Le paradoxe d une presse politique sans politique. Aperçu sur l histoire de la presse régionale - article ; n°3 ; vol.1, pg 49-63
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Le paradoxe d'une presse politique sans politique. Aperçu sur l'histoire de la presse régionale - article ; n°3 ; vol.1, pg 49-63

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Description

Réseaux - Année 1983 - Volume 1 - Numéro 3 - Pages 49-63
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Louis Quéré
Nouvelles Editions Rationalistes
Le paradoxe d'une presse politique sans politique. Aperçu sur
l'histoire de la presse régionale
In: Réseaux, 1983, volume 1 n°3. pp. 49-63.
Citer ce document / Cite this document :
Quéré Louis, Nouvelles Editions Rationalistes. Le paradoxe d'une presse politique sans politique. Aperçu sur l'histoire de la
presse régionale. In: Réseaux, 1983, volume 1 n°3. pp. 49-63.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1983_num_1_3_1095- - 49
Le paradoxe d'une presse politique
sans politique
Aperçus sur l'histoire
de la presse régionale
Louis QUËRE
Centre ď Etudes des Mouvements sociaux
© Nouvelles Editions Rationalistes
in "Raison Présente" n°61. Paris 1er trimestre 1982. - - 51
Voici quinze ans B. Prunières qualifiait la Presse Quotidienne Ré
gionale de с presse sans politique » (1). Cela à une époque où nombre
de quotidiens régionaux étaient encore explicitement liés à des familles
idéologiques, des courants de pensée ou des partis politiques, conformé
ment d'ailleurs à leurs origines, et où ils donnaient l'image d'une presse
vouée à l'inculcation du respect de Tordre et des institutions établis.
Cest ce paradoxe d'une presse politique sans politique que je voudrais
ici éclairer à la lumière d'une brève étude de cas, celui de Г« Ouest-
Eclair » devenu « Ouest-France э à la Libération. Le problème théori
que soulevé par ce constat peut être formulé de la manière suivante:
de quelle nature est l'efficience politique de la presse en général, et de
la presse régionale en particulier? Par quelles médiations passe4-elle?
Que recouvre l'idée d'une dépolitisation contemporaine de la presse?
A vrai dire ces questions n'ont jamais été, à ce jour, véritablement
examinées, c'est-à-dire thématisées en dehors d'une production de sa
voir exclusivement orienté vers l'action (2). Je veux dire par là que la
(1) В. РжимежЕЗ, La Presse sans politique. Etude systématique de ta presse lue dans
le Calvados (1963), Paris, L.G.D.G., 1969. 02) Je ne mésestime pas «•disant le discours critique qui s'est efforcé de percer
à jour les enjeux sociaux et politiques réels sous-jacents au modèle libéral, et en particulier к la liberté bourgeoise d'expression et de communication. Mais force est
de constater qu'il a raisonné avec les mêmes présupposés et les mêmes schemes d'appréhension du problème que le discours bourgeois. Par ailleurs CL Lefort a magistralement mis en évidence les limites et les bévues de ce discours critique lorsqu'il s'en
tient à une vision purement instrumentale des libertés formelles bourgeoises. En particulier s'il est incontestable que la liberté de la presse a servi de € bannière derrière
laquelle s'est abritée la bourgeoisie pour se constituer en classe э, il n'en demeure
pas moins que sa portée transcende cette appropriation empirique. Voir Cl. Lefokt,
с Droits de l'homme et politique», Libre, 7, 1980, pp. 3-42, réédité dans L'invention démocratique, Paris, Fayard, J981. - - 52
problématique dans laquelle elles ont été constituées comme objets de
réflexion et d'analyse est toujours demeurée celle-là même du discours
politico-institutionnel dans lequel ont été définis, dans l'Etat Constitu
tionnel Parlementaire, la mission sociale et politique de la presse et
plus globalement la forme et le contenu de ses rapports avec l'Etat et
la société. En d'autres termes, ce sont le modèle libéral classique et les
schemes de représentation qu'il véhicule qui ont toujours fourni le
cadre de référence pour l'analyse de l'efficience politique et sociale
de la presse. Celle-ci n'a été examinée que sous l'aspect des interroga
tions pertinentes dans un tel cadre et avec les jeux de langage institués
