Les chrétiens dans la société païenne aux premiers âges de l Église - article ; n°1 ; vol.8, pg 46-53
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Mélanges d'archéologie et d'histoire - Année 1888 - Volume 8 - Numéro 1 - Pages 46-53
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1888
Nombre de lectures 14
Langue Français

Extrait

Edmond Le Blant
Les chrétiens dans la société païenne aux premiers âges de
l'Église
In: Mélanges d'archéologie et d'histoire T. 8, 1888. pp. 46-53.
Citer ce document / Cite this document :
Le Blant Edmond. Les chrétiens dans la société païenne aux premiers âges de l'Église. In: Mélanges d'archéologie et d'histoire
T. 8, 1888. pp. 46-53.
doi : 10.3406/mefr.1888.6535
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-4874_1888_num_8_1_6535LES CHRETIENS DANS LA SOCIETE PAÏENNE
AUX PREMIERS ÂGES DE L'ÉGLISE
Ceux qui ont étudié l'histoire des premiers siècles de l'Église
savent les antiques préceptes formnlés par les écrits Pseudo-
Clémentins, par le rigorisme de Tertullien, pour régler la con
duite des fidèles; s'isoler des gentils, ne point s'associer aux
démonstrations de leurs fêtes, éviter leurs banquets, leurs réu
nions, leurs marchés mêmes, autant que le permettent les besoins
de chaque jour, prendre ses repas, converser, vivre entre soi, ne
point porter les armes, fuir toute charge publique ; à ces con
ditions seules peut être atteinte la perfection rêvée (1).
C'était là, sur la plupart des points, un état théorique et si
quelques-uns ont pu, sans défaillir jamais, obéir à cette règle
étroite, ils demeurèrent en petit nombre, car une société hu
maine ne pourrait, si parfaite qu'on l'imagine, être formée d'êtres
d'exception.· Tertullien le dit lui-même, alors qu'il répond aux
païens reprochant aux fidèles leur inutilité dans l'état: * Nous
ne nous séparons pas du monde: marins, soldats, laboureurs, né
gociants, acheteurs, gens d'art ou de métier nous vivons comme
vous et de notre commerce avec vous ; l'excès, l'abus, voilà seu
lement ce que nous fuyons (2) „.
Un contact de chaque heure existait donc avec les gentils,
et ces relations incessantes contraignaient souvent les fidèles à
voir, à entendre, à subir ce que condamnait leur croyance. Voici
l'un de ces hommes en présence des formes sacramentelles d'une
convention ; il lui faut emprunter de l'argent ; le prêteur est un
idolâtre et le contrat comporte un serment promissoire. Le païen
(1) Const Apost. I, 4 ; II, 62 ; Epist. ad Jacobum, § 9 ; Tertull., De
idololatria) De spectaculis.
(2) Apolog., XLH.
i LES CHRÉTIENS DANS LA SOCIÉTÉ PAÏENNE 47
jure ; le chrétien, qui ne veut pas trahir le secret de sa religion,
garde le silence et se borne à un assentiment écrit. u Le Sei
gneur, se dit-il, a défendu tout serment, et j'obéis; écrire n'est
point parler ». Tertullien s'en indigne et menace: " Tu as, dit-
il à l'emprunteur, rendu, en ne protestant point, un hommage
aux Dieux des nations. Quand viendra le jugement suprême, les
anges accusateurs produiront devant le tribunal céleste ton con
trat marqué de leurs sceaux » (1). Ce serment dont s'irrite l'i
llustre écrivain, a été prêté en effet au nom des Dieux et, à dé
faut d'autres documents, on me permettra de chercher dans une
scène de Plaute ce qu'en pouvait être la forme et la teneur. Il
s'agit, chez l'auteur comique, d'une convention intervenue entre
le pêcheur Gripus et un marchand d'esclaves : " Vénus de Chy-
„ pre, dit ce dernier, en posant la main sur l'autel, je te prends
„ à témoin de ma promesse : si je retrouve la cassette perdue
» par moi dans mon naufrage, et si je rentre en possession de
» l'or et de l'argent qu'elle contenait, je donnerai sur l'heure
„ à Gripus un grand talent d'argent ». " Ajoute », dit l'autre
qui vient de dicter les termes du serment, " ajoute que, si tu me
» trompes, tu appelle la colère de Vénus sur ta fortune et sur
» ta tête „ (2).
C'est la crainte, nous dit Tertullien, qui, lors de la convent
ion, et devant une pareille formule, a fermé la bouche du fidèle ;
une même faiblesse dont, bien longtemps après, Saint Augustin
s'afflige de rencontrer les marques (3), le fera venir aux solemnités
