Les Heures du Maréchal de Boucicaut - article ; n°2 ; vol.137, pg 505-517
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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1993 - Volume 137 - Numéro 2 - Pages 505-517
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 256
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Albert Chatelet
Les Heures du Maréchal de Boucicaut
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 137e année, N. 2, 1993. pp. 505-
517.
Citer ce document / Cite this document :
Chatelet Albert. Les Heures du Maréchal de Boucicaut. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres, 137e année, N. 2, 1993. pp. 505-517.
doi : 10.3406/crai.1993.15231
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1993_num_137_2_15231COMMUNICATION
LES HEURES DU MARÉCHAL DE BOUCICAUT*,
PAR M. ALBERT CHATELET
Parmi les chefs-d'œuvre légués à l'Institut en 1912 par Nelly
Jacquemart-André figure un manuscrit exceptionnel à bien des égards,
le Livre d'Heures de Jean Le Meingre, maréchal de Boucicaut. Il
avait été acquis en mars 1900 à la vente du cabinet de Guyot de
Villeneuve pour une somme considérable (68 500 F). Son précédent
propriétaire lui avait consacré, en 1889, une notice remarquable pour
sa précision et ses recherches historiques1. Depuis, il a fait l'objet
de trois études principales. Le comte Durrieu a donné à son propos
trois articles successifs qui se complètent2. C'est lui qui a proposé
de reconnaître l'enlumineur du volume dans le Brugeois Jacques
Coene. C'est ensuite un long silence jusqu'à la publication, en 1953, de
l'important livre d'Erwin Panofsky, Early Netherlandish Painting* :
le Maître des Heures de Boucicaut est alors élevé au rang de l'un
des grands précurseurs de ce que l'auteur a appelé VArs nova, la
peinture réaliste du xve siècle, par son intérêt pour la représenta
tion de l'espace. Ce grand historien d'art travaillait alors sur photo
graphies et je ne suis pas certain qu'il ait jamais vu le volume, sinon
dans la vitrine dans laquelle il était exposé avant la dernière guerre.
A la suite de ce travail novateur, Millard Meiss devait consacrer à
l'artiste, en 1968, l'un de ses volumes voués à l'étude de la peinture
au temps de Jean de Berry4. Ce sont ces deux dernières publica
tions qui font actuellement autorité en la matière, quoique bon nombre
de leurs aspects semblent discutables.
* Ce texte a été repris dans un article des « Monuments et Mémoires de la Fondation
Eugène-Piot » où l'on trouvera l'illustration (vol. LXXIV à paraître en 1994).
1. Notice sur un manuscrit du XVe siècle. Les heures du Maréchal de Boucicaut. Paris,
Société des Bibliophiles français, 1889 (édité à 100 exemplaires).
2. « Le Maître des Heures du Maréchal de Boucicaut », Revue de l'Art ancien et moderne,
1906, XIX, p. 401-415 et XX, p. 21-35 ; «Jacques Coene, peintre de Bruges, établi à
Paris sous le règne de Charles VI, 1398-1404 », Arts anciens de Flandre, II, 1906, p. 5-22 ;
« Les Heures du Maréchal de Boucicaut du musée Jacquemart-André », Revue de l'Art
chrétien, 1913, p. 73-81, 145-164, 300-314 et 1914, p. 27-35.
3. Harvard University Press, Cambridge 1953 ; éd. fr. Les Primitifs flamands, Paris,
Hazan, 1992.
4. French Painting in the Time ofjean de Berry. The Boucicaut Master, Londres, Phaidon,
1968. 506 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
Le texte du Livre d'Heures ne présente pas d'originalité particulière.
Sa composition est, par contre, très surprenante et inusitée. Un calen
drier est placé en tête, selon l'usage, mais il est immédiatement suivi
des suffrages des saints. On pourrait penser qu'il s'agit là d'une erreur
de quelque relieur : il n'en est rien. Le texte de la prière correspondant
à l'enluminure représentant saint Guillaume — la dernière des suf
frages — est transcrite sur le premier folio du cahier suivant au verso du
texte du Pater noster qui est suivi du début des Heures de la Vierge5.
