Le lieu d échouage de l arche de Noé dans la tradition arménienne  - article ; n°1 ; vol.72, pg 143-158
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Le lieu d'échouage de l'arche de Noé dans la tradition arménienne - article ; n°1 ; vol.72, pg 143-158

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Description

Syria - Année 1995 - Volume 72 - Numéro 1 - Pages 143-158
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 86
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Michel Thierry
Le lieu d'échouage de l'arche de Noé dans la tradition
arménienne
In: Syria. Tome 72 fascicule 1-2, 1995. pp. 143-158.
Citer ce document / Cite this document :
Thierry Michel. Le lieu d'échouage de l'arche de Noé dans la tradition arménienne . In: Syria. Tome 72 fascicule 1-2, 1995. pp.
143-158.
doi : 10.3406/syria.1995.7429
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/syria_0039-7946_1995_num_72_1_7429LE LIEU D'ÉCHOUAGE DE L'ARCHE DE NOÉ
DANS LA TRADITION ARMÉNIENNE
PAR
Michel Thierry
En ce qui concerne le lieu et les circonstances de l'échouage de l'arche de Noé, il
conviendrait plutôt de parler de légendes multiples, parfois contradictoires qu'on trouve
dans des récits hagiographiques, tels que la Légende de S. Jacques de Nisibe1 et Y Histoire
des saintes hripsimiennes. Nous avons publié cette dernière dans un article récent2. Nous
nous proposons d'envisager ici la question dans son ensemble.
Pour l'Église arménienne comme pour toutes les Églises chrétiennes, c'est la Bible
qui fixe cç/lieu mais seulement dans le récit sacerdotal qui est le plus récent (Gen. 6, 8-
14) : on y apprend qu'il se trouve sur les monts d'Ararat. L'accord est unanime pour
reconnaître sous ce nom l'Ourartou, ce qui permet de dater cette insertion du milieu du
IXe siècle au VIIe siècle av. J.-C. 3. En revanche, l'indication est fort vague du point de
vue topographique car l'Ourartou était un immense pays escarpé s'étendant de la chaîne
du Taurus au Petit Caucase.
Une source juive du IVe-IIIe siècles av. J.-C. {Livre des Jubilees 5, p. 28 ; 7, p. 1)
apporte une précision avec le nom de Lubar qui est celui de la montagne et non plus du
massif; Usera repris ultérieurement de façon plus claire par saint Épiphane qui disait
que l'Arche " s'était arrêtée sur les montagnes d'Ararat entre Arménie et Gordyène, sur le
mont Loubar où des reliques se voyaient encore de son temps ".
1. PEETERS 1920, p. 285-373. 1904, p. 278 ; ADONTZ 1946, p. 62-3), mais il ne sera
2. ThierrY-OuTOER 1990, p. 715-20. vraiment répandu que deux siècles plus tard. Dans les
3. Ce nom est signalé pour la première fois, ca 1070 rouleaux de Qumran on trouve le nom d'Ararat sous la
av. J.-C, sous sa forme assyrienne Uruatri (Voir HOBS- forme hwrrf (voir GARSOIAN 1989, p. 252, n. 3)
CHMANN, Die altar menisc hen Ortsnamen, Strasburg SYRIA [LXXII 144
Enfin on trouve chez quelques auteurs le nom de Baris (Pdpig) : au témoignage de
Nicolas de Damas, rapporté par Josèphe et Eusèbe de Césarée, l'échouement aurait eu
lieu sur la " grande montagne de Baris " au dessus de Minuada. L'identification de ces
deux toponymes est incertaine. Selon Markwart il s'agirait du mont Siiphan da|i
(4 434 m) (fig. 1), le Nex Masis des Arméniens, sur la rive nord du lac de Van et
Minuada serait Malazgert4. Il n'est pas exclu que le mot de Baris soit une aphérèse de
Loubar.
Le mythe du déluge et de l'homme sauvé ne se limite pas à la tradition judéo-chré
tienne. On sait qu'il se rencontre dans toute la littérature épique mésopotamienne5.
Attesté à Sumer dès le début du IIe millénaire av. J.-C, on en connaît des versions assy
riennes et babyloniennes conservées sur tablettes dans les archives de Ninive et des prin
cipales villes de Mésopotamie au VIIe siècle av. J.-C. Mais elles ne situent pas la
montagne sauf l'épopée de Gilgames (XI, 138-44) qui donne son nom : mont Nisir6.
N. Adontz y voit le site des monts Nipur au sommet desquels Sennacherib se fit trans
" boire l'eau des sources froides "7. Ce dernier point plaiderait en faveur porter pour y
de leur identification avec les monts Djoudi dont nous parlerons plus loin, car on a
signalé près du sommet quatre grandes stèles avec bas-reliefs et inscriptions
cunéiformes8.
Ca 275 av. J.-C, le babylonien Bérose aurait précisé le site sous la forme grecque
