La commission de sauvegarde pendant la guerre d Algérie : chronique d un échec annoncé - article ; n°1 ; vol.61, pg 14-29
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Description

Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 1999 - Volume 61 - Numéro 1 - Pages 14-29
La Commission de sauvegarde pendant la guerre d'Algérie : chronique d'un échec annoncé, Raphaëlle Branche.
La Commission de sauvegarde des droits et libertés individuels en Algérie fut fondée au printemps 1957 par Guy Mollet, alors que les méthodes utilisées par l'armée française au cours de la bataille d'Alger créaient le trouble à l'ONU, parmi les intellectuels, sur les bancs de l'Assemblée nationale et jusque dans les rangs de la SFIO. Formée de douze personnalités de haute stature morale et d'horizons politiques divers, mais dépourvue de pouvoirs réels, la commission fut rapidement en butte à la mauvaise volonté des autorités militaires en Algérie. Plusieurs de ses membres, qui avaient recueilli des témoignages accablants sur la réalité de la torture, démissionnèrent en septembre 1957 pour protester contre une situation qui faisait d'eux les otages d'un gouvernement complice de la répression. En dépit de sa prudence, le rapport final de la commission, qui reconnaissait la réalité de la tor- ture tout en minimisant sa portée, fut tenu secret par le gouvernement, jusqu'à sa publication par Le Monde en décembre. Il était alors trop tard, et l'échec de la commission marqua la démission des autorités civiles face aux responsables militaires de la « pacification » en Algérie.
The Commission for the Safe-Guarding during the Algerian War : Chronicle of a Foretold Failure, Raphaëlle Branche.
The Commission for the Safe-Guarding of lndividual Rights and Liberties in Algeria was founded in spring 1957 by Guy Mollet while the methods used by the French army during the battle of Algiers were creating trouble in the UN, among the intellectuals, on the benches of the National Assembly and in the ranks of the SFIO. Made up of 12 personalities of high moral stature and varied political horizons, but without real power, the Commission was rapidly exposed to the Algerian military authorities' bad faith. Several of its members, who had gathered overwhelming evidence on the reality of torture, resigned in September 1957 to protest a situation that made them the hostages of a government that was a party to the repression. In spite of its caution, the commission's final report - that recognized the reality of torture while minimizing its scope - was kept secret by the government until its publication by Le Monde in December. That was too late and the failure of the Commission was the sign of the civil authorities' resignation faced with the military leaders of Algerian pacification.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 135
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Raphaëlle Branche
La commission de sauvegarde pendant la guerre d'Algérie :
chronique d'un échec annoncé
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°61, janvier-mars 1999. pp. 14-29.
Citer ce document / Cite this document :
Branche Raphaëlle. La commission de sauvegarde pendant la guerre d'Algérie : chronique d'un échec annoncé. In: Vingtième
Siècle. Revue d'histoire. N°61, janvier-mars 1999. pp. 14-29.
doi : 10.3406/xxs.1999.3810
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1999_num_61_1_3810Résumé
La Commission de sauvegarde pendant la guerre d'Algérie : chronique d'un échec annoncé, Raphaëlle
Branche.
La Commission de sauvegarde des droits et libertés individuels en Algérie fut fondée au printemps 1957
par Guy Mollet, alors que les méthodes utilisées par l'armée française au cours de la bataille d'Alger
créaient le trouble à l'ONU, parmi les intellectuels, sur les bancs de l'Assemblée nationale et jusque
dans les rangs de la SFIO. Formée de douze personnalités de haute stature morale et d'horizons
politiques divers, mais dépourvue de pouvoirs réels, la commission fut rapidement en butte à la
mauvaise volonté des autorités militaires en Algérie. Plusieurs de ses membres, qui avaient recueilli
des témoignages accablants sur la réalité de la torture, démissionnèrent en septembre 1957 pour
protester contre une situation qui faisait d'eux les otages d'un gouvernement complice de la répression.
En dépit de sa prudence, le rapport final de la commission, qui reconnaissait la réalité de la tor- ture tout
en minimisant sa portée, fut tenu secret par le gouvernement, jusqu'à sa publication par Le Monde en
décembre. Il était alors trop tard, et l'échec de la commission marqua la démission des autorités civiles
face aux responsables militaires de la « pacification » en Algérie.
Abstract
The Commission for the Safe-Guarding during the Algerian War : Chronicle of a Foretold Failure,
Raphaëlle Branche.
The for the of lndividual Rights and Liberties in Algeria was founded in
spring 1957 by Guy Mollet while the methods used by the French army during the battle of Algiers were
creating trouble in the UN, among the intellectuals, on the benches of the National Assembly and in the
ranks of the SFIO. Made up of 12 personalities of high moral stature and varied political horizons, but
without real power, the Commission was rapidly exposed to the Algerian military authorities' bad faith.
