their year-to-year job loss probability increased from roughly 10% to 23%. These results should help us understand the possible effects of the forthcoming mandatory reduction of hours in France, the weekly working hours going from 39 to 35 hours in year 2000. Similar projects are envisaged in other European countries hoping that hours reduction are an efficient way of tackling their unemployment problem.
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Bruno Crépon
Monsieur Francis Kramarz
Réduction du temps de travail et emploi : quelques leçons du
passage aux 39 heures de 1982
In: Revue française d'économie. Volume 14 N°1, 1999. pp. 3-26.
Citer ce document / Cite this document :
Crépon Bruno, Kramarz Francis. Réduction du temps de travail et emploi : quelques leçons du passage aux 39 heures de 1982.
In: Revue française d'économie. Volume 14 N°1, 1999. pp. 3-26.
doi : 10.3406/rfeco.1999.1072
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1999_num_14_1_1072Résumé
Nous utilisons des données longitudinales sur l'emploi, les salaires et les heures de travail afin
d'examiner les effets de la réduction obligatoire de la durée du travail hebdomadaire intervenue en 1981
en France. Quelques mois après l'élection de François Mitterrand en mai 1981, le gouvernement, en
application de son programme, décida tout d'abord d'augmenter le salaire minimum de 5 %, puis de
réduire la durée hebdomadaire du travail — tout en maintenant, et ceci de manière obligatoire, la
rémunération mensuelle des travailleurs payés au salaire minimum et en recommandant fortement la
stabilité des gains mensuels pour les autres travailleurs (recommandation suivie d'effets pour 90 % des
entreprises). Nous montrons que les travailleurs directement affectés par ces changements, c'est-à-dire
ceux travaillant 40 heures en mars 1981, ont perdu leur emploi entre 1981 et 1983 plus souvent que les
travailleurs non affectés directement par ces changements, c'est-à-dire ceux tra- vaillant 39 heures en
mars 1981 ; la probabilité de perdre son emploi passant de 10 % à 12,5 % pour les premiers. En outre,
les travailleurs affectés à la fois par les changements du salaire minimum et la réduction de la durée
hebdomadaire de travail ont été encore plus durablement touchés ; leur taux de transition emploi- non
emploi a crû de 10 % à 23 %. Ces résultats devraient nous permettre de comprendre les effets
possibles de la réduction de la durée hebdomadaire de travail à venir — durée passant de 39 à 35
heures — en l'an 2000 en France. Des projets similaires sont à l'étude dans d'autres pays européens
dans l'espoir que de telles mesures de réduction forcée des heures permettront de lutter efficacement
contre le chômage.
Abstract
We use longitudinal individual wage, hours, and employment data to investigate the effect of the 1981
mandatory reduction of weekly working hours in France. A few months after François Mitterrand's
election of May 1981, the government, applying its programme decided first to increase the minimum
wage by 5% and, second, to reduce weekly working hours — from 40 to 39 — together with mandatory
stability of monthly earnings of minimum wage workers and strong recommendation for stability of
monthly earnings for other workers (indeed, followed by 90% of the firms). We show that workers
directly affected by these changes, those working 40 hours in March 1981, lost their jobs between 1981
and 1983 more often than workers not affected by the changes, those working 39 hours in March 1981;
their year-to-year job loss probability increased from roughly 10% to 12.5%. Moreover, workers affected
by both minimum wage changes and hours reduction were even more strongly hit ; their year-to-year
job loss probability increased from roughly 10% to 23%. These results should help us understand the
possible effects of the forthcoming mandatory reduction of hours in France, the weekly working hours
going from 39 to 35 hours in year 2000. Similar projects are envisaged in other European countries
hoping that hours reduction are an efficient way of tackling their unemployment problem.Bruno
CREPON
Francis
KRAMARZ
Réduction du temps de
travail et emploi :
quelques leçons du passage
aux 39 heures de 1982
salaires travail certains, sur sont plus l'emploi. au les gains cœur Toutefois de des productivité es effets variations deux de opinions la sont de réduction la faibles, productivité s'affrontent. du plus temps les et effets Pour des de 4 Bruno Crépon, Francis Kramarz
« partage du travail » sont forts. De même, plus la modération
salariale est faible, plus l'emploi progresse, sous l'effet de l'au
gmentation de la demande des ménages, liée à l'accroissement
de la masse salariale.
