Amorces pour une pédagogie optimiste - article ; n°1 ; vol.36, pg 14-24
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Description

Langue française - Année 1977 - Volume 36 - Numéro 1 - Pages 14-24
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Cl. Burgelin
Amorces pour une pédagogie optimiste
In: Langue française. N°36, 1977. pp. 14-24.
Citer ce document / Cite this document :
Burgelin Cl. Amorces pour une pédagogie optimiste. In: Langue française. N°36, 1977. pp. 14-24.
doi : 10.3406/lfr.1977.4838
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1977_num_36_1_4838Claude Burgelin, Université de Lyon-II.
AMORCES POUR UNE PÉDAGOGIE OPTIMISTE
Les propos tenus ici sont tributaires d'une expérience très limitée :
une demi-douzaine de stages d'expression écrite et orale, faits pour l'essent
iel dans le cadre du Service de Formation Permanente de l'Université
Lyon-II, s'adressant à un public de « niveau » très variable et recruté de
façon hétéroclite (employés envoyés par leurs entreprises, cadres syndicaux
en formation, animateurs de formation permanente, chômeurs, etc.).
Je vais tenter de dire comment, au fil des stages, j'ai perçu la
« demande » des stagiaires, comment il me paraît, provisoirement possible
d'y esquisser certaines réponses, quel bilan je dresse actuellement d'un tel
travail. En d'autres termes, il s'agit de rendre compte d'une pratique de
bricolage pédagogique, — sans donner des connotations positives à cette
expression. Plus que de bricolage, il vaudrait mieux parler de compilation
de recettes, de méthodes, de savoirs erratiques, dérobés ici et là dans le
champ des sciences humaines, dans un grand flou méthodologique et avec
l'impression frustrante de travailler dans l'à-peu-près. Comment parler sans
gêne, dans une revue scientifique, de cette pratique en patchwork (un bout
de linguistique par-ci, un rien de psychologie des groupes par-là...), que
dominent l'empirisme et l'a priori idéologique, mal caché sous les feuilles
de vigne que constituent ces lambeaux de discours scientifiques divers,
troués de beaucoup de truismes et de quelques snobèmes ?
Pourtant, il faut dire ce qu'il en est, essayer de situer les réussites
possibles et les incontournables limites du travail en formation per
manente :
— parce que, par rapport à ce qui se fait actuellement en Formation
initiale, la Formation permanente est un lieu d'avancée des pratiques
pédagogiques ; à partir de ce qu'on y invente, peut se construire une
critique fondée de ce qu'est l'enseignement du français ;
— parce que cette réalité sociale dont l'Institution scolaire, dans
son discours officiel, tente de nier ou d'endiguer les effets, est ici abrupte-
ment présente ;
— parce qu'en raison de cette urgence sociale, on y vit le sentiment
contraignant qu'il faut aller à l'essentiel ; certains de nos faux-semblants
pédagogiques ne peuvent plus ici, face à des adultes insérés dans une
profession, avoir cours ;
14 — parce que, dans cette mobilisation de méthodes et de discours
divers s'éprouvent, de façon intensément problématique et critique, la spéci
ficité et la validité de nos savoirs et savoir-faire, à nous, enseignants de
français : c'est notre identité même qui y est interrogée.
Dire une demande indicible
Venant des employeurs, la demande est, en général, apparemment
« technique » et limpide. C'est le rêve d'un Berlitz de la langue française,
de stages intensifs qui inculqueraient l'orthographe aux secrétaires, la
rédaction de rapports en quinze séances aux ingénieurs. Le mythe de
l'orthopédie rapide sévit, alimenté par le leurre publicitaire (la timidité
vaincue...). Derrière ce vocabulaire et ces fantasmes technocratisants, la
demande est d'ordre magique : à l'organisme de formation de faire que
l'employé — fautif ? — acquière au plus vite la compétence linguistique
et l'aisance discursive qui lui feraient défaut. Et pour cet enseignement
rapide et « efficace » est souhaitée une pédagogie gant-de-crin, fermement
normative et prescriptive.