de montagne T(3v Kop8uaian> où il faut voir le canton arménien de Korduk* 9. Mais
cette version grecque ne nous est parvenue que dans une citation de Georges le Syncelle
laquelle n'est pas antérieure au IXe siècle de notre ère après être passée par plusieurs
intermédiaires : Polyhistor et Eusèbe de Césarée 10.
4. MARKWART 1930, p. 15. Ces toponymes ont été dans les légendes mésopotamiennes protohistoriques les
interprétés aussi comme (El)burz [chaîne bordière de la noms de Utanapiltim, chez les Assyriens, de Atrahasis
mer Caspienne dont le point culminant, le Demavend, chez les Babyloniens, de Zuisudra dans la version sumér
s'élève à 5671 m] pour Baris et Mannu pour Minuada ienne, transformé en Xisuthros chez Bérose qui précise
(Voir PEETERS 1920, p. 323-4). qu'il était fils du roi Ardâtes [Otiartês, dans la version
5. Il peut se résumer ainsi : la (ou les) divinité, lassée arménienne] c'est-à-dire Atrahasis (PARROT 1952, p. 18-
de l'inconduite de l'humanité, voulut la faire disparaître 25). Ultérieurement le Noé biblique "inventa" la vigne
sous les flots d'une monstrueuse inondation déclenchée et la vinification.
par des pluies torrentielles. Toutefois, une famille méri 6. D'après A. Parrot, il faudrait le chercher entre le
tante préalablement avertie, échappa au châtiment en Tigre et le Zab inférieur (Ibid., p. 46). D'après EJ sv
construisant un bateau sur lequel elle s'embarqua avec Ararat, Nisir se trouverait à Pir Omar Gudrun.
des provisions et des couples d'animaux. Après une navi 7. Adontz 1946, p. 122.
gation plus ou moins longue, les eaux ayant baissé, le 8. Dickson 1910, p. 367-8.
navire s'échoua sur une montagne et le chef de famille 9. S. EREMYAN, Hay as tant est " Afxarhac'oyc* *-i
offrit un sacrifice à la divinité. Le personnage ainsi privi [L'Arménie d'après la "Géographie"], Erivan, 1963,
légié par la divinité, et qui s'appelle Noé dans les tradi p. 60.
tions juives, chrétiennes et islamiques (Nûh), porte 10. Parrot 1952, p. 23-5; Peeters 1920, p. 318-21. LE LIEU D'ÉCHOUAGE DE L'ARCHE DE NOÉ DANS LA TRADITION ARMÉNIENNE 145 1995]
Fig. 1. — Mont SUphan (Siiphan da|).
Korduk* que l'historien T*ovma Arcruni (Xe siècle) place C'est également dans les
l'accostage de l'Arche : "l'arche poussée par les vagues vers l'orient s'arrêta au milieu du
monde sur les montagnes des Korduk* " n.
Ce canton des Kordukc (province de Korcayk4) est bien connu : il occupe le bassin
du Hezil Su qui est séparé du cours moyen du Tigre oriental par le massif du Herakol
dagi (2943 m)12.
On retrouve ce nom à peine déformé : dans l'assyrien Kurti, le babylonien Qardu ;
dans les noms grecs de KapÔoûxoi (Xénophon) 13 et de TopSuT]^ (Strabon) ; latins, de
Corduena (Ammien) et Cordueni (Pline) ; c'est le Qardû des Syriaques, Qardô des
Nestoriens, Qardâ des Arabes. Il occupe les ilçe (caza) actuels de Pervari et de §irnak de
Y II (vilayet) de Siirt.
13. L'identification des KapôoOxot avec les Kurdes a 11. T'OVMA ARCRUNI 1, 1 (trad, française M. BROSSET
donné lieu à de vives controverses (Voir NlKITINE 1956, dans CHA 1, p. 14).
12. S ARAÇOÛLU, Dogu Anado lu [L'Anatolie orient p. 2-5).
ale], 1, Istanbul 1956, p. 90-4, 100, 449. 146 SYRIA [LXXII
II s'agit d'un district escarpé, de pénétration difficile. Les montagnes les plus
élevées (Herakol da|) sont dénudées et les troupeaux des Kurdes semi-nomades y vien
nent pâturer en été. Plus bas les pentes sont couvertes de maigres bouquets de chênes-
verts. Les fonds de vallée donnent au contraire une impression d'oasis verdoyants avec
leurs bosquets de noyers, de platanes et d'arbres fruitiers.
Cette localisation semble avoir été adoptée généralement dans le monde chrétien
oriental l4 à la fin de l'Antiquité et durant tout le haut Moyen Âge. En tous cas rien ne
permet de penser qu'à cette époque une tradition locale ait fait de l'Ararat actuel (le
Masis arménien, l'Agn dagi des Turcs) le site de l'accostage de l'Arche. En effet, comme
l'a bien fait remarquer P. Peeters, Agathange n'eut pas manqué alors d'y faire allusion
dans le récit du repentir de Tiridate, qui, transformé en sanglier, est employé par saint
Grégoire à la construction des martyrions des saintes hripsimiennes : " Puis le roi vint
solliciter de sain

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