Langue maternelle et langage adressé à l enfant - article ; n°1 ; vol.54, pg 93-107
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Langue maternelle et langage adressé à l'enfant - article ; n°1 ; vol.54, pg 93-107

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Description

Langue française - Année 1982 - Volume 54 - Numéro 1 - Pages 93-107
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 40
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Abdelhamid Khomsi
Langue maternelle et langage adressé à l'enfant
In: Langue française. N°54, 1982. pp. 93-107.
Citer ce document / Cite this document :
Khomsi Abdelhamid. Langue maternelle et langage adressé à l'enfant. In: Langue française. N°54, 1982. pp. 93-107.
doi : 10.3406/lfr.1982.5283
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1982_num_54_1_5283Khomsi A.
Université François-Rabelais, Tours
LANGUE MATERNELLE
ET LANGAGE ADRESSÉ À L'ENFANT
L'ambiguïté de l'expression « langue maternelle », explorée dans d'autres
études de ce numéro, est particulièrement nette quand on tente de préciser
les rapports entre le développement linguistique du jeune enfant et les modal
ités selon lesquelles se font les acquisitions, en fonction des différentes
instances de socialisation. Dans deux traductions récentes, Mère-enfant
(D. Stern, 1978) et Le Comportement maternel (R. Schaffer, 1981), les
titres, qui font appel à l'inconscient du lecteur, sont corrigés dès la pre
mière page puisque pour R. Schaffer, une des principales questions à poser
est : « qui est mère? »; et, pour D. Stern, la mère, nécessairement désignée
par un pronom féminin, est « toute personne qui apporte des soins I...J aux
petits enfants ». La « mère » peut donc ne pas être la mère et l'on aura à
revenir sur cette question en discutant l'argument innéïste de D. Slobin
(1981) selon lequel les petits Samoans apprennent à parler « en dépit du
fait que les conversations parents-enfants sont très limitées »; il faut en effet
tenir compte de cet autre fait, présenté par Slobin lui-même : ce sont les
enfants plus âgés qui, dans les familles Samoanes, s'occupent des petits.
Le problème de la langue maternelle ne peut en fait échapper à la quer
elle inné-acquis qui a été à l'origine des principales avancées dans l'étude
du langage adressé aux enfants (désormais L.A.E.)1. C'est pour rejeter
ou démontrer la nécessité d'un « Language Acquisition Device » (L.A.D.)
postulé par N. Chomsky, que de nombreux auteurs se sont attachés à recher
cher ce qui pouvait être inné chez l'enfant, d'abord; ensuite, ce que le
contexte, et en particulier le langage qui lui est adressé, pouvait apporter
à la compréhension des stratégies d'acquisition2. Si l'on examine, par
1. Nous préférons ne pas utiliser l'expression de « langage bébé » qui traduirait peut-être mieux celle
de « baby-talk » très courante dans les publications anglo-saxonnes. Elle nous semble trop chargée d'ironie
pour des conduites linguistiques qui sont, somme toute, honorables et nécessaires, du moins quand elles ont cadre les interactions adultes-enfants. Il faut en effet souligner que le L.A.E. n'est pas spécifiquement
réservé à des enfants et que certaines de ses variantes peuvent être utilisées avec des étrangers, soupçonnés
d'incompréhension « congénitale », voire infantilisés par ce moyen. Le L.A.E. peut aussi être utilisé comme
moyen de manifester l'affection ou l'intimité tant avec un humain proche qu'avec un animal familier voire
une plante ou un objet. Nous ne nous intéressons pas ici à ces aspects du L.A.E. et nous nous contenterons
d'en explorer les formes et les fonctions quand il est utilisé avec des enfants (voir R. Brown, 1977).
2. On sait que l'iméïsme est, depuis 1959, l'un des fondements de la théorie chomskyenne. Mais après
la définition d'un L.A.D. qui a servi de cadre théorique à de nombreux psycholinguistes (voir P. Menyuk 1969,
93 le problème de la perception du trait phonétique de voisement par exemple,
l'enfant, on voit bien comment la recherche de capacités innées sous-tend
une partie au moins des progrès faits dans ce domaine. La découverte d'une
capacité de discrimination entre occlusives voisées et non voisées chez le
