Contestation et démocratie dans l amérique du 20e siècle - article ; n°1 ; vol.18, pg 43-54
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Description

Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 1988 - Volume 18 - Numéro 1 - Pages 43-54
Contestation and democracy in twentieth century American, Marie-Christine Granjon.
The distance between the American dream and the reality of inequalities or scorn has not stopped feeding contestation in the United States since the 19th century. The article recounts its stages : populist, progressive, socialistic, radical, over a century. A typology shows that this protest is « coopted », that it serves to regulate American democracy, and simultaneously provides a lively counter culture.
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marie-Christine Granjon
Contestation et démocratie dans l'amérique du 20e siècle
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°18, avril-juin 1988. pp. 43-54.
Abstract
Contestation and democracy in twentieth century American, Marie-Christine Granjon.
The distance between the American dream and the reality of inequalities or scorn has not stopped feeding contestation in the
United States since the 19th century. The article recounts its stages : populist, progressive, socialistic, radical, over a century. A
typology shows that this protest is « coopted », that it serves to regulate American democracy, and simultaneously provides a
lively counter culture.
Citer ce document / Cite this document :
Granjon Marie-Christine. Contestation et démocratie dans l'amérique du 20e siècle. In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire.
N°18, avril-juin 1988. pp. 43-54.
doi : 10.3406/xxs.1988.2915
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1988_num_18_1_2915CONTESTATION ET DÉMOCRATIE
DANS L'AMÉRIQUE
DU 20e SIÈCLE
Marie-Christine Granjon
Quand le « rêve américain » tourne au nistes, utopistes communautaires, syndical
cauchemar, quand le réel bafoue le droit istes ouvriers, anarchistes, agrariens et
déclaré, se lève une contestation multi populistes, chrétiens progressistes et pacif
istes, ont contesté l'ordre établi au nom de forme, progressiste et incertaine, promise
à tous les radicalismes et à toutes les la démocratie, de l'égalité et du progrès
récupérations. De Robert La Follette aux social. Le radicalisme américain, qui désigne
beatnicks, d'associations de combat en ici ce type de protestation multiforme, par
sit-in à l'air libre, voici la version made tage les mêmes valeurs et les mêmes appli
in USA de la vieille lutte des « petits » cations que le libéralisme, au sens américain
du terme, depuis le New Deal : attitude contre les « gros », l'effervescence indi
gène de ce qui n'est pas tout à fait la favorable à l'intervention de l'Etat pour
assurer la protection sociale et remédier aux lutte des classes.
excès du laissez-faire. Mais alors que les
libéraux font confiance aux procédures lLe « rêve américain » repose sur l'idée
égales et à la démocratie parlementaire pour que les institutions républicaines des
effectuer le changement social, les radicaux Etats-Unis garantissent tout à la fois
misent davantage sur la mobilisation pole respect des droits inaliénables de la per
pulaire et l'action directe : grève, manifestsonne humaine (la vie, la liberté, la recherche
ations de masse, désobéissance civile... Le du bonheur), les libertés publiques et l'égalité
radicalisme américain, ainsi défini, exclut la des chances individuelles. Le décalage entre
contestation animée par des valeurs autoritrêve et réalité n'a cessé d'alimenter une
aires, inégalitaires et réactionnaires. Il encontestation fondée sur la revendication de
globe la gauche d'obédience socialiste sans ces principes formulés dans la Déclaration
se réduire à celle-ci. d'indépendance (1776), la Constitution
Au tournant du siècle, cette gauche, di(1787) ou la Déclaration des droits (1791) \
visée selon des clivages importés d'Europe Tout au long du 19e siècle, jacksoniens,
(Marx, Bakounine, Lassalle), reste exsangue transcendantalistes, abolitionnistes, fémi-
et sans prise sur le mouvement ouvrier. En
dépit de conflits du travail nombreux et très 1. Voir Sidney Lens, Radicalism in America, New York,
violents, voire insurrectionnels (1877), le Thomas Y. Crowell, 1969, 400 p. ; Claude Julien, Le rêve et
F histoire. Deux siècles d Amérique , Paris, Grasset, 1976, 360 p. ; syndicalisme de métier de l'American FeElise Marienstras, Les mythes fondateurs de la nation américaine,
Paris, Maspero, 1976, 378 p. deration of Labor (1886), corporatiste et
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mocrate aussi progressiste que celui de apolitique, renforce son influence au détr
iment de ses rivaux (Knights of Labor, T. Roosevelt, candidat malheureux des dis
anarchistes, marxistes)1. L'évocation des sidents républicains regroupés dans un éphé
forces et des courants contestataires qui se mère Parti progressiste2.
