Énoncer, argumenter : opérations du discours, logiques du discours - article ; n°1 ; vol.50, pg 91-116
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Description

Langue française - Année 1981 - Volume 50 - Numéro 1 - Pages 91-116
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1981
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

G. Vignaux
Énoncer, argumenter : opérations du discours, logiques du
discours
In: Langue française. N°50, 1981. pp. 91-116.
Citer ce document / Cite this document :
Vignaux G. Énoncer, argumenter : opérations du discours, logiques du discours. In: Langue française. N°50, 1981. pp. 91-116.
doi : 10.3406/lfr.1981.5093
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1981_num_50_1_5093ViGNAux C.N.R.S. — E.N.S. Saint-Cloud, Laboratoire de Sciences sociales G.
ÉNONCER, ARGUMENTER :
OPÉRATIONS DU DISCOURS
LOGIQUES DU
Alice : « Je ne vois ce que voulez dire. »
Humpty Dumpty : « Bien entendu tant que je ne vous l'ai pas dit. »
Alice : « Le problème est de savoir si Ton peut donner à un mot tant de sens
différents. »
Humpty Dumpty : « Le problème, c'est de savoir qui commande, rien de plus. »
Lewis Carroll.
Argumenter, énoncer; parler, agir
II y a quelque chose de commun à toutes les productions de langage et
ce « quelque chose » est à trouver dans la définition et l'analyse des fonc
tionnements mêmes du langage. Ainsi, argumenter, cela revient à énoncer
certaines propositions qu'on choisit de composer entre elles. Réciproquement,
énoncer, cela revient à argumenter, du simple fait qu'on choisit de dire et
d'avancer certains sens plutôt que d'autres.
Parler, faire « acte » de discours, c'est emprunter un mode d'action
spécifique mais général puisque utilisant un système commun à tous qui est
la langue. Qu'il y ait ensuite des « manières » de dire, des « styles », des
« formes » qu'on retrouvera d'un discours à l'autre, cela ne fait non plus
aucun doute. Repérer certains de ces « procédés », de ces « ingrédients »
n'est pas difficile. Mais suffisent-ils à expliquer la façon dont un discours
se constitue? J'en doute, bien qu'effectivement, le classement des discours,
de leurs « rhétoriques », soit commode lorsqu'on veut ranger ces
selon différentes catégories d'expression sociale.
Comment définir surtout ce qui permet de « faire discours », d'énoncer,
à partir et au moyen de ce système commun qu'est la langue; d'ainsi trouver
ses mots, de comprendre ou pas ceux des autres? Face à cette question, nous
n'avons que des réponses partielles, souvent empiriques ou intuitives. Par
exemple, en regard d'un événement, d'une situation, on pourra toujours ima
giner d'avance ce qui en sera dit; l'opinion probable d'un certain interlo
cuteur. Mais que cet interlocuteur vienne à nous en parler, qu'il énonce son
propre jugement, et nous serons confrontés à des mots qui généralement, ne
91 pas ceux que nous attendions. Des mots de « notre » langage mais qui seront
n'en sont pas cependant, puisque choisis et pensés par un autre, et de plus
« arrangés » d'une façon que nous ne pouvions pas prévoir. Cet ordre, cette
composition de mots « fait sens » et va pour nous constituer « un autre sens ».
Chaque énonciation, chaque production de discours argumente ainsi
en faveur de sa propre « originalité ». Aucun de nous ne se résignerait à
admettre que son propos n'est que banal, copié, emprunté. Nous voulons tou
jours « faire sens » et, autant que possible, sens qui soit bien nôtre, authent
ifiant notre propos, nos arguments.
Notre inquiétude permanente est alors la même que celle d'Alice : comment
s'y reconnaître lorsqu'on peut donner aux mots de tant de sens différents?
Quels critères se donner pour interpréter « correctement » un discours qu'on
reçoit ou qu'on lit?
Comment expliquer encore les fonctionnements du langage, du fait de
cette souplesse qu'il permet aux mots et à leurs combinaisons, de cette plas
ticité encore qu'il semble ainsi autoriser dans les créations continuelles du
sens. Dépendant quotidiennement du langage, nous avons en permanence
l'impression d'une infinie liberté et d'une non moins grande servitude; liberté
