L art et la manière : comment dans les stratégies discursives - article ; n°80 ; vol.20, pg 71-98
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L'art et la manière : comment dans les stratégies discursives - article ; n°80 ; vol.20, pg 71-98

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Description

Langages - Année 1985 - Volume 20 - Numéro 80 - Pages 71-98
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 51
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Claudine Olivier
L'art et la manière : comment dans les stratégies discursives
In: Langages, 20e année, n°80, 1985. pp. 71-98.
Citer ce document / Cite this document :
Olivier Claudine. L'art et la manière : comment dans les stratégies discursives. In: Langages, 20e année, n°80, 1985. pp. 71-98.
doi : 10.3406/lgge.1985.1514
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1985_num_20_80_1514Claudine OLIVIER
Université de Toulouse-le-Mirail
L'ART ET LA MANIERE :
COMMENT DANS LES STRATEGIES DISCURSIVES
« Rien ne demeure longtemps identique. Nul ne se
montre longtemps contracté. Couche après couche,
cela s'enfouit, occupant tout le silence. » René CHAR
(« Vert sur Noir » Aromates chasseurs.)
I. Introduction
La pragmatique linguistique d'Anscombre et Ducrot définit la phrase comme une
structure abstraite comportant, entre autres, des indications discursives qui sont de
nature à permettre à l'interlocuteur en situation d'attribuer un sens à une occurrence
de cette phrase. Dans un article consacré aux interrogations totales, Anscombre et
Ducrot montrent que les phrases interrogatives ont la même orientation argumentat
ive que les phrases négatives correspondantes *.
Cet article propose une application de ces hypothèses à une forme d'interrogation
partielle : la question Comment p ?, par laquelle on interroge sur la manière dont
l'action décrite dans p s'effectue. Pour éclairer notre description de ces phrases inter
rogatives, nous nous attachons particulièrement au morphème grammatical qui est
porteur de cette valeur « interrogation sur la manière » et qui constitue l'élément
significatif correspondant à l'information nouvelle qui serait apportée par le posé
dans une assertion. Dans ces phrases en effet, p a le statut d'un présupposé : Com
ment p ? comporte, à un certain niveau, une assertion de p.
Plusieurs phénomènes relatifs à Comment méritent d'être abordés dans le cadre
d'une sémantique intentionnelle :
— le fait que Comment appartienne à un paradigme de morphèmes grammati
caux affectés de caractères sémantiques particuliers.
— les dérivations illocutoires opérées par l'usage à partir des valeurs augumentati-
ves des questions Comment p ?
— certaines structures dérivées, qui se distinguent par des changements syntaxi
ques et des propriétés distributionnelles donnant naissance à une série de formules.
Nous tenterons ci-après de décrire les principaux emplois de Comment, notam
ment ceux qui déterminent l'apparition de morphèmes exclamatifs, par dérivation
impropre ou par figement avec d'autres unités.
II. Morphologie et illocutoire
L'interrogatif comment est formé d'un mot grammatical — en ancien français
come/com/cum — associé au suffixe -ment. La base corn- appartient à un paradigme
1. Voir Ducrot (0.) et alii (1980) et Anscombre (J.-C.)-Ducrot (O.) (1983). morphologique et sémantique qui, par sa cohérence, pourrait contraindre le sens des
dérivations illocutoires affectant ses unités constitutives.
//. 1. Les données morphologiques et historiques
II. 1. 1. Le paradigme QU-
La base com- vient de quomodo, qui associe l'adjectif interrogatif quis au subs
tantif modus, à l'ablatif. Le pronom-adjectif quis a donné naissance à de nombreux
morphèmes grammaticaux du latin, principalement par les procédés suivants : spé
cialisation de l'ablatif (qui, qua, quo), figement du syntagme dont il fait partie (QU-adj.
-+- nom ; prépos. + QU-adj. + nom ; QU-pron. -+- ecln&mlnuml-pe), figement
d'une phrase à valeur de formule (QU-pron. + SV : quilibet, redoublement du pro
nom (quisquis). La racine QU- est aussi celle de relatif et de morphèmes tels que cum
(< quom), cur (< quor), ubi (< cubi), unde (< cunde), ut (< cuta)... Ce para
digme de mots à initiale QU- 2 remonte à l'indo-européen commun ; il s'est conservé