Several of its members, who had gathered overwhelming evidence on the reality of torture, resigned in
September 1957 to protest a situation that made them the hostages of a government that was a party to
the repression. In spite of its caution, the commission's final report - that recognized the reality of torture
while minimizing its scope - was kept secret by the government until its publication by Le Monde in
December. That was too late and the failure of the Commission was the sign of the civil authorities'
resignation faced with the military leaders of Algerian "pacification".LA COMMISSION DE SAUVEGARDE
PENDANT LA GUERRE D'ALGÉRIE
CHRONIQUE D'UN ÉCHEC ANNONCÉ
Raphaëlle Branche
En avril 1957, en plein cœur de la ba impression d'impuissance et d'invisibilité
taille d'Alger, le gouvernement de Guy laissée par la commission, l'historien ne
Mollet cède à la pression de l'opinion et doit-il pas s'efforcer de comprendre
met en place une commission de douze comment celle-ci a fonctionné et ce qui,
membres chargés d'enquêter sur la réalité dans le déroulement de sa mission, ne lui
de la répression militaire en Algérie. Effet a pas permis de contrôler pleinement les
d'annonce, pour une commission divisée pratiques de la guerre en Algérie ?
sur ses responsabilités et dépourvue de Depuis le début de l'année 1957, celle-
moyens réels face à la mauvaise volonté de ci est entrée dans une phase nouvelle : le
l'armée ? C'était compter sans l'opiniâtreté ministre-résidant Robert Lacoste a délégué
de quelques-uns de ses membres et la flo au général Massu les pouvoirs de police
raison de témoignages accablants qu'ils su pour rétablir l'ordre dans le grand Alger en
rent recueillir en profitant de l'espoir que proie au terrorisme urbain. Celui-ci met en
la commission suscita parmi les victimes place un quadrillage très serré de la ville
de la torture et leurs proches. qui a rapidement raison de la résistance
des nationalistes algériens. Cependant, ce
Quand on évoque aujourd'hui, de succès s'explique largement par la pratique
vant un ancien opposant à la de méthodes théoriquement interdites
guerre d'Algérie, la Commission dans l'armée : l'extorsion de renseigne
de sauvegarde, il hausse les ment par la torture. L'ampleur des résultats
épaules : cette commission n'a servi qu'à ne masque pas cette réalité et peu à peu
« détourner l'indignation qui commençait à informée des disparitions subites de mili
se manifester » \ Quand on interroge des tants ou de sympathisants nationalistes, de
militaires en activité en Algérie à l'époque, leur détention arbitraire, des sévices qu'ils
il leur faut souvent un effort pour se sou disent avoir endurés, l'opinion publique
venir de son existence. L'unanimité semble s'interroge. Au mois de mars, les révéla
réunie pour conclure à l'inefficacité de tions se succèdent et de spectaculaires dé
cette commission constituée pour sauve cisions d'hommes au patriotisme au-dessus garder les droits et libertés individuels en de tout soupçon mettent le gouvernement
Algérie. Pourtant, les commissaires ont ac en demeure de s'expliquer : le général Parcompli un travail indéniable. Comment ex
is de Bollardière demande à être relevé de pliquer que ni les militaires présents en Al son commandement pour ne pas avoir à gérie ni les éléments les plus avertis de accomplir des actes indignes « des valeurs
l'opinion publique métropolitaine n'en morales » de la France et de son armée, et aient vu les traces ? Au-delà de la double
s'en explique dans une lettre publiée dans
L 'Express le 27 mars ; Vercors renvoie sa l1. Pierre Vidal-Naquet, La torture dans la République, Par
égion d'honneur au président Coty. is, Minuit, 1972.
14
janvier-mars Vingtième Siècle. 1999, p. Revue 14-29. d'histoire, 61, :
:
La Commission de sauvegarde pendant la guerre d'Algérie
térieur chargé des Affaires algériennes, lui En France et dans le monde, l'opinion
publique s'émeut. Le 4 février 1957, Chris rapporte ce qu'il a appris lors de son
tian Pineau a dû se livrer, devant la voyage en Algérie en mars : les parachut
commission politique de l'Assemblée gé istes ont fait œuvre utile mais en recourant
à des « méthodes tirées de l'arsenal de la nérale des Nations unies, à une défense ar-
gumentée de la France, accusée par les na Gestapo » 4. Son ministre de la Justice,
tionalistes algériens des pires atrocités. Il François Mitterrand, s'alarme 5. A l'Assem
blée nationale, lorsque François Reille- avait alors repris systématiquement les
griefs contenus dans une brochure que le Soult (MRP) demande à Robert Lacoste
MNA 1 avait diffusé à l'ONU pour en dé d'agir fermement contre « des procédés
odieux 6 contre lesquels nous n'avons montrer le caractère mensonger. Il avait
néanmoins reconnu « que certains abus cessé de combattre durant toute la Résis
[étaient] rigoureusement inévitables de la tance », il est applaudi sur tous les bancs 7.
part de militaires en opérations », tout en Mis en demeure de s'expliquer, Guy Mollet
mettant l'accent sur les enquêtes systéma le fait à l'Assemblée nationale le 27 mars.
tiquement ordonnées pour contrôler ces Invoquant la mémoire de la Résistance et
excès. l'héritage des Droits de l'homme, il affirme
Sorti d'affaire à l'ONU - mais pour que l'honneur de la France est en contra
combien de temps ? - le gouvernement diction avec la pratique de la torture et que
« toute atteinte aux droits de l'homme et au français est donc confronté en mars 1957
respect de sa dignité » est strictement interà un mouvement de contestation de plus
en plus fort. Le président de la République, dit

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