Chapitre 7 - De la modulation d'impulsions aux réseaux de télécommunications numériques. Genèse et cheminement d'un grand programme de recherches - article ; n°1 ; vol.14, pg 161-182

Louis-Joseph Libois

Description

Réseaux - Année 1996 - Volume 14 - Numéro 1 - Pages 161-182
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: RESEAUX
• Publié le: 01 janvier 1996
• Nombre de lectures: 13
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Louis-Joseph Libois
Chapitre 7 - De la modulation d'impulsions aux réseaux de
télécommunications numériques. Genèse et cheminement d'un
grand programme de recherches
In: Réseaux, 1996, Hors Série 14 n°1. pp. 161-182.
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Libois Louis-Joseph. Chapitre 7 - De la modulation d'impulsions aux réseaux de télécommunications numériques. Genèse et
cheminement d'un grand programme de recherches. In: Réseaux, 1996, Hors Série 14 n°1. pp. 161-182.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0984-5372_1996_hos_14_1_3672'61
Chapitre 7
DE LA MODULATION D'IMPULSIONS
AUX RÉSEAUX
DE TÉLÉCOMMUNICATIONS
NUMÉRIQUES
GENÈSE ET CHEMINEMENT
D'UN GRAND PROGRAMME
DE RECHERCHES
LJ. LIBOIS DE LA MODULATION D'IMPULSIONS AUX RÉSEAUX
DE TÉLÉCOMMUNICATIONS NUMÉRIQUES
GENÈSE ET CHEMINEMENT
D'UN GRAND PROGRAMME
DE RECHERCHES
II m'a été demandé, dans le cadre de cette journée d'étude sur "l'his
toire de la recherche en télécommunications", d'évoquer certains
aspects des recherches entreprises par le CNET, au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale dans le domaine de la modulation par
impulsions et du codage de l'information (1). Je pense qu'il convient
de rappeler dans quel but et de quelle façon ces recherches ont été
engagées, comment s'est déroulé, au fil du temps, ce programme de
recherches et quel en a été finalement l'aboutissement. Il n'est pas
dans mon intention d'entrer dans tous les aspects techniques de cette
histoire. En revanche, il me semble intéressant d'essayer de com
prendre comment se construit et se développe un programme de
recherches. On pourrait penser, à première vue, que tout est bien
cadré, planifié, programmé, que les objectifs sont très clairement
définis et que tout se déroule ensuite de façon parfaitement logique.
En fait, la réalité n'est pas aussi simple et, en recherche, il existe un
ensemble de facteurs et de circonstances qui peuvent avoir une
influence décisive sur le cours des choses. C'est là tout le problème
de l'innovation et le sujet mériterait sans doute de plus amples
développements. Comment apparaît l'innovation, comment prend-
elle corps, quelles sont les résistances qu'elle rencontre et qui peu
vent la faire échouer. Ou bien au contraire quelles sont les raisons de
son succès et du développement de ses applications ? Ces questions
sont passionnantes : elles mériteraient, à elles seules, de faire l'objet
d'un colloque. Mais, tel n'est pas, aujourd'hui, notre propos. Nous
nous contenterons, dans ce qui suit, de cerner et d'analyser, le mieux
possible, la démarche adoptée par le CNET lorsqu'il a décidé
d'aborder la technique des impulsions et ses applications au domaine
des télécommunications. Nous verrons aussi comment a évolué le
(1) Voir Annexe p. 191 où sont expliquées les principales notions techniques utilisées. 164
programme de recherche initial, en fonction, notamment, des
technologies disponibles, et comment il a été, finalement, à l'origine
d'une grande mutation des télécommunications : celle du passage
des systèmes analogiques aux systèmes numériques.
Contexte technique des au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale.
Pour bien comprendre l'évolution des recherches en télécommun
ications vers la fin des années 1940, il est nécessaire de se replacer
dans le contexte technique de cette époque. En transmission, le fait
essentiel est la suprématie des systèmes à courants porteurs (multi
plex à répartition en fréquence) et le développement, pour les
liaisons à grande distance, des câbles coaxiaux. Dans ce domaine, la
France a pris un certain retard du fait de la guerre et de l'Occupat
