Le lexique mental et l identification des mots écrits : code d accès et rôle du contexte - article ; n°1 ; vol.95, pg 69-79
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Le lexique mental et l'identification des mots écrits : code d'accès et rôle du contexte - article ; n°1 ; vol.95, pg 69-79

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Description

Langue française - Année 1992 - Volume 95 - Numéro 1 - Pages 69-79
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 14
Langue Français

Extrait

Juan Segui
Le lexique mental et l'identification des mots écrits : code
d'accès et rôle du contexte
In: Langue française. N°95, 1992. pp. 69-79.
Citer ce document / Cite this document :
Segui Juan. Le lexique mental et l'identification des mots écrits : code d'accès et rôle du contexte. In: Langue française. N°95,
1992. pp. 69-79.
doi : 10.3406/lfr.1992.5772
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1992_num_95_1_5772Juan SEGUI
Laboratoire de Psychologie Expérimentale
Université René Descartes et C.N.R.S.
LE LEXIQUE MENTAL ET L'IDENTIFICATION
DES MOTS ÉCRITS :
CODE D'ACCÈS ET RÔLE DU CONTEXTE
II est bien connu que la plupart des langues parlées n'ont jamais été
écrites et que si, de nos jours, beaucoup des sont écrites, leurs
systèmes d'écriture ne sont nullement issus des sociétés qui les utilisent.
Contrairement à la langue parlée dont on peut chercher l'origine dans
l'existence de prédispositions biologiques spécifiques, la langue écrite n'est en
rien « naturelle » et constitue une conquête culturelle fondamentale. Il s'agit
bien d'un fait de civilisation propre à un nombre très réduit de sociétés
humaines.
Trois sortes de principes de représentation ont été généralement envi
sagés pour l'écriture :
1 — le principe logographique dans lequel un symbole graphique repré
sente non pas la forme sonore des mots mais leur signification ;
2 — le principe syllabique mettant en jeu une correspondance entre les
unités graphémiques et les unités syllabiques de parole ;
3 — enfin, le principe alphabétique qui met en les unités
graphémiques et les unités segmentales minimales de parole ou « phonèmes ».
Par rapport aux systèmes syllabiques, le système alphabétique suppose un
degré d'abstraction bien plus important car, contrairement à la syllabe, le
phonème n'est pas une unité de parole directement accessible à la conscience
du locuteur.
Dans un système alphabétique idéal, il pourrait exister une correspon
dance point par point entre les unités graphémiques ou lettres et les unités
phonémiques ou phonèmes. Cependant, ceci n'est généralement pas le cas et
le degré de correspondance lettre-phonème varie très largement d'une langue
à une autre. Par exemple, en finnois et en serbo-croate, la relation entre
graphèmes et phonèmes est presque parfaite (« on écrit comme on parle »), et
en espagnol il suffit d'un nombre restreint de règles pour exprimer la relation
entre la représentation orthographique d'un mot et sa prononciation.
Cependant, pour beaucoup d'autres langues — dont le français et l'anglais —
la relation entre l'orthographe et la prononciation est plus complexe.
69 En français, un même phonème peut être représenté par différentes
lettres ou séquences de lettres, comme c'est le cas du phonème /o/ dans
« rOse », « AUtre », « nouvEAU », et du phonème /k/ dans « Kilo », « QUi »,
« Car »...
Il existe également dans cette langue le problème des irrégularités de
prononciation résultant du fait qu'une même lettre ou séquence de lettres est
prononcée différemment selon le mot dont elle fait partie. Les « mots
irréguliers » sont ceux dont la prononciation diffère de celle qui résulterait de
l'application des règles majoritaires de prononciation du français. Par
exemple, la séquence de lettres « CH » se prononce généralement \j j comme
dans « choquer » ou « chocolat » mais elle se prononce /k/ dans le mot
« choléra ». Ce mot constitue donc un exemple de mot irrégulier.
Malgré l'absence de correspondance stricte entre la forme orthographi
que des mots et leur prononciation, il existe néanmoins en français des
régularités importantes qui font que, généralement, quand deux mots sont
