L affaire Rajk, quarante ans plus tard - article ; n°1 ; vol.25, pg 75-84
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Description

Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 1990 - Volume 25 - Numéro 1 - Pages 75-84
The Rajk affair, 40 years later, François Fejto.
The author reconsiders the conclusions of the article he published in Esprit 40 years ago and maintains most of them, after examining the testimonies and the rare archives opened up to historians since then. Yes, Stalin had Rajk and several other rabid dogs hanged in order to bring Tito down ; yes, the trial was fixed. But a few secrets are still lie dormant in the KGB archives. Will perestroika dig them up soon ?
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 34
Langue Français

Extrait

François Fejtö
L'affaire Rajk, quarante ans plus tard
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°25, janvier-mars 1990. pp. 75-84.
Abstract
The Rajk affair, 40 years later, François Fejto.
The author reconsiders the conclusions of the article he published in Esprit 40 years ago and maintains most of them, after
examining the testimonies and the rare archives opened up to historians since then. Yes, Stalin had Rajk and several other "
rabid dogs " hanged in order to bring Tito down ; yes, the trial was fixed. But a few secrets are still lie dormant in the KGB
archives. Will perestroika dig them up soon ?
Citer ce document / Cite this document :
Fejtö François. L'affaire Rajk, quarante ans plus tard. In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°25, janvier-mars 1990. pp. 75-84.
doi : 10.3406/xxs.1990.2225
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1990_num_25_1_2225L'AFFAIRE RAJK
QUARANTE ANS PLUS TARD
François Fejtö
En novembre 1949, François Fejtö pu quoi des aveux, présentent une énigme psy
blia dans Esprit un long article qui fit chologique... Tout y paraît obscur et
quelque bruit, « L'affaire Rajk est une mystérieux », écrivais-je.
affaire Dreyfus internationale ». Dans les Quarante ans après, le mystère du procès
Lettres françaises du 19 septembre de la a-t-il été levé, la clarté faite ? En partie oui,
même année, André Wurmser n'avait-il par les témoignages de quelques survivants
pas écrit : « C'est au noble justicier qui parmi les victimes, parmi les juges et tor
crie au truquage de prouver que le procès tionnaires, ainsi que par les documents d'ar
chives publiés par un historien — un seul ! fut truqué, et non aux juges qui ont
— qui a eu accès aux archives de la police enregistré les aveux publics des accusés,
de prouver l'évidence... Si Dreyfus avait de Budapest et du Kominform1. Mais vu
le rôle joué dans la préparation du procès avoué, il n'y aurait pas eu d'affaire Dreyf
us » ? Pour prouver encore un peu l'év par plusieurs hauts fonctionnaires du KGB
idence, François Fejtö a rouvert le dossier (qui s'appelait alors MVD), notamment du
pour Vingtième siècle. général Bielkine, toute la lumière ne pourra
être faite que lorsque les archives du KGB
et du secrétariat du PCUS seront ouvertes ,our éclaircir le procès qui vient de
aux chercheurs. On n'en est pas encore là. se dérouler à Budapest, on doit le
Une demande d'éclaircissements que j'ai faite replacer dans son contexte histo
à ce sujet, par l'intermédiaire d'un chercheur rique », ai-je écrit dans l'introduction de
de l'Institut d'histoire de l'Académie des mon étude sur le procès Rajk, publiée dans
sciences de l'URSS, n'a pas obtenu de réla revue Esprit en novembre 1949. J'y ai
ponse. Cela dit, les hypothèses que j'ai relevé d'abord que ce procès, qui a
formulées dès 1949 sur les origines du procès commencé à Budapest le 16 septembre 1949
et le conditionnement des accusés, en me pour s'achever le 24 par la
fondant sur l'analyse des aveux, sur celle de condamnation à mort de Rajk et de deux
leurs rapports avec la réalité, sur des inforde ses coaccusés, et leur exécution le
mations de source yougoslave, ainsi que sur 15 octobre, descendait en ligne directe des
observation des similitudes frappantes avec procès de Moscou des années 1930. Il n'avait
les procès de Moscou, ont été dans l'en- rien de commun avec les procès politiques
— celui de Laval, par exemple, ou même
les procès plus anciens — qui n'ont jamais 1. Tibor Zinner, Adalékok a magyarors^àgi koncepcios perek-