ion; mais la Direction générale des Télécommunications (DGT) par
vient cependant, avec l'appui du CNET (plus précisément du SRCT,
voir infra), à mettre en service, en 1947, une première liaison par
câble coaxial à grande distance sur le trajet Paris-Toulouse. En comm
utation, la fin des années 1940 est toujours marquée par le règne
des systèmes de commutation électromécaniques, basés sur l'emploi
des sélecteurs rotatifs (Rotary, R6). En France, les systèmes cross
bar (Pentaconta, CP400...) n'apparaîtront que dans la seconde moitié
des années 1950. Si, en transmission, le fait dominant est le déve
loppement des liaisons à grande distance par câbles coaxiaux, le fait
novateur, dans la seconde moitié des années 1940, est l'avènement
des faisceaux hertziens à grande capacité en hyperfréquences. Cet
avènement peut être considéré comme une retombée de l'immense
effort de recherche réalisé au cours de la Seconde Guerre mondiale
dans le domaine du radar. Dès 1945, les Bell Labs (les laboratoires
de la société AT&T) expérimentent, sur le trajet New- York / Phila
delphie, une liaison par faisceau hertzien à large bande sur 9 cm de
longueur d'onde (3 300 MHz). Ce sera le début d'une grande expan
sion de cette nouvelle technique, avec application aussi bien à la
télévision qu'à la téléphonie. Rappelons que le type de modulation
utilisé dans ces systèmes est la modulation de fréquence, le groupe
ment des voies téléphoniques se faisant toujours suivant la technique
des courants porteurs. Quant aux systèmes multiplex à répartition
dans le temps et à modulation par impulsions, ils ne jouent alors
qu'un rôle très secondaire.
On se souviendra, cependant, que les principes des systèmes mult
iplex à répartition dans le temps sont déjà bien connus à cette épo
que. Alec Reeves (Laboratoire Central des Télécommunications - 165
LCT) en avait établi les bases en 1938. Aux Bell Labs, W.R. Bennet
publie, en avril 1941, un article sur la question dans le BSTJ (2) sous
le titre Time division multiplex systems. Au plan opérationnel, les
systèmes à répartition dans le temps et à modulation par impulsions
ne feront qu'une timide apparition pendant la guerre, mais dans le
domaine militaire seulement (équipements de faisceaux hertziens de
campagne de l'armée britannique et de l'armée américaine, à 8 voies
en modulation d'impulsions en durée). Les applications civiles sont
pratiquement inexistantes au lendemain de la guerre ; les systèmes à
courants porteurs et la modulation de fréquence dominent alors la
technique des faisceaux hertziens.
Contexte propre à l'organisation du CNET
vers la fin des années 1940
Pour mieux appréhender certains aspects des programmes du CNET
vers la fin des années 1940, il n'est pas inutile de rappeler comment
a évolué l'organisation même du CNET au cours de ces années. On
se souviendra que le Centre de recherche a été créé par la Loi n°102
du 4 mai 1944 et que cette loi a été validée par l'ordonnance de de
Gaulle du 29 janvier 1945. La particularité du CNET, dont le carac
tère interministériel avait été expressément voulu par le législateur,
consistait en une juxtaposition au sein de l'organisme, d'un "Service
général" et de "Sections particulières" relevant des différents minis
tères intéressés (3). La section particulière la plus importante était,
sans conteste, celle des PTT, dirigée par M. Pierre Marzin, l'ensem
ble du CNET étant placé alors sous l'autorité de M. Henri Jannès.
Cette organisation assez hétérogène et, en fait, bicéphale, ne pouvait
manquer de susciter tensions et controverses. C'est ce qui se produis
it dès 1946 : le 25 avril de cette année, un arrêté officialise la sépa
ration de la Section particulière PTT du reste du CNET qui sera
appelé désormais CNET Service Général (CNET-SG). Cette section
particulière PTT prend alors le nom de Service des Recherches et du
Contrôle Techniques des PTT (SRCT).
En ce qui me concerne, désirant faire de la recherche, j'avais choisi,
à la sortie de l'École nationale supérieure des télécommunications
(ENST), en octobre 1945, le CNET, qui avait été créé au début de la
même année. J'avais