Constructions syntaxiques et interprétations de pouvoir - article ; n°1 ; vol.84, pg 9-23
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Constructions syntaxiques et interprétations de pouvoir - article ; n°1 ; vol.84, pg 9-23

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Description

Langue française - Année 1989 - Volume 84 - Numéro 1 - Pages 9-23
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Claude Guimier
Constructions syntaxiques et interprétations de pouvoir
In: Langue française. N°84, 1989. pp. 9-23.
Citer ce document / Cite this document :
Guimier Claude. Constructions syntaxiques et interprétations de pouvoir. In: Langue française. N°84, 1989. pp. 9-23.
doi : 10.3406/lfr.1989.4782
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1989_num_84_1_4782Claude GUIMIER
Université de Caen
URA 1234 CNRS de Lille
URA 1030
CONSTRUCTIONS SYNTAXIQUES
ET INTERPRÉTATIONS DE POUVOIR
Le terme « construction » est ambivalent. Il peut avoir une valeur statique et
faire référence aux énoncés construits et linéarisés. L'étude de ces constructions relève
de la « syntaxe de résultat ». Il peut avoir une valeur dynamique et faire référence
aux opérations de genèse des énoncés, opérations qui constituent une étape impor
tante de l'acte d'énonciation, appelée en psychomécanique « visée phrastique ».
L'étude de ces constructions relève de la « syntaxe génétique » (cf. Guillaume 1973,
pp. 216-218).
Ce sont ces deux types d'approche que je voudrais envisager pour pouvoir.
L'aspect « genèse phrastique » sera envisagé en premier. Concernant cet aspect, un
seul type d'opérations sera retenu : l'ordre dans lequel les différents constituants de la
phrase sont introduits. L'aspect « syntaxe de résultat » sera ensuite abordé, avec prise
en compte de quelques structures syntaxiques.
1. Pouvoir intra-prédicatif vs. pouvoir extra-prédicatif
1.1. Les emplois de pouvoir sont généralement regroupés en deux séries : valeurs
radicales et valeur épistémique (cf. Sueur 1979). Il semble difficile de se départir d'une
telle distinction. Je voudrais montrer que ce qui sépare ces deux interprétations
repose non pas tant sur des valeurs différentes de pouvoir que sur des opérations de
visée phrastique différentes. Dans un cas, lors de la genèse mentale de l'énoncé,
pouvoir est introduit précocement, dans l'autre, il est introduit tardivement. Ceci a
déjà été affirmé en d'autres termes et correspond à des oppositions bien connues telles
que modalisation interne vs. modalisation externe, modalité portant sur le prédicat vs.
modalité portant sur la proposition, opération predicative vs. opération énonciative
(cf. Gilbert 1987, p. 83). Toutefois, j'essayerai de justifier cette opposition à l'aide
d'arguments syntaxiques.
1.2. On s'accorde généralement à reconnaître que la modalité signifiée par pouvoir
dans ses emplois dits radicaux porte sur l'action, l'état, l'événement, etc., exprimé par
le verbe ou mieux, exprimé par le prédicat tout entier. Cet effet de sens est obtenu
parce que lors de la genèse phrastique pouvoir est introduit au moment de la
construction du prédicat. Le prédicat ainsi modalisé est ensuite rendu incident au
sujet syntaxique, ce qui achève la genèse de la phrase. Ainsi on posera que pour avoir
une lecture radicale de
(1) Jean peut aller à la pêche, on a, en visée phrastique, les différentes étapes suivantes (pour simplifier, n'est pas
pris en compte le moment où sont introduites les marques formelles telles que celles
de temps, aspect, etc.) :
1. genèse du SN sujet : Jean
2.du prédicat notionnel : aller à la pêche
3. modalisation de ce prédicat : pouvoir (aller à la pêche)
4. mise en œuvre de la relation predicative : Jean [pouvoir (aller à la pêche) ]
5. Linéarisation et production d'un dire effectif : Jean peut aller à la pêche
Dans le cas d'une lecture épistémique, c'est la proposition tout entière qui
constitue le « scope » de pouvoir. Cet effet de sens est obtenu parce que, lors de la
genèse phrastique, pouvoir est introduit tardivement, une fois que la phrase non
