Architecture funéraire et pouvoir : réflexions sur l hellénisme numide - article ; n°2 ; vol.100, pg 761-818
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Architecture funéraire et pouvoir : réflexions sur l'hellénisme numide - article ; n°2 ; vol.100, pg 761-818

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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité - Année 1988 - Volume 100 - Numéro 2 - Pages 761-818
Filippo Coarelli et Yvon Thébert, Architecture funéraire et pouvoir: réflexions sur l'hellénisme numide, p. 761-818. Le Medracen et le « tombeau de la chrétienne », grands mausolées royaux numides, sont souvent présentés comme une version des sépultures africaines traditionnelles altérée par des influences étrangères. Il nous paraît nécessaire de renoncer à une telle problématique, car ces constructions manifestent, au contraire, une rupture. Elles ne peuvent se comprendre que dans le cadre de la genèse des grands monuments funéraires, fruits de la rencontre du pouvoir despotique oriental et de l'art grec qui aboutit aux tombeaux de Mausole et d'Alexandre le Grand. Cette histoire rend compte de bâtiments érigés dans toute la Méditerranée, de l'époque hellénistique à l'époque impériale, rassemblant ainsi, de façon cohérente, des œuvres architecturales souvent considérées comme disparates. (v. au verso) En ce qui concerne le Maghreb, l'érection de grands mausolées circulaires ou turrif ormes constitue un seul et même phénomène qui signale une mutation fondamentale de ces pays. Les régions numides, jusqu'alors marginales, s'hellénisent profondément, ce qui signifie qu'elles s'intègrent activement, sous la forme de monarchies de type hellénistique, dans l'histoire commune méditerranéenne. C'est alors que sont mises en place les bases du nouveau Maghreb appelé à devenir un pôle essentiel pendant plusieurs siècles.
58 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 71
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Extrait