païennes: sacrifices, festins sacrés, jeux du cirque où le popu-
(1) De idololatria, XXI, XXIV.
(2) Rudens, Y, 2. Cf. Cicero, Epist. VII, 12, Trebatio. Maintenu par
la loi chrétienne, ce serment promissoire se prête alors « invocato no-
mine Dei omnipotentis ». (C. 8, De pactis et transactionibus, Cod. Theod.,
II, ix.)
(3) Sermo LXII, De verbis Matthaei, 8, c. 5: «Majoris alicujus
metu recumbentes in idolio ».
J 48 LES CHRÉTIENS DANS LA SOCIÉTÉ PAÏENNE
laire crie si souvent ■ mort aux chrétiens ! » (1) C'est pour ne point
s'exposer aux violences d'une foule irritée qu'aux jours de fêtes
publiques, il illuminera sa porte et l'ornera de lauriers (2).
La terreur ne le poussera pas seule à des actes que réprouve
sa croyance. Des artistes, des ouvriers se sont ralliés à la foi du
Christ ; sculpteurs, peintres, graveurs, applicateurs de stuc, cise
leurs, modeleurs, doreurs, brodeurs, ils travaillaient à faire, à
décorer les images des faux Dieux. " Pouvons-nous, disent-ils,
renoncer au métier qui nous donne du pain ? Faire de vains
simulacres, ce n'est point leur rendre un culte „ ; et quelques-uns
y persistent, même après avoir reçu les ordres sacrés (3). Con
tre les écarts des artistes, des ouvriers, l'Église multipliait ses
leçons et ses conseils. " Cessez de telles œuvres, leur disait-elle,
si vous ne voulez perdre vos âmes. Contraints de vivre avec
les païens, devons-nous donc périr avec eux? D'autres travaux
ne vous manqueront pas, plus souvent demandés et plus faci
les : citernes et terrasses à enduire, modèles d'architecture à des
siner, dorure d'objets usuels ; il sera plus aisé de fabriquer un
meuble ou quelque vase de métal, que de sculpter ou de fondre
une statue de Mars „ (4).
Comment professer les belles-lettres sans enseigner les noms
des Dieux, leurs généalogies, leurs attributs, leurs fables, et sans
leur rendre, par là même, un hommage? Comment, ajoutait
Tertullien avec sa rigueur accoutumée, comment faire le com
merce, sans se montrer cupide, sans mentir, sans jamais rien
vendre qui doive servir au culte des idoles ? (5)
(1) Idolol., XIV.
(2)XV.
(3) Ibid., c. 7 et 8; Adversus Hermogenem, c. I; Haneberg, Cano-
nes S. Hippolyti arabice, c. XI, p. 69.
(4) De idolol., VIII.
(5) Ibid., XL Moins absolu, l'auteur de YEpistola ad Jacobum se
L CHRÉTIENS DANS LA SOCIÉTÉ PAÏENNE 49 LÉS
Soldats des légions, les chrétiens rencontrent de plus sé
rieuses épreuves. Il était et partout des fidèles sous les ensei
gnes romaines (l) ; pour qui ne voulait point subir des néces
sités de chaque jour, la vie des camps, nous le voyons par le
livre De corona militis, était pleine d'incessants périls ; les na-
talitia des princes, les fêtes des decennalia comportaient des céré
monies réprouvées par la conscience chrétienne ; le culte des DU,
des Lares militares, des génies protecteurs des camps, des turmae,
des centuries (2), celui des aigles, adorées et couvertes de parfums
comme les idoles mêmes (3), tous ces actes enfin qu'un martyr
caractérise d'un mot : mala facere (4), renouvelaient trop souvent,
pour les enfants du Christ, la nécessité de choisir entre la sou
mission et la mort. Le service de V Officium, imposait des devoirs
de même nature. Lorsque le magistrat, son chef, sacrifiait aux
Dieux de l'Olympe, VOfficialis lui présentait le vin et prononçait
les paroles consacrées (5) ; scribe du tribunal, il lui fallait écrire
l'interrogatoire des martyrs ; exécuteur, les mettre à la torture,
les mener au supplice, les frapper, et si l'histoire de l'Église nous
garde les noms de quelques hommes sans crainte qui, appariteurs
borne à recommander aux chrétiens la loyauté des poids et des me
sures (§ 10).
(1) Tertull., De corona militis, I et XV. Euseb., Hist, eccl., Y, δ; VI, 41.
S. Basil. T. II, p. 147, Homilia in Gordium martyrem ; Acta S. Maximi-
liani, § 2 ; Acta S. Marcelli, § 1 ; Ada S. Tarachi, § 1 ; Passio S. Fer-
reoli, § 1 ; S. Julii, § 1 (Acta sincera, p. 301, 302, 423, 462, 549) etc.
(2) Tertull., Apolog., X : « (Deos) militares ». Desjardins, Inscriptions
de Valachie et de Bulgarie, p. 32 : DIS . MILITARIBVS . GENIO

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