Les figures de la violence à l école - article ; n°1 ; vol.123, pg 35-45
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Revue française de pédagogie - Année 1998 - Volume 123 - Numéro 1 - Pages 35-45
Violence is presently such a mediated issue that we must become suspicious. Its impact reveals an in depth transformation of school which is perceived by its agents only in its «crisis» dimension. The article tries to show that this violence is the result of several processes : it should not be considered only as a flow of social violence but as a response to pressure exerted by the school system itself, which is rooted in the paradox of a school that wants to be democratic and meritocratic all together.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 42
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mr François Dubet
Les figures de la violence à l'école
In: Revue française de pédagogie. Volume 123, 1998. pp. 35-45.
Abstract
Violence is presently such a mediated issue that we must become suspicious. Its impact reveals an in depth transformation of
school which is perceived by its agents only in its «crisis» dimension. The article tries to show that this violence is the result of
several processes : it should not be considered only as a flow of social violence but as a response to pressure exerted by the
school system itself, which is rooted in the paradox of a school that wants to be democratic and meritocratic all together.
Citer ce document / Cite this document :
Dubet François. Les figures de la violence à l'école. In: Revue française de pédagogie. Volume 123, 1998. pp. 35-45.
doi : 10.3406/rfp.1998.1125
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1998_num_123_1_1125Les figures de la violence
a l'école (1)
François Dubet
plusieurs autrement emprise école qu'elle Le thème de répond est masse logiques, de que le la sous révélateur aussi qui violence qu'elle se l'angle aux veut violences d'une scolaire ne de à la se la mutation fois crise. réduit est du démocratique aujourd'hui système Cet pas profonde article à l'envahissement scolaire si s'efforce et de «envahissant méritocratique. l'école lui-même, de que montrer de violences » l'école ses qu'il acteurs que par en cette issues devient la ont violence du «suspect paradoxe mal sociale procède à percevoir ». d'une mais Son de
Pourquoi ne pas le dire ? J'éprouve un véritable rentes et relèvent probablement de logiques diffé
rentes. De plus, nous savons que la définition de la malaise à propos du thème de la violence à
violence est profondément subjective et qu'elle l'école. Ce malaise tient évidemment au fulgurant
nous en dit plus sur les sujets qui l'éprouvent que « succès » de ce thème, longtemps ignoré ou dénié.
sur les conduites qui la motivent. Sa force normative et morale, le large écho dont il
bénéficie dans les médias, entraînent une unanimité
Il importe donc de « casser » cet objet, de distroublante et qui doit nous rendre un peu méfiants.
tinguer plusieurs types de violences et plusieurs Au fond, tout se passe comme si la condamnation mécanismes d'engendrement. Cet effort paraît de violence tenait lieu d'analyse et comme si l'i d'autant plus nécessaire, que les diverses concept
mprécation tenait lieu de politique. Mon malaise vient ions de la violence renvoient à de grands para
aussi de ce qu'on a pris l'habitude de désigner digmes anthropologiques et sociologiques qui
comme violentes des conduites extrêmement hété sont aussi des philosophies sociales et politiques.
rogènes, allant du vol, à l'agression contre les En ce sens, l'émergence du thème de la violence
enseignants, à la bagarre entre élèves, au désordre, est « utile » parce qu'elle mobilise ces paradigmes
à l'inattention scolaire, aux relations tendues avec et pose donc à l'école des problèmes fondament
les parents... Or, toutes ces conduites sont aux relatifs à sa vocation et à sa nature. Elle
Revue Française de Pédagogie, n° 123, avril-mai-juin 1998, 35-45 35 implique de ne pas réduire l'école à une service de considère que ses élèves sont surtout les victimes
des conditions de vie et d'éducation qui leur sont formation et de qualification, elle conduit vers une
réflexion sur l'éducation et la civilité. faites, et que leur style provocateur et agressif
n'est en rien original, que le problème essentiel est
celui de l'adaptation de l'école à ce type d'élèves.