Le choix des saints n'est pas moins surprenant. Une analyse précise
fait apparaître que chacun d'entre eux correspond à un aspect de la
personnalité ou de la vie du maréchal. Les deux saint Jean sont ses
patrons naturels, comme Antoine celui de son épouse, Antoinette de
Turenne. Nicolas rappelle sans doute que le fils unique des époux,
mort jeune à une date inconnue, probablement antérieure de peu à
1413, était enterré dans l'église Saint-Nicolas de Pertuis6. Le grand
voyageur que fut le maréchal ne pouvait manquer d'avoir une dévo
tion particulière pour saint Christophe. Son attachement à la royauté
française lui a fait évoquer saint Denis mais aussi saint Michel, auquel,
depuis Charles V au moins, les Valois étaient particulièrement atta
chés. Ses liens avec la papauté, expliquent l'évocation de Pierre et de
Paul ensemble, comme patrons de Rome, de même que Sébastien, tro
isième protecteur de la ville pontificale. Ses origines tourangelles rendent
compte de sa dévotion à saint Martin bien entendu, mais aussi à sainte
Catherine : le sanctuaire de Sainte-Catherine-de-Fierbois lui était cher
puisqu'il obtint l'autorisation pontificale d'y fonder un hôpital, le
17 juin 14067. Ajoutons qu'il a également eu le privilège de faire un
pèlerinage au tombeau de la sainte au mont Sinaï8 : dès lors, on ne
s'étonnera pas qu'il ait justement choisi de se faire représenter à ses
pieds. Il faut peut-être ajouter à ses intérêts tourangeaux la présence
de Pancrace, mais celui-ci est également révéré à Gênes où un sanc
tuaire lui est personnellement dédié9. Les possessions méridionales
d'Antoinette de Turenne rendent probablement compte de la présence
d'Etienne, tenu pour fondateur d'Aubazine, de saint Jacques le majeur,
puisque la vicomte de Turenne était un lieu de passage des routes
5. L'enluminure représentant saint Guillaume figure au folio 43 v° à la fin d'un quater-
nion. Le texte correspondant est au folio 44 r°, premier d'un quinquenion qui suit.
6. Le fait ressort du testament d'Antoinette de Turenne du 10 avril 1413, publié par
J. Denais, Le testament d'Antoinette de Turenne, comtesse de Beaufort, femme du maréchal
de Boucicaut, Vannes, 1889.
7. N. Valois, La France et le grand Schisme d'Occident, t. III, Paris, 1901, p. 390, n. 4,
renvoie aux Archives du Vatican, Reg. Avenion. XL VII, Benedicti XIII, fP8 348 r°, 510 r°,
511 v° et 513 r°.
8. En 1389, au retour d'une expédition en Palestine ; cf. Le Livre des fais du bon messire
Jehan Le Maingre dit Bouciquaut, mareschal de France et gouverneur de Jennes, éd. Denis
Lalande, Textes littéraires français, Droz, Genève, 1985, p. 61-62.
9. Cf. Meiss, op. cit. (n. 4), p. 10. LES HEURES DU MARÉCHAL DE BOUCICAUT 507
de pèlerinage10, de saint Guillaume et peut-être aussi de Léonard,
à cause du sanctuaire de Saint-Léonard-de-Noblat. Le rôle de Jean
Le Meingre comme gouverneur de Gênes était si prestigieux qu'il
s'est attaché tout normalement à de nombreux saints de la cité : Laur
ent, d'abord, auquel est dédiée la cathédrale, Georges, Brigitte et
Augustin. C'est probablement en Italie aussi, mais pour des raisons
précises qui m'ont jusqu'ici échappé, qu'il s'attache à saint Pierre
martyr, le saint véronais, et probablement aussi à saint François
d'Assise. On pourrait être tenté de relever également une raison per
sonnelle dans la présence de Thomas Beckett, mais il est peu vra
isemblable d'y voir un témoignage de sa haine des Anglais, comme
l'imaginait singulièrement Millard Meiss11. Le saint n'est intégré
dans les suffrages que pour avoir instauré l'office des sept joies de
la Vierge qui suit immédiatement son évocation et a offert l'occasion
de figurer les deux époux en prière sous une représentation de la
Vierge de l'Immaculée conception. Cari Nordenfalk voyait dans la
présence de saint Honoré un rappel de la conquête des îles de Lérins
en 1400 par les Génois12. Guyot de Villeneuve trouvait une expli
cation plus directe dans le nom du confesseur du maréchal, le carme
Honoré Durand, dont il pensait que l'enluminure devait reproduire
les traits. C'est sans doute la meilleure solution qui peut conduire
même à penser que ce proche du maréchal a été lui-même l'instiga
teur de tous ces choix13.
Cette lecture fait apparaître dans ces suffrag

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