Filippo Coarelli
Yvon Thébert
Architecture funéraire et pouvoir : réflexions sur l'hellénisme
numide
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 100, N°2. 1988. pp. 761-818.
Résumé
Filippo Coarelli et Yvon Thébert, Architecture funéraire et pouvoir: réflexions sur l'hellénisme numide, p. 761-818.
Le Medracen et le « tombeau de la chrétienne », grands mausolées royaux numides, sont souvent présentés comme une version
des sépultures africaines traditionnelles altérée par des influences étrangères. Il nous paraît nécessaire de renoncer à une telle
problématique, car ces constructions manifestent, au contraire, une rupture. Elles ne peuvent se comprendre que dans le cadre
de la genèse des grands monuments funéraires, fruits de la rencontre du pouvoir despotique oriental et de l'art grec qui aboutit
aux tombeaux de Mausole et d'Alexandre le Grand. Cette histoire rend compte de bâtiments érigés dans toute la Méditerranée,
de l'époque hellénistique à l'époque impériale, rassemblant ainsi, de façon cohérente, des œuvres architecturales souvent
considérées comme disparates.
(v. au verso) En ce qui concerne le Maghreb, l'érection de grands mausolées circulaires ou turriformes constitue un seul et même
phénomène qui signale une mutation fondamentale de ces pays. Les régions numides, jusqu'alors marginales, s'hellénisent
profondément, ce qui signifie qu'elles s'intègrent activement, sous la forme de monarchies de type hellénistique, dans l'histoire
commune méditerranéenne. C'est alors que sont mises en place les bases du nouveau Maghreb appelé à devenir un pôle
essentiel pendant plusieurs siècles.
Citer ce document / Cite this document :
Coarelli Filippo, Thébert Yvon. Architecture funéraire et pouvoir : réflexions sur l'hellénisme numide. In: Mélanges de l'Ecole
française de Rome. Antiquité T. 100, N°2. 1988. pp. 761-818.
doi : 10.3406/mefr.1988.1607
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5102_1988_num_100_2_1607FILIPPO COARELLI ET YVON THEBERT
ARCHITECTURE FUNÉRAIRE ET POUVOIR :
RÉFLEXIONS SUR L'HELLÉNISME NUMIDE
Les sources écrites concernant la Numidie à l'époque hellénistique
sont rares 1 : les chroniques indigènes sont perdues et la plupart des textes
dont nous disposons parlent de la Numidie à l'occasion de son insertion
dans des conflits qui la dépassent. Ce regard externe permet certes de sui
vre les grandes lignes d'une histoire dynastique complexe ; quelques phra
ses jettent même un peu de lumière sur l'organisation de ces États. Fon
damentalement, cette documentation ne permet cependant guère de dé
passer renonciation de quelques lieux communs : dès que l'on tente de
pousser plus avant l'analyse, la masse des incertitudes submerge les
hypothèses plausibles.
L'archéologie est donc appelée à jouer un rôle essentiel dans la com
préhension de l'histoire de ce pays. Cependant, dans l'état actuel des
1 La plupart des monuments étudiés ici sont l'œuvre de dynastes proprement
numides, massyles et masaesyles. Cependant, nous prenons le terme de numide au
sens large, pour désigner les pays d'Afrique du Nord non puniques et sans distin
guer royautés maurétaniennes et numides, très proches les unes des autres d'un
point de vue historique.
Pour une vue d'ensemble sur ces régions, cf. en particulier St. Gsell, Histoire
ancienne de l'Afrique du Nord, Paris, 1913-1920 (désormais cité HAAN);
P. Romanelli, Storia delle province romane dell'Africa, Rome, 1959; G. Camps, Mas-
sinissa ou les débuts de l'histoire, dans Libyca, 8, 1960, p. 1-320; Rome et la conquête
du monde méditerranéen, sous la dir. de Cl. Nicolet, t. 2, Genèse d'un empire, Paris,
1978, en particulier la contribution de J. Desanges, p. 627-656; Die Numider. Reiter
und Könige nördlich der Sahara, catalogue de l'exposition Rheinisches Landesmu
seum Bonn, 1979-1980, Cologne, 1979 (désormais cité Numider); F. Décret, M. Fan-
tar, L'Afrique du Nord dans l'Antiquité, Paris, 1981.
Cet article est le fruit de nombreuses discussions entre les deux auteurs, consé
cutives à une conférence de F. Coarelli à l'École normale supérieure de Saint-
Cloud en novembre 1976 : cf. Y. Thébert, Romanisation et déromanisation en Afri
que: histoire décolonisée ou histoire inversée?, dans Annales ESC, 33, 1978, p. 81,
n. 17 (désormais cité Thébert, Histoire).
MEFRA - 100 - 1988 - 2, p. 761-818. 762 FILIPPO COARELLI ET YVON THÉBERT
Fig. 1 - Plan du Medracen. Éch. 1 : 1000 env.
Fig. 2 - Medracen (cl. Y.T. 1970)
Fig. 3 - Medracen (cl. P. Arnould, 1986). ARCHITECTURE FUNERAIRE ET HELLÉNISME NUMIDE 763
Fig. 4 - Plan du «tombeau de la chrétienne». Éch. 1 : 1000 env.
Fig. 5 - «Tombeau de la chrétienne» (cl. Y.T. 1970). FILIPPO COARELLI ET YVON THÉBERT 764
recherches, nombre d'auteurs ont pu souligner les limites de cette source
d'informations : nous ne connaissons guère que quelques aspects de l'a
rchitecture monumentale numide2. Nous aurons l'occasion de nuancer cet
te affirmation, qui reste cependant exacte dans une large mesure. Bien
plus, hormis quelques cas comme les sanctuaires de Chemtou et du
Kbour Klib ou les rares vestiges architecturaux de la Cherchel de Juba,
l'essentiel de ces monuments numides relèvent de l'architecture funérair
e. Ces témoins sont cependant suffisants pour nous laisser percevoir une
dimension essentielle des monarchies numides : leur intégration dans la
koinè culturelle méditerranéenne, alors dominée par les modèles grecs.
Les mausolées dynastiques numides de plan circulaire
Parmi cette maigre documentation architecturale actuellement dispo
nible, deux monuments occupent une place exceptionnelle, dans la mesur
e où il s'agit de mausolées dynastiques tout à fait remarquables tant par
leurs dimensions que par leur état de conservation : le Medracen et le
«tombeau de la chrétienne». Il suffit, pour notre propos, de rappeler bri
èvement les traits essentiels de ces monuments qui se présentent comme
des tumulus monumentaux érigés en blocs de grand appareil.
Le premier est situé immédiatement au nord des Aurès, au cœur du
territoire de la grande tribu numide des Massyles3 (fig. 1 à 3). Il mesure
près de 59 m de diamètre et 18,50 m de hauteur. Sur un soubassement de
deux degrés s'élève une paroi cylindrique, scandée par 60 colonnes enga
gées d'ordre dorique que surmonte une gorge égyptienne. Entre ces
colonnes ont été logées trois fausses portes dotées d'architraves égypti-
santes. La couverture, en forme de cône à degrés, aboutit à une plat
eforme mesurant 11,40 m de diamètre, sur laquelle se dressait une compos
ition verticale, pyramide élancée ou groupe sculpté. Ce tumulus masque
un caveau central accessible par un couloir qui s'ouvre dans le couvre-
2 Cf., en particulier, F. Rakob, Numidische Königsarchitektur in Nordafrika,
dans Numider, p. 119 (désormais cité Rakob, Numider); Id., Architecture royale
numide, dans les actes du colloque Architecture et société de l'archaïsme grec à la
fin de la République romaine, Rome, 1980, Rome, 1983, (désormais cité Architecture
et société), p. 326 (désormais cité Rakob, Architecture); C. et G. Picard, Recherches
sur l'architecture numide, dans Karthago, 19, 1977-1978, p. 15-33.
3 G. Camps, Aux origines de la Berbérie. Monuments et rites funéraires protohisto
riques, Paris, 1961, p. 201, avec bibliographie (désormais cité Camps, Monuments);
Rakob, Numider, p. 132 sq., avec bibliographie; Id., Architecture, p. 329 sq. ARCHITECTURE FUNÉRAIRE ET HELLÉNISME NUMIDE 765
ment, entre le troisième et le quatrième gradin. Dans l'axe du corridor, en
avant du tombeau, subsistent les vestiges d'installations cultuelles.
La datation de ce monument a été l'objet de débats4. Les critères sty
listiques attestent que nous sommes en présence d'un des témoins les plus
anciens de l'architecture monumentale numide. Le contexte historique
semble cependant interdire une datation trop haute dans le IIIe siècle :
outre sa nature architecturale, qui implique de riches relations culturelles
avec l'extérieur, un tel mausolée dynastique ne peut se concevoir hors du
cadre de l'affirmation du pouvoir royal massyle, c'est-à-dire à la

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