avec une remarquable intégrité jusqu'à nos jours dans les langues qui en sont issues.
La racine en QU- et ses corrélatifs •* génèrent une grande partie de nos morphèmes
grammaticaux. Cette représentation synthétique recouvre un super-paradigme sémant
ique, dont les unités constitutives ont la propriété de ne pas véhiculer un contenu
descriptif : leur sens ne peut être déterminé que par leur relation avec une structure
lexicale dans l'énoncé, ou par l'identification d'un élément extralinguistique. Elles
sont liées à des opérations de référence interne à la langue : elles anticipent sur un
contenu énoncé ou le rappellent (cataphore et anaphore), ou bien elles embrayent sur
la situation d'énonciation telle qu'elle est représentée dans le discours du locuteur
(deixis indicielle).
Au delà des spécifications synchroniques et diachroniques dont elles sont l'objet, et
en dépit de la diversité des fonctions que ces unités peuvent assurer dans le discours,
cette propriété, signalée par un petit nombre de racines, semble se maintenir, déte
rminant une catégorie de mots « vides ».
II. 1. 2. Avatars de quomodo
Le mot latin est donc une forme figée à partir de la formule quo
modo ? « par quel moyen, de quelle manière ? ». Le sens de quomodo s'est étendu,
après le figement :
— on trouve quomodo employé avec la valeur de la conjonction que du français,
après un verbe de déclaration ou de perception (suite au remplacement du système
des infinitives par celui des subordonnées conjonctives en latin vulgaire). En ancien
français et dans certaines tournures du français moderne, cette valeur peut être prise
en charge par com(e)/ comme.
— par ailleurs quomodo et quod ont pris le pas sur ut et cum, et quomodo a
connu un usage temporel causal, en latin vulgaire.
2. Les théoriciens générativistes ont proposé des descriptions syntaxiques unitaires des él
éments d'un paradigme désigné par le digramme QU- (WH- en anglais).
3. Les morphèmes en QU- ont des corrélatifs en is (ea, id) ; en t- (talis, tarn, tot) issu du
démonstratif te, ta, tud qu'on retrouve dans iste, ista, istud ; -ter est un suffixe indiquant
l'opposition de deux notions ; ille (racine il/ oil ul) ; dans hic (h-i-c) -i- appartient à la racine
i ; -c final (< ce) est une particule démonstrative ; la particule c- initiale (ceterum) est compar
ative ; enfin, signalons la racine al- f+ i, + ter), qu'on trouve dans alius.
72 — quomodo a fait bloc avec des adverbes tels sic, ita, et, pour prendre une
valeur comparative.
Ainsi le morphème quomodo, à l'origine spécialisé dans l'interrogation sur la
manière, en est venu progressivement à assurer, seul ou en composition, de nom
breux emplois (dont les exclamatifs notamment sont exclus 4) de que, comme et com
ment du français moderne. Cette polyvalence est sans doute à mettre en relation avec
le sémantisme de la base QU- qui tend à neutraliser les spécifications apportées par
les compositions et les figements. En ancien et moyen français com/ cum et corne
(< quomodo et) 5 recouvrent de façon assez indistincte tous les emplois (entre
autres) des anciennes formes quomodo /quomodo et. Cette situation a provoqué
l'apparition de formations telles que : comment, comfaitement, comfaitierement,
combien, pour éviter les confusions. Un grammairien comme Vaugelas, au XVIIe
siècle, a défendu le principe d'une distribution complémentaire de comme et
comment 6.
IL 1. 3. Le suffixe -ment.
Le latin avait des expressions tendant au figement, telles que clara mente, bona
mente, créées à partir d'un adjectif et du substantif mens, mentis, « intention,
esprit 7 ». Plus tard, après le figement, -ment(e) a signifié plus largement « principe,
manière » et le morphème composé a pu être un modifieur directement rattaché
au verbe.
En ancien français, de nombreux adjectifs à valeur d'adverbes se sont adjoint ce
suffixe. Le morphème com(e) et son composé comfait ont subi le même sort, ainsi
que d'autres adjectifs-pronoms vides. On trouve en effet, à diverses époques en fran
çais : ensement, autrement, nullement, aucunement, memement, quellement, quel-
quement. Presque tous ces morphèmes sont en relation avec les paradigmes décrits
en I. 1. Ils s'associent, comme termes de qualité relative **, à des structures lexicales
de l'énoncé. Leur sémanti

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