proches du point de vue de leur prononciation, ils le sont également du point
de vue de leur orthographe et inversement. C'est naturellement grâce à
l'existence de ces correspondances que nous pouvons prononcer (Ure) des
séquences de lettres qui ne constituent pas des mots de la langue comme
« mascobe » ou « tilgare ».
Cette capacité à prononcer des non-mots met en évidence de notre part
une connaissance très abstraite des régularités grapho-phonologiques. Ces
connaissances des propriétés orthographiques et phonologiques de notre
langue vont bien au-delà de ce que nous pouvons exprimer de manière
explicite.
Comme le suggèrent très clairement les travaux des linguistes, l'essentiel
de nos connaissances à propos de la structure formelle de la langue n'est guère
accessible à l'inspection consciente.
Ces sont reflétées, par exemple, dans nos capacités de
jugement sur des séquences ne correspondant pas à des mots. Tout locuteur
français peut juger que la séquence « dadile » pourrait constituer un mot de
sa langue mais non pas la « sdadile » car l'organisation du français
exclut une séquence « sd » en début de syllabe et, donc, en début de mot.
Ainsi, nous n'avons pas besoin de consulter un dictionnaire pour savoir avec
certitude que « sdadile » n'est pas un mot français mais, à la limite, nous
pourrions le faire pour nous assurer que « dadile » n'en est pas un.
Ces simples exemples montrent que nous avons une connaissance
intuitive des régularités orthographiques et phonologiques de la langue qui
nous permet d'écarter certaines séquences orthographiques ou phonétiques
comme des mots potentiels du français.
70 comme nous l'avons vu, ce genre de connaissance abstraite ne Toutefois,
nous permet pas de juger si une séquence orthographique et phonologique-
ment légale comme « dadile » fait ou non partie du lexique.
Autrement dit, pour décider que « maison » est un mot et que « mai-
gon » n'en est pas un, il nous faut « consulter » notre dictionnaire mental, ou
lexique interne, c'est-à-dire notre savoir à propos des mots de notre langue,
car seule une telle connaissance peut nous permettre de décider du statut
lexical de cette séquence de lettres. La nécessité d'un tel dictionnaire interne
est évidente étant donné le lien arbitraire qui existe entre la forme du mot et
sa signification.
Le lexique mental
Nombre de recherches et de travaux théoriques ont été conduits en
psycholinguistique afin de déterminer les caractéristiques de ce lexique
interne, c'est-à-dire son mode d'organisation, la nature des informations qui
s'y trouvent, ou encore les procédures qui permettent d'accéder à ces
informations à partir d'un stimulus sensoriel (en perception) ou cognitif (en
production).
L'existence de quelques capacités élémentaires manifestées par les
locuteurs d'une langue permet d'affirmer que l'organisation du lexique
mental est multidimensionnelle. En effet, nous pouvons, en tant que
locuteurs du français, accéder à notre lexique et le consulter à partir de
différentes sortes d'informations linguistiques. Ceci nous permet, par exemp
le, de répondre aux demandes suivantes : donner des mots qui riment avec
« château » (informations phonologiques) ; des qui commencent
par la lettre « В » orthographiques) ; donner des mots de même
catégorie que « venir » (informations syntaxiques) ; donner des mots qui
appartiennent à la même catégorie conceptuelle que « cheval », « chien »...
(informations sémantiques) ; etc. D'autres sortes de connaissances peuvent
s'exprimer par la réponse à des questions telles que la suivante : existe-t-il
entre les mots « tendre » et « tendresse » une relation analogue à celle qui
existe entre les mots « car » et « caresse » ? Le fait que nous sommes capables
de distinguer ces deux sortes de relations met en évidence notre savoir à
propos des relations morphologiques entre les mots.
Notons, à partir de ce dernier exemple, que la prise en considération de
la morphologie conduit à ouvrir la notion de lexique non seulement aux mots
« connus » et « attestés » au sens étroit mais en

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