Imago Vocis : Écho, Image de la voix, dans Écho et Narcisse de Nicolas Poussin - article ; n°1 ; vol.108, pg 281-317
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Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée - Année 1996 - Volume 108 - Numéro 1 - Pages 281-317
Frédéric Cousinié, Imago Vocis : Écho, «image de la voix» dans Écho et Narcisse de Nicolas Poussin, p. 281-317. La représentation de la nymphe Écho jouit de la faveur des artistes romains du XVIIe siècle. Pietro Testa, Pier Francesco Mola, Le Lorrain et surtout Nicolas Poussin se sont essayés à représenter la nymphe éconduite par Narcisse. Dans le tableau Écho et Narcisse peint à Rome par Poussin à la fin des années 1620-1630, la représentation de la nymphe qui assiste à la mort et à la métamorphose de Narcisse suscite un certain nombre d'interrogations. Sa présence, qui ne correspond pas aux descriptions des Métamorphoses d'Ovide, invite tout d'abord à interroger le rapport de l'artiste à la littérature mythologique, rapport fondé non sur «l'illustration» littérale mais sur «l'écart», la variation et le réagencement des motifs textuels. L'usage critiqué par le peintre des sources littéraires se comprend en effet par (v. au verso) rapport aux valeurs et aux intérêts propres à la culture du XVIIe siècle. Dans cette culture, la présence d'Écho peut, notamment, être rapprochée des préoccupations des savants et des «curieux» du XVIIe siècle - Josepho Blancano, Athanase Kircher, Marin Mersenne - intéressés par les propriétés acoustiques de l'écho qu'exploraient également certains des musiciens, des poètes et des architectes contemporains. Les interrogations sur la nature physique de l'écho trouvent ainsi un répondant dans le défi expressif qu'était pour les artistes la représentation visuelle de la voix. Ce défi, déjà posé par le poète antique Ausone et à nouveau par le protecteur de Poussin, le poète précieux Giovanni Battista Marino, l'Écho et Narcisse du Louvre tente de le relever.
37 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 69
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Frédéric Cousinié
Imago Vocis : Écho, Image de la voix, dans Écho et Narcisse de
Nicolas Poussin
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 108, N°1. 1996. pp. 281-317.
Résumé
Frédéric Cousinié, Imago Vocis : Écho, «image de la voix» dans Écho et Narcisse de Nicolas Poussin, p. 281-317.
La représentation de la nymphe Écho jouit de la faveur des artistes romains du XVIIe siècle. Pietro Testa, Pier Francesco Mola,
Le Lorrain et surtout Nicolas Poussin se sont essayés à représenter la nymphe éconduite par Narcisse. Dans le tableau Écho et
Narcisse peint à Rome par à la fin des années 1620-1630, la représentation de la nymphe qui assiste à la mort et à la
métamorphose de Narcisse suscite un certain nombre d'interrogations. Sa présence, qui ne correspond pas aux descriptions des
Métamorphoses d'Ovide, invite tout d'abord à interroger le rapport de l'artiste à la littérature mythologique, rapport fondé non sur
«l'illustration» littérale mais sur «l'écart», la variation et le réagencement des motifs textuels. L'usage critiqué par le peintre des
sources littéraires se comprend en effet par
(v. au verso) rapport aux valeurs et aux intérêts propres à la culture du XVIIe siècle. Dans cette culture, la présence d'Écho peut,
notamment, être rapprochée des préoccupations des savants et des «curieux» du XVIIe siècle - Josepho Blancano, Athanase
Kircher, Marin Mersenne - intéressés par les propriétés acoustiques de l'écho qu'exploraient également certains des musiciens,
des poètes et des architectes contemporains. Les interrogations sur la nature physique de l'écho trouvent ainsi un répondant
dans le défi expressif qu'était pour les artistes la représentation visuelle de la voix. Ce défi, déjà posé par le poète antique
Ausone et à nouveau par le protecteur de Poussin, le poète précieux Giovanni Battista Marino, l'Écho et Narcisse du Louvre
tente de le relever.
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Cousinié Frédéric. Imago Vocis : Écho, Image de la voix, dans Écho et Narcisse de Nicolas Poussin. In: Mélanges de l'Ecole
française de Rome. Italie et Méditerranée T. 108, N°1. 1996. pp. 281-317.
doi : 10.3406/mefr.1996.4434
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9891_1996_num_108_1_4434FRÉDÉRIC COUSINIÉ
IMAGO VOCIS : ÉCHO, «IMAGE DE LA VOIX»,
DANS ÉCHO ET NARCISSE DE NICOLAS POUSSIN *
La vue est le sens du visible et de l'invisible (l'obscuri
té est invisible, mais c'est encore la vue qui en juge), et en
outre de ce qui est éblouissant (cela encore est invisible,
mais autrement que l'obscurité) : c'est ainsi que l'ouïe est
le sens du son et du silence (l'un est audible, l'autre non),
et du son intense comme la vue est sens de l'éblouissement
(de même que le son faible est inaudible, d'une certaine
manière le son intense et violent l'est aussi); et on appelle
invisible, soit ce qui l'est absolument - comme on parle
d'« impossible» en d'autres cas -, soit ce qui est invisible
par sa nature mais en fait ne l'est pas ou l'est à peine : on
parle en ce dernier sens d'un animal «sans pieds» ou d'un
fruit «sans noyau».