Venant des formés, s'exprime, apparent paradoxe, souvent la même
demande, formulée en termes identiques. La secrétaire qui « a tant de
mal à rédiger », le cadre « qui ne sait pas parler en public » commencent
par tenir sur eux-mêmes les mêmes propos que leur employeur : intério
risée, identiquement reformulée, la même idéologie semble dominer.
Classiquement, une des premières démarches d'un stage d'expression
en formation permanente est ce moment d'analyse de la demande. On
s'aperçoit très vite que ces discours recoupent et redoublent ceux tenus
autrefois par l'Ecole : la condamnation portée jadis sur leur incompétence
verbale est reprises à leur compte par beaucoup de stagiaires. Conditionnés
à penser leur langage comme le lieu d'une insuffisance qui appelle la
sanction, on ne s'étonne pas de voir se déployer tant de demandes d'ordre
scolaire. C'est le « faites-nous des dictées » que connaissent bien les
animateurs en Formation continue. Alors que l'Ecole a justement échoué
dans sa démarche pour apprendre à dire et à se dire, c'est « du scolaire »,
ce sont les pratiques scolaires fétichisées qui sont d'abord demandées.
Mythiquement, on reprendrait ce qui a été raté une première fois pour,
cette fois, le réussir. Et le succès se payerait par des pratiques masochistes
comme ces exercices dont un maître viendrait à nouveau relever les
« fautes ».
Cette demande est souvent réinduite par les textes mêmes que font
circuler les organismes de formation permanente. Que proposent en
général leurs prospectus sinon ce mélange bâtard d'un discours scolaire
qui se veut adapté au « style » de l'entreprise ? L'organisme de formation
et l'entreprise semblant d'accord pour penser que c'est bien d'apprendre à
rédiger des rapports en trois points qu'ils ont besoin, comment les
« demandeurs », coincés dans ce type de verbalisations, pourraient-ils
facilement exprimer un autre besoin ?
Malgré tout, il nous faut savoir entendre cette demande. Entendre
l'anxiété qui s'exprime dans ce désir de se protéger derrière des exercices
rassurants parce que connus (avec, en même temps, l'appréhension de voir
15 revenir quelqu'une des humiliations liées au monde scolaire). Entendre
aussi la demande d'efficacité qui se dit dans ce souhait de pratiquer ces
exercices codés et balisés. Elle nous met parfois mal à l'aise, parce que
nous avons nos idées sur l'efficacité de tels exercices (et, aussi, que sommes mal habitués à évaluer nos pratiques à cette aune d'une
efficacité immédiate). Mais, derrière cette demande, il y a des enjeux
trop importants pour n'en pas tenir compte ; et nous avons à réassurer
constamment les stagiaires sur ce point, au moment où nous marquons
que nous n'avons pas, sur les voies de l'efficacité, les mêmes choix que
l'Ecole ou l'Entreprise.
Les vraies demandes sont, elles, difficiles à formuler, du moins en
début de stage. Elles commencent souvent à s'exprimer lorsqu'est abordée
la difficulté à « communiquer ». C'est en général en termes psychologiques
et moraux qu'elles se disent. Tout un vocabulaire bien connu fonctionne
là encore : « mieux », « vivre mieux dans les groupes », etc.
Et, par exemple, en poussant l'interrogation sur ce que signifient socia
lement ces formules (qui communique quoi à qui, de quelle manière...),
on en vient à poser le problème en d'autres termes.
En effet, sous la demande en formation en expression écrite ou orale,
il y a toujours une revendication d'ordre social et politique (ce qui ne
signifie pas que la demande qui s'exprime en termes plus immédiatement
psychologiques et relationnels ne soit pas à entendre au niveau où elle
est formulée). Au cœur de cette demande, il y a la question du pouvoir.
Ces stagiaires, à qui l'Ecole, puis l'employeur, ont souvent signifié une
impuissance et une humiliation sociales, connaissent ce que représente
dans notre société le pouvoir de parler, lire et écrire. Partis et syndicats
savent bien que former quelqu'un politiquement, c'est, notamment, lui
apprendre à mieux écrire et parler. L'accès aux instances de pouvoir et
aux moyens de lutte contre ces pouvoirs est conditionné par la maîtri

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