modalisée a été construite. Ainsi, on posera que les différentes étapes correspondant
à la genèse de la phrase (1) en lecture épistémique sont les suivantes :
1. genèse du SN sujet : Jean
2.du prédicat : aller à la pêche
3. mise en œuvre de la relation predicative : Jean \ aller à la pêche
4. modalisation de la proposition ainsi constituée : pouvoir (Jean / aller à la
pêche)
5. Linéarisation et production d'un dire effectif : Jean peut aller à la pêche.
Une phrase telle que (1) est ambiguë car une même linéarisation correspond à des
opérations de genèse phrastique différentes. Pouvoir est introduit précocement, lors de
la genèse du prédicat, dans le cas d'une lecture radicale ; on parlera alors d'un pouvoir
« intra-prédicatif ». Il est introduit tardivement, une fois la proposition tout entière
générée, dans le cas d'une lecture épistémique ; on parlera alors d'un pouvoir
« extra-prédicatif ».
De la lecture radicale à la lecture épistémique, le sens intrinsèque de pouvoir n'a
pas changé. Dans le premier cas, la phrase affirme la possibilité qu'a l'événement
« aller à la pêche » d'être réalisé par Jean. La modalité, en tant qu'élément du
prédicat syntaxique, est finalement référée au sujet de la phrase. Le contexte ou la
situation indiquent si cette possibilité est due aux qualités propres de Jean (effet de
sens « capacité »), à une autorisation émanant d'une tierce personne (effet de sens
« permission ») ou aux circonstances, à la situation elle-même (effet de sens « possi
bilité » dans la terminologie de Sueur). Dans le second cas, la modalité n'est pas
référée au sujet syntaxique. Elle porte sur l'ensemble du contenu phrastique. Elle est
le signe d'une prise en charge de l'énoncé par l'énonciateur qui présente son dit comme
appartenant au domaine du possible. Etant donné les circonstances, l'énonciateur
affirme que toutes les conditions sont réunies pour que son dit soit vrai, ce qui n'exclut
pas pour autant que celui-ci soit faux.
1.3. Quels arguments syntaxiques permettent d'étayer l'analyse présentée ci-dessus ?
J'en retiendrai deux seulement. Le premier test est celui de la négation. Pouvoir
intra-prédicatif peut être nié ; pouvoir extra-prédicatif ne le peut pas.
(2) a. Pierre ne peut pas aller à la pêche.
b.peut ne pas aller à la pêche (demain).
c. Pierre ne peut pas ne pas aller à la pêche.
(2a) et (2c) n'admettent pas de lecture épistémique, contrairement à (2b). Toutefois
une lecture non épistémique n'est pas impossible pour (2b) (par exemple, si Pierre a
10 reçu la permission de ne pas y aller). Pouvoir intra-prédicatif peut donc avoir pour
« scope » un prédicat négative, ce qui ne l'empêche pas, même dans ce cas-là, d'être
lui-même négative (2c).
Phrases négatives et phrases affirmatives relèvent du même type de modalité
syntaxique, la modalité de l'assertion. Que je dise Pierre va à la pêche ou Pierre ne va
pas à la pêche, dans les deux cas, je prédique effectivement quelque chose de Pierre :
il y a une incidence sémantique effective de va à la pêche ou ne va pas à la pêche au
sujet syntaxique Pierre. Autrement dit, la négation est immanente au prédicat
syntaxique. Plus exactement, en visée phrastique, elle intervient comme pouvoir
intra-prédicatif, au terme de la genèse du prédicat notionnel et elle constitue avec
celui-ci un prédicat syntaxique plus étendu, lequel est ensuite mis en relation avec le
sujet syntaxique. Du point de vue de la syntaxe génétique, la négation s'apparente au
type de modalité conceptuelle représenté par pouvoir en ce sens qu'elle peut, elle aussi,
clore la genèse du prédicat. Il en résulte que ces deux éléments peuvent se combiner,
dans un ordre ou dans un autre : modalisation du prédicat puis négation de ce
prédicat modalisé (ex. 2a) ; négation du prédicat puis modalisation de ce prédicat
négative (ex. 2b). (2c) illustre le cas extrême où le prédicat notionnel négative et
modalisé est à son tour négative.
L'important est que pouvoir épistémique ne peut en aucune façon être sous la
portée

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