Pour d'autres au contraire, les variations de la productiv
ité et des salaires sont essentielles dans la détermination de la
demande de travail des entreprises. Bien que susceptible de ne
jouer pleinement qu'à moyen terme, une baisse trop importante
de la productivité du travail par rapport aux variations des salaires,
est susceptible de conduire à des pertes d'emplois.
Dans cet article, nous cherchons à apporter un éclairage
dans ce débat en exploitant le passage de 40 à 39 heures du
début des années quatre-vingt. Une telle entreprise est toutefois
délicate dans la mesure où le passage aux 39 heures n'a pas été
le seul choc affectant l'économie française au cours de cette
période. En effet, le SMIC a été relevé de façon substantielle en
juillet 1981. Pour analyser les effets de la baisse de la durée du
travail et du relèvement du SMIC, nous utilisons les données des
enquêtes-emploi pour les années 1981, 1982 et 1983. Réalisées
directement auprès des individus eux-mêmes, suivis durant trois
années consécutives, ces enquêtes fournissent des informations
sur la situation sur le marché du travail : emploi, chômage ou
inactivité et, de façon sommaire, sur la rémunération et les
horaires de travail. La nature profondément micro-économique
de nos données, et en particulier l'impossibilité de les relier à des
informations sur les entreprises, limite notre capacité d'investi
gation. Ainsi, nos données ne sont pas adaptées pour aborder la
question du partage du travail. Elles peuvent en revanche être
mobilisées pour apporter des éléments d'information sur l'effet
des variations de la productivité et des salaires sur la demande
de travail, au travers des pertes d'emploi.
Le principe de notre analyse est le suivant. Dès 1981, avant
l'application de la loi sur la réduction du temps de travail, entrée
en vigueur le 1er février 1982, une part importante de la popul
ation, relativement homogène dans ses caractéristiques, était
employée 39 heures ou moins. Les travailleurs concernés n'ont
donc pas été directement affectée par le passage aux 39 heures. Bruno Crépon, Francis Kramarz 5
Leur nouvelle situation mesurée en mars 1983, notamment le fait
qu'ils aient ou non un emploi, peut être comparée à celle des tra
vailleurs ayant été directement affectés par le passage aux 39
heures car ils travaillaient strictement plus de 39 heures en 1981.
Dans la plus grande partie de l'analyse nous nous concentrerons
sur la population des salariés dont la durée du travail était en 1981
de 39 ou 40 heures, ce qui constitue la grande majorité des cas.
Nous examinerons si, toutes choses égales par ailleurs, les sala
riés travaillant 40 heures en 1981 sont plus souvent sans emploi
en 1983 que ceux qui travaillaient 39 heures. Si tel était le cas,
cela signifierait que l'ajustement des salaires n'aurait pas été suf
fisamment important pour absorber la baisse de la productivité.
Une telle constatation indiquerait donc, d'une part que les salaires
et la productivité sont affectés par les variations de la durée du
travail, et d'autre part que les arbitrages des entreprises entre
salaire et productivité ne peuvent être ignorés pour évaluer les
effets sur l'emploi d'une baisse de la durée du travail.
Simple dans son principe, cette analyse est pourtant plus
complexe qu'il n'y paraît. Il est en effet peu vraisemblable que
l'effet de la réduction du temps de travail soit homogène dans
la population. Ceci tient non seulement au fait que les possibil
ités d'ajustement des salaires et les variations de la productivité
ne sont pas les mêmes d'un individu à l'autre, mais aussi au fait
que les arbitrages effectués par les entreprises ne sont pas tous
identiques. De fait, la loi imposait le maintien des rémunérations
mensuelles au niveau du SMIC et le gouvernement a recommandé
que pour les autres salariés, les rémunérations soient elles aussi
maintenues, bien qu'aucune disposition particulière n'ait été
présente dans la loi. Ainsi, un même emploi pouvait donc, en
19

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