La phrase : invention et transformation - article ; n°1 ; vol.26, pg 6-29
25 pages
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Description

Langue française - Année 1975 - Volume 26 - Numéro 1 - Pages 6-29
24 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1975
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacqueline Bastuji
La phrase : invention et transformation
In: Langue française. N°26, 1975. pp. 6-29.
Citer ce document / Cite this document :
Bastuji Jacqueline. La phrase : invention et transformation. In: Langue française. N°26, 1975. pp. 6-29.
doi : 10.3406/lfr.1975.6065
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1975_num_26_1_6065LA PHRASE : INVENTION ET TRANSFORMATION
0.1. La communication linguistique implique et mobilise un grand
nombre de relations et de pratiques intégrées : relations sociales entre
le locuteur et son « destinataire » ; dynamique profonde du sujet aux
prises avec le langage ; définition commune, mais asymétrique et
imparfaite, d'un « contexte » ou « réfèrent » ; usage d'un même code
linguistique ou de deux sous-codes suffisamment voisins ; enfin, mise
au point d'un « contact » ou « canal » qui transportera la parole ou
l'écriture.
Le schéma de Jakobson semble ainsi encourager une grande diver
sité dans les « techniques » de l'expression. Certains travailleront le
« contact » par des exercices d'élocution et pat le recours au magné
toscope pour contrôler la voix, le geste ou la physionomie. D'autres vou
dront, par une libre discussion et information, éclairer les mécanismes
sociaux et peut-être contribuer à lever certains « blocages ». D'autres,
ou les mêmes, feront définir collectivement les règles d'invention et de
disposition des « idées » — la documentation, le plan — , ou les règles
d'acceptabilité propres aux genres codifiés : lettre officielle, rapport admin
istratif, dissertation universitaire, débat oral, etc.
Tout ceci n'exclut pas qu'une attention systématique soit égal
ement portée au maniement du « code », que nous redéfinirons ici comme
l'aptitude à composer des phrases correctes et adaptées à leur contexte.
Or, il apparaît qu'un objectif aussi central se trouve régulièrement occulté,
et notamment dans les ouvrages, même récents, qui traitent ď « expres
sion », de « communication » ou de « style ». Pour le vocabulaire, on
peut toujours recourir au dictionnaire, ou consulter certains ouvrages qui
signalent les erreurs les plus fréquentes. Mais pour la construction des
phrases, on ne peut rien trouver que des grammaires ; et qui songerait
à consulter une grammaire, une fois qu'il a quitté l'école ? Tout se passe
comme si le problème était résolu, ou comme s'il suffisait de recourir au
bricolage empirique et à l'imitation globale des textes, littéraires ou non.
En fait, on croit toujours à la transparence du langage : « Ce que l'on bien s'énonce clairement Et les mots pour le dire arrivent aiséconçoit
ment... > Et lorsque les mots n'arrivent pas aisément et que les perfor
mances sont médiocres, la « correction » se limite trop souvent à des
appréciations négatives comme « mal dit », « gauche », « incohérent »,
« verbeux », etc. Est-ce là enseigner l'expression ?
0.2. L'étude systématique de la phrase peut intéresser trois disci
plines linguistiques : la syntaxe qui analyse les structures de phrases et
leurs transformations, le lexique qui spécifie les règles de sélection des
unités, le discours enfin en tant qu'il définit les contraintes et les règles
de cohérence entre les suites de phrases. Nous limiterons notre étude aux
structures de phrases, transformations et paraphrases, mais en associant
étroitement syntaxe et sémantique dans la recherche des règles qui per
mettent de « s'exprimer », c'est-à-dire de produire du sens conformément
aux règles combinatoires de la langue.
Ce qui est ici en jeu, c'est l'aptitude de la linguistique à intervenir
efficacement dans l'enseignement de l'expression. Sur quels fondements
théoriques cette science d'objectivation de la langue pourrait-elle justifier
un tel déplacement de son champ ? Et inversement, est-il pédagogiquement
bien utile d'imposer un enseignement réflexif sur la langue ? On retrouve
à un autre niveau le problème posé par l'école : faut-il faire de la
« grammaire », même rénovée, ou suffit-il de donner envie de parler et
d'écrire en créant de bonnes conditions de communication ?