Le conseiller principal d'éducation connaît toutes
les histoires de délinquance du quartier et consiLA VIOLENCE INSAISISSABLE ET HOMOGÈNE
dère que le lycée est un îlot de paix relative menacé
par la violence du quartier et par la « guerre » des
Quand j'ai commencé à étudier l'expérience gangs... La ronde des définitions et des descrip
scolaire des élèves, voici une dizaine d'années, tions est infinie, mais il est vrai que chacun parle de
on ne parlait guère de violence à l'école. On parl violence pour désigner des conduites extrêmement
ait plus volontiers d'élèves « difficiles », de différentes, et considère que les mêmes conduites
problèmes sociaux, de désintérêt scolaire, voire relèvent ou pas de la violence.
de la violence des enseignants... Lors des grèves
Prenons un autre cas, celui d'un collège bordellycéennes de 1990, le thème de la violence
ais portant une lourde réputation de violence. Les occupe encore une place marginale et la demande
portes en sont fermées. Chacun parle de la viode sécurité émerge d'abord dans les syndicats de
lence comme d'une évidence. La discipline est professeurs, bien plus que dans les revendications
stricte, voire obsessionnelle, sans commune des élèves. Ajoutons qu'à l'époque, il s'agissait
mesure avec celle des autres établissements. encore d'un thème « pas clair », d'un thème
En même temps, personne n'est en mesure, en « sécuritaire », d'un thème de « droite ».
dépit des questions pressantes, de décrire des
Moins de dix ans après, tout a changé, la vio conduites « réellement » violentes, coups, vols,
lence est « partout ». Tous en parlent, le Ministère racket. Mais il est vrai que ce collège a connu un
organise des journées et des programmes d'ac accident sérieux voici plusieurs années, quand un
tion. Les professeurs lèvent le tabou et voient élève a blessé un de ses camarades d'un coup de
des violences partout, les parents craignent pour couteau. Depuis ce véritable traumatisme, l'ét
leurs enfants. Les débats et les émissions se mult ablissement se perçoit comme une machine à lutter
iplient. Le nombre de plaintes s'accroît. On contre la violence scolaire. Toutes les conduites
apprend que la violence est partout, dans les éta « inciviles », injures, absentéisme, désintérêt scol
blissements « difficiles », comme dans les autres, aire, chahuts à la sortie de l'école, sont interpré
dans les petites classes, dans les grandes. tées comme les signes d'une violence potentielle.
Le sanctuaire scolaire est brusquement devenu le Pour tous, le collège est une forteresse qui doit se
lieu de toutes les violences et de toutes les crises. protéger contre la violence du quartier.
La formation des maîtres et des CPE comporte un
Évoquons encore le cas d'une école primaire volet violence. Tout se passe comme si, en
située dans un quartier « difficile », et dans quelques années, nous étions passé de la paix à
laquelle toutes les difficultés scolaires des élèves la guerre, du calme au tumulte. Cette brusque
explosion de la violence est un peu « étrange ». sont perçues comme des effets des problèmes
sociaux du quartier. L'agitation des élèves dans la
1. Partons des observations les plus simples. classe, les problèmes d'apprentissage, ceux des
M'intéressant à un groupe de lycéens qui prépar relations, agressives ou absentes, avec les
aient un BEP de menuiserie en Seine-Saint Denis, parents, sont autant d'indicateurs de la violence
j'interroge les enseignants. Le professeur de menuis des élèves et de la société. Là aussi, la discipline
erie, âgé de cinquante ans, ancien ouvrier, origi est stricte et toutes ces difficultés, qu'un obser
naire de la banlieue nord, trouve ses élèves « un vateur étranger pourrait considérer comme
peu dissipés », chahuteurs, mais au fond gentils et banales, sont confondues sous le dénominateur
pas très différents de l'élève qu'il croit avoir été. commun de la violence.
Leur professeur de français, une jeune femme de
vingt-cinq ans, considère qu'ils sont des barbares, 2. On pourrait multiplier les descriptions et les
des sauvages, bref, des « violents ». Leur profes anecdotes. Toutes nous conduiraient à la même
seur de mathématiques, une jeune femme aussi, double conclusion. D'un côté, il y a des conduites
née dans les quartiers qui environnent le lycée, violentes et agressives, extrêmement hétéro-
36 Revue Fra

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