nourrisson, faite par Eimas et coll. (1971) et les travaux qui ont suivi,
ont laissé croire qu'on avait trouvé là l'une des preuves de l'existence de
structures innées; cela permet à J. Mehler et J. Bertoncini (1979) d'affirmer
l'innéité de la perception phonétique. Même si les auteurs nuancent ensuite
leur pensée en arguant que l'essentiel des recherches est encore à faire,
c'est cette affirmation qui fonde le raisonnement. On sait depuis que la forme
phonétique du L.A.E. modèle leurs aptitudes tant à percevoir qu'à produire
des sons dans le cadre du babil, en fonction de la structure phonétique
et phonologique de la langue dans laquelle ils baignent (R. N. Aslin et
D. B. Pisoni, 1980, et, pour le babil d'un enfant français. B. de Boysson-
Bardies et al., 1981). Ce sont bien sûr ce modelage et le rôle du milieu sur le
profil des acquisitions du nourrisson et de l'enfant qui nous intéressent ici.
Le rôle du milieu (familial, socio-économique, scolaire...) est en effet
l'autre aspect de la querelle inné-acquis, débouchant nécessairement sur la
notion, très controversée, de handicap socio-culturel, opposée à celle, non
moins de caractère « naturel » des inégalités sociales. Nous
n'entrerons pas dans les discussions classiques sur le caractère héréditaire
de variables telles que le Q. I. M. Schiff et coll. (1981), dans une étude sur
le devenir des « enfants de travailleurs manuels adoptés par des cadres »
montre que, au moins sur le plan des résultats scolaires, le milieu socio-
éducatif des enfants joue un rôle-clé et détermine largement leur avenir.
Nous nous contenterons plus modestement de tenter de définir le L.A.E.
à partir de ses variables formelles et fonctionnelles. Nous serons ainsi amené
à souligner l'absence d'études suffisamment argumentées sur ses variations,
tant socio-linguistiques qu'ethno-linguistiques, interdisant de fait une
véritable étude de son rôle comme système de modélisation du langage de
l'enfant.
Le langage adressé aux enfants : la forme
Considéré pendant longtemps comme un simple registre d'expression
de l'adulte (ce qu'il est aussi), le L.A.E. a été analysé d'abord dans ses aspects
formels3. Ses principales caractéristiques sont maintenant bien décrites
dans des publications accessibles en langue française 4 et l'on pourra en
trouver une présentation systématique et complète dans C. E. Snow et
С A. Ferguson (1977).
Ce langage est d'abord simple, puisqu'il comporte surtout des énoncés
courts, peu de subordonnées et donc peu de conjonctions, ainsi qu'un voca-
I). MeNeill 1970. J. A. Fodor et al. 1974). il est actuellement difficile de cerner ce qui pourrait être réellement
inné. Après avoir pensé que les universaux linguistiques pouvaient l'être, c'est la thèse de Me Neili. on a
considéré que ce sont les stratégies perceptives qui étaient innées (thèse particulièrement défendue par
J.M. Carroll et J.G. Bever 1976). Dans le cadre qui nous concerne ici, le langage adressé à l'enfant pourrait
être envisagé, au minimum, comme l'ensemble du matériel linguistique sur lequel s'exercent les stratégies
d'acquisition implicites dans le L.A.D.
3. J.A. Rondal (1978); et, dans une perspective plus psychopathologique, P. Airuard (1979) et Y. Halimi
el A. Khomsi (1981).
1. Dans ce chapitre, comme dans le suivant concernant les fonctions du L.A.E., nous ne préciserons pas
systématiquement l'âge des enfants auxquels il s'adresse. Les problèmes concernant les variations du L.A.E.
seront présentés dans un chapitre ultérieur.
94 bul aire peu diversifié et non abstrait. Il est aussi bien formé : il est produit
avec une articulation relativement soignée, et un fondamental élevé pour
attirer et maintenir l'attention. Les pauses d'hésitation sont rares à l'inté
rieur des énoncés et les reprises après pauses d'hésitation, en particulier
de type correctif, sont pratiquement inexistantes. Il est enfin redondant avec
la répétition des énoncés ou la reprise de certaines de leurs parties dans
d'autres énoncés bien formés. Il comporte de plus de nombreuses structures
présentatives du type Voilà + SN, C'est + SN, Regarde + SN, etc., ce qui

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