puisque chacun de nous a toujours pouvoir d'énoncer son propre discours;
servitude puisqu'il lui faut sans cesse comprendre, se faire comprendre,
trouver « le mot juste » assurer une certaine relation entre le langage et la
réalité.
Cette souplesse, ces pouvoirs d'adaptation du discours, nous les
ressentons comme menaçants. D'où l'inlassable préoccupation d'une déontol
ogie appliquée et applicable aux mots : chaque circonstance, chaque situa
tion, chaque institution, se dit-on, doit avoir « son » discours. Discours de
la science, du droit, du politique, etc., dont les pertinences généralement
doivent plus à l'usage qu'à des spécificités irréductibles d'un domaine à
l'autre. Mais ainsi, ces discours peuvent l'un l'autre s'ignorer et chacun
d'eux mieux établir sur son domaine autorité.
Humpty Dumpty a peut-être raison : pour comprendre les discours,
l'important ce n'est que de savoir reconnaître « ce qui les com
mande et qui les commande ». Solution simple en apparence, redoutable en
réalité : Comment déterminer si celui qui énonce le fait de sa propre autorité
ou pas? Si ce qu'il dit est bien ce que les circonstances, son rôle, sa place
sociale, lui imposent de dire? Chacun de nous est-il dans la pratique, vraiment
en mesure de commander aux mots de son discours?
On peut opter pour l'hypothèse d'une certaine liberté dans l'invention et
la composition de chaque discours; liberté que nous aurions moyen d'utiliser
ou pas. On peut décider encore que chaque discours sera caractéristique
d'une institution ou d'une position sociale d'un sujet, déterminé par celle-ci
ou par celle-là à des degrés qu'il s'agira de préciser. C'est ce second choix
que font beaucoup, sociologues ou sociolinguistes, spécifiant des classes de
discours par la motivation d'une idéologie extérieure qui commanderait
l'expression de ces discours et, le cas échéant, leurs agencements.
Mais, cette notion d'idéologie, présentée à chaque fois comme explica
tion d'ensembles déterminés de faits sociaux regroupant donc tous les
discours correspondant aux ensembles en question, doit généralement peu
pour sa définition à l'observation des discours en question, sinon sous l'angle
d'une correspondance qui sera posée comme directe entre langage et situation
sociale. Cette conception a le mérite de la simplicité et de l'efficacité puis
qu'elle fournit directement explication des discours. L'ennui, c'est qu'alors
92 on ne sait jamais trop bien si ce sont les discours qui font l'idéologie ou si
c'est celle-ci qu'on verra à l'œuvre, manifestée dans les discours et les orga
nisant. Autrement dit, les jeux et pouvoirs du langage — créations de sens,
modulations des rhétoriques, argumentations — demeurent problème. Une
« logique » extérieure aux discours leur est imposée, qui n'est pas forcément
celle qu'ils mettent en œuvre dans leurs compositions.
Précisément : Y a-t-il, peut-on se demander, une « logique » propre au
discours, c'est-à-dire commune à tous les discours pour les nécessités de
leurs engendrements; laquelle logique, bien que contribuant aux « logiques »
de la pensée sociale, n'en serait cependant pas isomorphe?
Quelques questions redoutables qu'on peut résumer ainsi :
— Comment le sens est-il donné ou construit par le discours?
— Et s'il y a construction, quels types d'actions cela suppose de la part du
sujet organisant son discours?
— Peut-on définir ces actions en termes « d'opérations », les unes de pensée,
les autres discursives, et les composer en modèle descriptif des stratégies
à l'œuvre dans la plupart des discours?
— Comment analyser alors « logiquement » une argumentation?
Des interprétations du sens et des signes du discours
Le problème des rapports entre signes et sens, entre mots et leurs signi
fications, a une longue histoire, jalonnée de théories, tantôt abandonnées,
tantôt remises en circulation. Il nous arrive de croire ainsi modernes des
conceptions qui ne sont que des résurgences. D'où la nécessité d'un bref
rappel historique.
Platon d'abord : S'interrogeant sur

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