Aristote, De l'âme, Livre Π, 10.
Dans ce texte fondateur de la physique classique Aristote interroge les
limites de notre perception. À l'opposition tranchée du visible et de l'invi
sible vient se substituer un système plus large, relatif et gradué. En don
nant une définition extensible de ce qui est perceptible, Aristote intègre
tant l'absence que l'excès d'éléments susceptibles d'être saisis par les sens,
demandant de parcourir le champ perceptif de l'obscurité jusqu'à l'ébloui
ssement, du silence jusqu'à l'assourdissant. Simultanément, Aristote affirme
la possibilité pour une part de l'invisible (tout comme de l'inaudible), de
réintégrer un certain visible (un certain audible) : dans l'invisible voir
encore du visible, dans le silence entendre encore du son. Dans une culture
baroque encore largement informée par les catégories aristotéliciennes,
représenter cette part d'un imperceptible qui ne l'est pas «absolument» est
l'ambition de nombreux artistes du XVIIe siècle : c'est notamment celle de
Nicolas Poussin. Orages et tempêtes, phénomènes atmosphériques et lumi-
* Je remercie pour leurs bienveillantes lectures Jann Matlock, Amalia Escriva et
Michel Hochmann.
MEFRIM - 108 - 1996 - 1, p. 281-317. 282 FRÉDÉRIC COUSINIÉ
neux rares, le temps et ses formes paradoxales, la mort et la disparition des
corps, les affetti des personnages et la transmission des émotions, tous ces
éléments constituent, par-delà leurs natures hétérogènes, autant de défis
aux possibilités représentatives de la peinture de Poussin.
La figure de la nymphe Écho apparaît dans l'œuvre de plusieurs
peintres romains du XVIIe siècle, en particulier chez Pietro Testa, Pier
Francesco Mola, Le Lorrain, et surtout chez Nicolas Poussin qui représente
à quatre reprises l'amante éconduite de Narcisse : dans le Triomphe de
Flore, dans Y Empire de Flore, dans Y Écho et du Louvre et encore
dans la Naissance de Bacchus de Cambridge1. L'Écho et Narcisse du Louvre,
peint à Rome probablement à la fin des années 16202, représente les deux
1 Signalons ici que la promotion d'Écho s'inscrit mal dans une tradition pictu
rale généralement attachée à la seule figure de Narcisse à quelques exceptions près.
Outre les artistes cités, voir également l'important dessin de Narcisse et Écho de
Toussaint Dubreuil (Rome, coll. part.) proche à plus d'un titre de l'œuvre de Poussin,
même si la scène choisie est celle de la réflexion de Narcisse : «non-finito» d'Écho, type de cadrage rapproché, Narcisse reposant sur un sol rocheux et se mirant
dans un plan d'eau placé en bordure du cadre inférieur, écartement de ses jambes,
même type de site composé d'arbres et de rocs, présence des fleurs (aux pieds de
Narcisse). Dominique Cordellier note à juste titre que «le non-finito du dessin d'É
cho, s'il impressionne beaucoup par contraste avec la définition graphique précise
de Narcisse, vaut surtout parce qu'il accorde visuellement la nymphe dédaignée avec
l'état brut de la nature environnante, avec laquelle (selon la tradition ovidienne),
rongée par l'amertume du refus, elle finit par se confondre (...). L'inachèvement a
donc ici - indépendamment du hasard dont nous ne mesurerons jamais la part - une
portée mythologique et narrative remarquable». D. Cordellier rappelle l'existence
d'un Narcisse du même artiste pour le château Neuf de Saint-Germain-en-Laye. Voir
D. Cordelier, Toussaint Dubreuil, «singulier en son art», dans Bulletin de la Société de
l'histoire de l'art français, 1985, p. 19-20, fig. 21. Voir aussi Sylvie Béguin, Two un
published drawings by Toussaint Dubreuil, dans The Burlington Magazine, CXXVII,
n° 992, novembre 1985, p. 756-761, qui compare brièvement Poussin et Dubreuil et
relève chez Pousin «his allegiance to a mannerist rmse en page» (p. 758). Il faut noter
enfin que ce dessin de Dubreuil résulte de l'assemblage de deux feuilles, l'une corre
spondant à Narcisse, l'autre à Écho.
2 Rappelons que cette œuvre, située vers 1625-1630, a été acquise par Louis XIV
en 1682 auprès du marchand Alvarez. Le tableau du Louvre a récemment (A. Brejon
de Lavergnée, 1987) été mis en relation avec ce «quadro di Narciso di Posino» qui est
relevé dans l'inventaire après décès du cardinal Angelo Gioii (1669), en compagnie
d'un Vénus et Adonis qui pourrait être le tableau de Caen. Mais deux autres Narcisse
de Poussin sont également signalés : l'un par André Félibien dans ses Entretiens sur
les vies des plus excellens peintres (1685, 4e partie, p. 399) le Cabinet de Le
Nôtre, l'autre dans le Journal de voyage de Balthasar de Monconys (Lyon, 1666). Sur
ce tableau voir principalement : M. Alpatov, Poussin Problems, dans The Art Bulletin,
XVII, n° 1, mars 1935, p. 4-30; Anthony Blunt, The Heroic and the Ideal Landscape in
the Work of Nicolas Poussin, dans Journal of the

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