1. Les impasses de la linguistique structurale.
1.1. La linguistique structurale segmente et classe les éléments const
itutifs de la chaîne parlée, et définit les types de relations entre les
unités. Elle dégage ainsi, au niveau du groupe de mots ou de la phrase,
des schémas séquentiels à partir desquels on peut construire des exercices,
dits structuraux, d'acquisition et de consolidation des mécanismes de
la langue. La démarche pédagogique est étroite : elle se limite à un jeu
de substitutions à partir d'une formule donnée, et sans que soient ana
lysées les règles de passage d'une structure à une autre.
En fait, la tradition structuraliste considère que la formation des
phrases n'est pas, au sens strict, du domaine de la langue ; elle appartient
à ce que Saussure appelle la parole, et qu'il conçoit comme usage indi
viduel et libre de la langue. L'intérêt des travaux de Benveniste, qui se
réclame de cette tradition, est à la fois d'en assumer les limites et d'en
proposer une transgression. Dans un article de 1964 sur « Les niveaux
de l'analyse linguistique » \ il accorde un double statut à la phrase en
posant celle-ci à la fois comme « ultime niveau » de l'analyse structurale
et comme frontière entre deux linguistiques distinctes, celle de la langue
et celle du discours :
< La phrase, création indéfinie, variété sans limite, est la vie
même du langage en action. (...) avec la phrase on quitte le domaine
1. E. Benveniste (1969), Problèmes de linguistique générale. la langue comme système de signes et l'on entre dans un autre de
univers, celui de la langue comme instrument dé communication,
dont l'expression est le discours.
Ce sont là vraiment deux univers différents, bien qu'ils embrass
ent la même réalité, et ils donnent lieu à deux linguistiques diffé
rentes, bien que leurs chemins se croisent à tout moment. Il y a d'un
côté la langue, ensemble de signes formels, dégagés par des pro
cédures rigoureuses, étages en classes, combinés en structures et en
systèmes, de l'autre, la manifestation de la langue dans la communic
ation vivante.
La phrase appartient bien au discours. C'est même par là qu'on
peut la définir : la phrase est l'unité de discours. (...) c'est une unité
complète, qui porte à la fois sens et référence : sens parce qu'elle
est informée de signification, et référence parce qu'elle se réfère à
une situation donnée » (pp. 129-130).
Benveniste propose donc d'ouvrir dans la science un nouveau domaine
qui serait celui du discours. Si le discours est « la manifestation de la
langue », inversement :
« C'est dans le discours, actualisé en phrases, que la langue se
forme et se configure. Là commence le langage. On pourrait dire,
calquant une formule classique : nihil est in lingua quod non prius
fuerit in oratione * (p. 131).
On reconnaît ici la vieille aporie de la poule et de l'œuf. Il nous
semblerait plus raisonnable de chercher à conceptualiser l'interdépendance,
plutôt que de se demander lequel est le premier, de la poule ou de l'œuf,
du discours ou de la langue.
1.2. Benveniste reprendra et affinera ses hypothèses dans un arti
cle de 1966 qu'il consacre à la description des systèmes de signes 2.
Il rappelle que la langue est seule à pouvoir interpréter, c'est-à-dire tra
duire en ses propres signes, tous les autres systèmes sémiologiques, y
compris la langue elle-même. Et pour expliquer cette propriété assur
ément remarquable, il propose de doter la langue de deux « modes distincts
de signifiance » : le mode sémiotique « qui est propre au signe linguistique
et qui le constitue comme unité », et le mode sémantique « qui est
engendré par le discours ». L'exploration du domaine nécess
ite « un appareil nouveau de concepts et de définitions », et engage
la recherche dans une double direction : c

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