Islam et État en Algérie. Du gallicanisme au fondamentalisme d État - article ; n°1 ; vol.65, pg 61-76
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Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1992 - Volume 65 - Numéro 1 - Pages 61-76
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 28
Langue Français
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Extrait

Franck Fregosi
Islam et État en Algérie. Du gallicanisme au fondamentalisme
d'État
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°65, 1992. pp. 61-76.
Citer ce document / Cite this document :
Fregosi Franck. Islam et État en Algérie. Du gallicanisme au fondamentalisme d'État. In: Revue du monde musulman et de la
Méditerranée, N°65, 1992. pp. 61-76.
doi : 10.3406/remmm.1992.1555
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1992_num_65_1_1555Franck FRÉGOSI
ISLAM ET ÉTAT EN ALGÉRIE
DU GALLICANISME AU FONDAMENTALISME D'ÉTAT
Le processus de "démocratisation" qu'a connu l'Algérie au lendemain des journées d'octobre
1988, fut très vite suivi par la création d'une multitude de formations politiques ; parmi elles, le Front
Islamique du Salut1 entendait fonder son programme d'action sur une base exclusivement rel
igieuse ("Le Coran est notre constitution !"), là où d'autres associations politiques comme le MDA
(Mouvement pour la Démocratie en Algérie) d'Ahmed Ben Bella ou bien El Oumma de Youssef
Ben Khedda se revendiquaient d'un arabo-islamisme flou, mélange confus d'étatisme, d'exaltation
du patriotisme et de références aux valeurs islamiques.
La "légalisation"2 du FIS dans un premier temps, sa victoire aux élections municipales et de wilaya
de 1990 ensuite, vint confirmer l'ancrage définitif du front dans le paysage politique algérien, ce
qui allait conduire un certain nombre d'intellectuels, et de responsables d'associations à reposer publ
iquement la question des relations entre l'islam et l'Etat dans l'Algérie contemporaine. Ce débat, à
rencontre d'une opinion largement répandue n'est ni nouveau en Monde musulman - que l'on songe
au débat soulevé en Egypte par le cheikh Ali Abd El Raziq (1925) ou encore à l'abolition du
Califat par Mustapha Kemal - ni anachronique en Algérie et ce depuis la période coloniale.
Le présent article entend resituer ce débat sur les rapports entre la religion et l'Etat dans l'Algérie
moderne dans une perspective historique en insistant à la fois sur sa dimension institutionnelle
(approche juridique) et son prolongement politique (instrumentalisation du réfèrent religieux).
Si l'on fait exception de la période ottomane où globalement les connexions étroites entre
l'islam et l'Etat ne soulevaient guère d'oppositions ou du moins pas d'hostilité au plan formel3 :
docteurs de la loi (ulema), jurisconsultes (mufti) et personnels du culte musulman (imam, muezzin. . .)
étaient nommés par le sultan, donc par un responsable politique qui à l'époque cumulait encore la
dignité de calife (Commandeur des croyants), la situation fut toute autre dès lors que la France "puis
sance chrétienne" prit pied sur le sol algérien !
RE.M.M.M. 65, 1992/3 62 /Franck Frégosi
Malgré l'engagement solennel pris par le maréchal de Bourmont le 5 juillet 1830 "à respecter
l'exercice de la religion mahométane et à ne porter aucune atteinte à la liberté des habitants de toutes
classes, à leur religion, leurs propriétés, leur commerce et leur industrie" (cité par J. Carret,
1957 :46), l'administration française dans le cadre de la colonisation de l'Algérie, engagea très vite
une politique d'appropriation des terres, celles des anciens dirigeants turcs ainsi que les fondations
pieuses (bien habous) dont les revenus étaient traditionnellement affectés aux villes saintes4, sou
levant de vives protestations parmi les dignitaires religieux musulmans de l'époque.