sont manifestés aux Etats-Unis au cours de Le Parti socialiste américain (PSA), consti
ce siècle devrait permettre de dégager une tué en 1901, permet à des courants divers
typologie du radicalisme américain, d'éclairer de cohabiter en son sein. Si l'on a pu
mieux sa spécificité, son importance et sa distinguer une gauche anarcho-syndicaliste
fonction dans la démocratie américaine. et une droite social-démocrate, la majorité
du parti entend concilier luttes revendicatives
O PROGRESSISME ET GAUCHE « YANKEE » à court terme et projet révolutionnaire à
(1900-1917) long terme, action électorale et luttes de
classe. Ce socialisme a été qualifié Ac jankee Au début du 20e siècle, les méfaits de
en raison, d'une part, de son idéologie l'industrialisation et de la corruption poli
composite qui doit davantage au populisme, tique engendrent trois formes principales de
à l'Evangile social des chrétiens de progrès contestation qui se développent conjointe
- W.D. Bliss, G.D. Herron, W. Rauschenment : le mouvement progressiste, le socia
busch — et à des critiques sociaux américains lisme jankee et l'anarcho-syndicalisme.
— E. Bellamy, H.D. Lloyd, L. Gronlund, De 1890 à 1912, des réformateurs pol
T. Veblen... — , qu'aux marxistes européens. itiques et sociaux, membres des classes
D'autre part, en raison de sa clientèle d'orimoyennes, s'engagent dans le mouvement
gine anglo-saxonne, plus rurale qu'urbaine : progressiste pour assainir la vie politique,
en 1912, les Etats accordant le plus de voix dénoncer les grands intérêts financiers et
aux socialistes se situent à l'Ouest du Mis- industriels, et améliorer le sort des plus
sissipi (Oklahoma, Nevada, Montana) et non défavorisés. Le mouvement trouve son ter
pas dans l'Est industriel. Au plus fort de rain d'élection dans le Wisconsin où Robert
son épanouissement (1912), le parti compte La Follette est élu gouverneur en 1900.
118 000 adhérents, 1 200 élus (dont un conJusqu'à sa mort (1925), il fera de son Etat
gressiste, V. Berger), plus de 300 journaux. le modèle du progressisme en procédant à
Un socialiste modéré, Max Hayes, aspirant des réformes limitées, d'ordre politique, éc
à la présidence de l'AFL en 1912, recueille onomique et social. En 1910, les progressistes
près de 40 % des voix. Mais le candidat contrôlent une centaine de municipalités à
socialiste à la présidence des Etats-Unis, travers le pays. Plusieurs autres Etats ont
Eugene V. Debs, n'obtient que 6 % des voix élu des gouverneurs progressistes (Missouri,
la même année. Et le PSA ne compte que Oregon, New Jersey, Californie, New
31 représentants dans 13 législatures d'Etat3. York...). Mais le mouvement est victime de
En réaction à l'électoralisme des socialistes la popularité de ses thèses qui sont reprises
et à l'élitisme du syndicalisme de métier à leur propre compte par les démocrates et
(AFL), des travailleurs non qualifiés fondent, les républicains. En novembre 1911,
en juin 1905, les Industrial Workers of the W. Wilson est élu sur un programme dé-
World. Révolutionnaires et anarchistes, les
1. Sur cette période du mouvement ouvrier, voir, notam
ment, John H. M. Laslett, Labor and the Left. A study of socialist
and radical influences in the American Labor Movement, 1881-1924, 2. Voir, par exemple, Richard Hofstadter, The age of reform :
New York, Basic Books, 1970, 326 p. ; Hubert Perrier, Idées from Bryan to Franklin Delano Roosevelt, New York, Random
et mouvement socialistes aux Etats-Unis, 1864-1890, Thèse de House, 1955, 328 p.
doctorat d'Etat, Université de Paris VIII, 23 juin 1984. Voir 3. Bernard K. Johnpoll, The impossible dream : the rise and
également Philip S. Foner, History of the Labor Movement in the demise of the American left, Westport, Greenwood Press, 1981,
United States, New York, Internal Publishers, 1947-1965, 4 p. 273. Pour une vision plus favorable au PSA, voir James
Weinstein, The decline of socialism in America, 1912-1925, New vols. ; ou Joseph Rayback, A history of the American Labor,
New York, The Free Press, 1966, 492 p. York, Random House, 1967, 368 p.
44 ET DÉMOCRATIE AUX ÉTATS-UNIS CONTESTATION
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