be^ (Contributions à l'histoire des procès préfabriqués en eu lieu dans les pays non communistes. « Le Hongrie), Budapest, Historia Füzetek, 1988. Cf. aussi Rajk Per
pourquoi des crimes qu'on avoue, le pour- (Procès Rajk), recueil de documents publié en 1989, Ed. Otlet.
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semble confirmées. Ainsi peut-on considérer fautes mineures qu'ils avaient pu commettre
comme acquis que : contre la discipline du parti avec promesse
de la vie sauve, et grande explication koest- — L'initiative du procès a été prise au
lérienne du « dernier service rendu au parti ». Kremlin et non à Budapest.
— Le procès Rajk a servi de modèle à — Le but du procès a été de justifier,
d'autres de même type dans les déde manière retentissante, spectaculaire, la
mocraties populaires. Il a été efficace pour résolution du Kominform de 1948 condamn
créer et généraliser un climat d'espionnite, ant la Yougoslavie, de discréditer Tito et
une atmosphère de chasse aux sorcières, que le communisme national devant l'opinion
les Soviétiques pouvaient mettre à profit communiste et progressiste internationale.
pour parachever le contrôle des partis et des — Le rôle de Rajk consistait à être témoin
gouvernements des pays satellisés, et à charge contre Tito qu'il « démasquait »
compter leurs fidèles inconditionnels dans comme un agent de l'impérialisme américain.
les autres partis communistes du mouvement — En même temps, le procès était destiné
international. La terreur sacrée inspirée par
à mettre en évidence la sollicitude et la le procès permettait de porter à son sommet
vigilance du « grand éducateur », Staline, qui le culte fanatique de Staline et du parti.
a impitoyablement mis au pilori les « traîtres
yougoslaves ».
O ACCUSER RAJK POUR ABATTRE TITO — Il n'y eut qu'un rapport lointain entre
les activités réelles des accusés et les crimes Le contexte historique du procès était la
qu'ils avaient été appelés à s'imputer. guerre froide. Après avoir pris la mesure
— Les procès constituaient une des armes des faiblesses et contradictions des alliés
préférées de Staline dans sa politique pré occidentaux à Yalta et à Potsdam, Staline a
ventive contre les opposants réels ou po tenu tête à la diplomatie atomique des Etats-
tentiels. En hongrois, on appelle les procès Unis et n'a pas lâché prise sur les pays
de ce type des « procès à conception », c'est- «libérés». Il a même réussi à établir une
à-dire pré-conçus, dans lesquels j'ai pu voir espèce d'hégémonie idéologique sur les élites
appliquées certaines des règles du réalisme intellectuelles occidentales, surtout en France
socialiste, le but de l'opération étant d'édifier et en Italie. A partir de 1946, il s'agissait
l'opinion publique en lui proposant des pour lui de résister aussi à la diplomatie du
modèles positifs à suivre et des modèles dollar, relancée par le Plan Marshall. La
négatifs à haïr et à détruire. En 1949, le formation du Kominform a inauguré une
Prix Staline fut attribué à l'écrivain roumain stratégie défensive qui impliquait la tran
Nicolas Virta, pour une pièce intitulée La sformation de l'URSS et des pays attribués
conjuration des condamnés, dont l'action ressemb à sa sphère d'influence en un camp retranché,
lait de manière frappante au spectacle juaussi isolé que possible de l'Occident. Il est
diciaire mis en scène à Budapest. improbable que Staline, comme il le faisait
— Pour ce qui est des moyens par le croire à ses satellites, ait sérieusement cru à
squels on a pu amener les accusés à consentir la possibilité d'une agression américaine. Il
a utilisé la peur de la guerre pour installer à signer, puis à réciter leurs aveux préparés
par leurs « tuteurs » (referents), je n'ai pas un état d'exception, une espèce de commun
eu tort d'avoir supposé l'emploi de « toute isme de guerre dans son camp. Dans cette
une technologie de moyens différents quant stratégie, le rôle principal est revenu à la
à la forme mais suivant le même but ». gardienne suprême de l'intégrité du camp
et de sa centralisation, la police politique. Torture, suggestions, arguments dialectiques
consistaient à persuader les accusés de leur La scission avec la Yougoslavie avait pour
« culpabilité objective » en amplifiant les cause immédiate le refus de Tito et de

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