Par diverses dispositions légales5, la France, en s' assurant la mainmise totale sur les habous, non
seulement s'attribuait la gestion du patrimoine immobilier cultuel musulman, mais en même temps
par la confiscation de ces biens de main-morte, privait le personnel du culte musulman d'une sour
ce principale de revenus, le faisant ainsi passer directement sous sa dépendance financière. C'était
désormais à l'Etat français que revenait la tâche de rémunérer le personnel et d'entretenir les édi
fices cultuels musulmans. Une circulaire du Gouverneur général en date du 17 mai 1851 porta même
organisation du culte musulman en Algérie (classement des établissements religieux et du person
nel du culte)6. Le culte devint ainsi le quatrième culte (aux côtés des cultes catholique,
protestant, israélite) reconnu par la France. La modification de la conjoncture politique en métro
pole au début du siècle (1880-1900) avec l'arrivée des républicains radicaux aux affaires qui devait
se traduire par l'infléchissement dans un sens nettement laïciste de la politique des relations entre
l'Eglise et l'Etat (adoption de la loi du 12 décembre 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat), n'eut
aucune incidence en Algérie quant à l'attitude de l'administration vis à vis du culte musulman.
Bien qu'un décret du 27 septembre 1907 eut prévu l'extension des dispositions de la loi de
1905 aux trois départements algériens, le principe de la séparation des cultes d'avec la République
resta lettre morte en Algérie, la puissance publique maintenant le culte musulman (et temporaire
ment les autres cultes) sous sa tutelle, les républicains faisant preuve en matière de politique rel
igieuse en Algérie d'un gallicanisme étroit, preuve que la laïcité pas plus que l'anticléricalisme n'étaient
de bons produits d'exportation !
"L'exception algérienne" au régime de laïcité et les multiples maladresses7 qui furent com
mises par la suite ne manquèrent pas d'accroître les griefs de la population musulmane à rencontre
de la politique française en Algérie. Aux multiples revendications d'ordre juridique (problème de
l'accession à la citoyenneté avec maintien du statut personnel musulman, abolition du code de
l'indigénat) ou plus directement politique (extension du collège électoral musulman, élargiss
ement des capacités de vote des musulmans. . .), voire culturel (liberté de l'enseignement) vint donc
s'ajouter la pomme de discorde de la non séparation du culte musulman et de l'Etat.
L'Emir Khaled (1875-1936) fut le premier parmi les notables musulmans à se saisir de cet état
de fait (état de non-droit) et dans une lettre adressée au président du Conseil Edouard Herriot (3 juillet
1924) réclama "l'application au culte musulman de la loi de séparation des cultes et de l'Etat"
(C. Collot et J.-R. Henry, 1978 : 32). Ce furent par la suite les oulémas de l'Association des Oulémas
réformistes8 du cheikh Ibn Badis, qui s'emparèrent de cette question des relations entre l'islam et
l'Etat et posèrent clairement, dans le contexte particulier de la colonisation, la question de l'ind
épendance du culte musulman vis à vis de l'administration française. Aussi à l'occasion du 1er Congrès
musulman en 1936, rassemblant l'ensemble des forces politiques musulmanes allant des oulémas
au parti communiste en passant par la Fédération des élus musulmans et à l'exception de l'Etoile nord-
africaine de Messali Haj, l'association réformiste fit-elle adopter par les autres participants une
motion relative à la langue arabe, au culte et à la magistrature musulmane dans laquelle les oulémas
réclamaient ouvertement que "les mosquées (soient) remises aux musulmans" et que des crédits leur
soient "affectés sur le budget de l'Algérie proportionnellement au produit des biens habous y affé
rent. La gestion des mosquées sera assurée par des associations cultuelles organisées conformé- Islam et État en Algérie. . . /63
ment à la loi de séparation". Cette revendication sera par la suite non seulement reprise au IIe Congrès
musulman en juillet 1937 (C. Collot, 1974 : 92) mais bientôt, toutes les organisations politiques musul
manes, des libéraux de la Fédération des élus musulmans aux populistes (partisans de l'indépendance)
de l'ENA puis du PPA, en passant par le PCA, réclameront à leur tour la liberté de culte et l'appli
cation à l'Algérie de la loi de séparation de 1905. Sur cette question ce furent tout de même les oulé
mas qui se montrèrent les plus insistants, rédigeant pas moins de trois mémoires9 sur la question. Dans
ces trois documents, l'association réformiste dénonçant les

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