pour y répondre. Du coup ont été maintenues dans l'ombre les condide possibilité, d'ordre socio-culturel, des pratiques et du savoir
définis par ce modèle, ainsi que la relativité culturelle des jeux de
langage et des jeux de rôles qui en procèdent
Ce sont ces conditions et la spécificité de ces jeux de langage et
de ces jeux de rôles socialement institués qu'il faut sortir de l'ombre
si l'on veut comprendre le mode d'efficience politique de la presse ré
gionale. De ce point de vue, je voudrais rappeler comment la est
constitutivement liée à l'ordre politique et à la forme de vie qu'incarne
l'Etat-Nation et comment elle a pénétré dans un univers socio-culturel
dont la logique d'organisation et de fonctionnement est tout autre. La
presse régionale revêt un très grand intérêt de ce point de vue, du fait
de son intervention historique sur le front où se sont confrontées depuis
le début de l'époque moderne deux formes de vie socio-culturelles : celle
qui correspond en propre aux t unités locales stables > où la communic
ation obéit à une logique, à des règles grammaticales et à des schemes
d'interaction spécifiques (3) ; celle qui s'est organisée autour de cet
ordre politique spécifique qu'est l'Etat-Nation. D'une certaine manière
la presse régionale a servi de cheval de Troie à la seconde pour dominer
et phagocyter la première. Mais l'assujettissement qu'elle a organisé
n'a jamais été univoque. Si les populations locales ont été effectivement
soumises à un ordre politique et à des rapports de domination qui ont
profondément altéré les cadres institutionnels de la société locale, elles
ont aussi en partie annexé le quotidien régional à leur univers culturel
et s'en sont servi pour assurer le maintien et la reproduction des méd
iations symboliques de leur identité.
•*
(3) Nous sommes portés, lorsque nous évoquons la communication locale, à l'a
ttribuer exclusivement au monde rural sinon aux sociétés paysannes. Or elle caractérise toute collectivité locale stable, dont les anciens quartiers urbains, et peut-être plus
globalement les lieux de travail. .
- - 53
On a coutume de penser le rapport entre presse et politique sous
les deux aspects complémentaires de l'appartenance des journaux à des
courants idéologiques et politiques reconnus et de leur influence sur
l'ensemble des représentations, des dispositions et des comportements
des individus, en particulier sur la formation de leur opinion. C'est d'ail
leurs dans cette perspective que s'inscrivait Prunières lorsqu'au terme
de son enquête, il aboutissait à la conclusion que les quotidiens locaux
et régionaux étaient inutiles aux citoyens d'un point de vue politique:
ils ne leur fournissaient pas, selon lui, le minimum d'information et de
réflexion nécessaire à l'exercice de leurs responsabilités civiques. Les
critères qui ont motivé son diagnostic ne laissent pas de doute. Ils
sont déduits du modèle libéral de la participation politique : le citoyen
doit prendre une part active à la discussion politique, afin que, fort
d'un certain niveau de connaissance et doué d'une réelle capacité de
jugement, il contribue, par une démarche rationnelle guidée par le seul
intérêt général, à l'élaboration de la volonté générale de la Nation, à
laquelle devra se soumettre l'action politique et administrative. Dans
ce cadre, la mission sociale de la presse est définie en fonction d'un jeu
de langage propre à la modernité : celui de la légitimation. Elle est
censée créer les conditions de possibilité d'un jugement éclairé et d'une
décision rationnelle, par l'information aussi bien que par la confrontat
ion des idées et des opinions.
Contre cette fiction, on peut (et on doit) évidemment restaurer le
réel des rapports de domination, des stratégies de pouvoir, des intérêts
empiriques de classes et des techniques de manipulation qu'elle organise
et qu'elle masque. Mais c'est à un autre mode de questionnement, por
tant sur les conditions de possibilité et de validité du jeu de langage
qu'elle supporte, que je voudrais la soumettre. En effet on peut tou
jours prétendre, car ces arguments correspondent à une

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