Les hommes de culture dans la diplomatie pontificale au XIIIe siècle - article ; n°2 ; vol.108, pg 615-643

Galland Bruno

Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age - Année 1996 - Volume 108 - Numéro 2 - Pages 615-643
Bruno Galland, Les hommes de culture dans la diplomatie pontificale au XIIIe siècle, p. 615-643. Le présent article se propose de rechercher le rôle et la spécificité des «hommes de culture» dans la diplomatie pontificale au XIIIe siècle. Pour ce faire, on a choisi de s'intéresser aux cardinaux, dont le rôle est alors prédominant dans la diplomatie par le biais des légations. Si tous les cardinaux du XIIIe siècle se distinguent par leur culture personnelle, quelques personnalités méritent de retenir davantage l'attention en raison de leurs travaux ou de leur activité intellectuelle. Parmi ces personnalités, plusieurs eurent à jouer un rôle diplomatique. On s'efforce, à partir d'exemples, de préciser l'influence de leur culture personnelle sur leur activité diplomatique, et les conséquences de cette activité sur l'évolution de leur réflexion intellectuelle. Il apparaît également que les contemporains ne furent guère (v. au verso) sensibles aux qualités intellectuelles particulières de certains légats. Cette médiocre perception témoigne que la personnalité des légats s'efface quelque peu derrière l'institution qu'ils représentent.
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: MELANGES_DE_L-ECOLE_FRANCAISE_DE_ROME
• Publié le: 01 janvier 1996
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Extrait

Bruno Galland
Les hommes de culture dans la diplomatie pontificale au XIIIe
siècle
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 108, N°2. 1996. pp. 615-643.
Résumé
Bruno Galland, Les hommes de culture dans la diplomatie pontificale au XIIIe siècle, p. 615-643.
Le présent article se propose de rechercher le rôle et la spécificité des «hommes de culture» dans la diplomatie pontificale au
XIIIe siècle. Pour ce faire, on a choisi de s'intéresser aux cardinaux, dont le rôle est alors prédominant dans la diplomatie par le
biais des légations. Si tous les cardinaux du XIIIe siècle se distinguent par leur culture personnelle, quelques personnalités
méritent de retenir davantage l'attention en raison de leurs travaux ou de leur activité intellectuelle. Parmi ces personnalités,
plusieurs eurent à jouer un rôle diplomatique. On s'efforce, à partir d'exemples, de préciser l'influence de leur culture personnelle
sur leur activité diplomatique, et les conséquences de cette activité sur l'évolution de leur réflexion intellectuelle. Il apparaît
également que les contemporains ne furent guère sensibles aux qualités intellectuelles particulières de certains légats. Cette
médiocre perception témoigne que la personnalité des légats s'efface quelque peu derrière l'institution qu'ils représentent.
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Galland Bruno. Les hommes de culture dans la diplomatie pontificale au XIIIe siècle. In: Mélanges de l'Ecole française de
Rome. Moyen-Age, Temps modernes T. 108, N°2. 1996. pp. 615-643.
doi : 10.3406/mefr.1996.3519
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9883_1996_num_108_2_3519BRUNO GALLAND
LES HOMMES DE CULTURE
DANS LA DIPLOMATIE PONTIFICALE
AU XIIIe SIÈCLE
Deux raisons conduisent à interroger d'abord la diplomatie pontificale
dans une réflexion sur les rapports entre la culture et la diplomatie au
Moyen Âge1.
Tout d'abord, la papauté est le pouvoir politique qui a le plus tôt entre
tenu de nombreuses relations diplomatiques. C'est la conséquence de la
responsabilité universelle dont l'évêque de Rome s'est très vite senti investi.
Les premiers légats pontificaux apparaissent dès le IVe siècle; ils étaient en
voyés par le pape pour siéger en son nom dans les conciles. Quant à la r
eprésentation diplomatique au sens où nous l'entendons aujourd'hui, on la
trouve déjà au VIe siècle avec les apocrisiaires qui se succédèrent à
Constantinople auprès du basileus comme auprès du patriarche. Par la
suite, les papes envoyèrent régulièrement des membres de la Curie ou des
évêques auprès des Carolingiens. Ces légats n'étaient pas chargés seul
ement des affaires strictement ecclésiastiques : deux légats furent chargés
par Jean VIII de défendre Charles le Chauve contre Louis le Germanique.
Les légations devinrent ensuite un instrument privilégié pour la diffusion
de la réforme grégorienne, au moment même où Grégoire VII, dans les dic-
tatus papae, proclamait son autorité sur toute l'Église, les clercs comme les
laïques. À partir de la fin du XIe siècle, on trouve désormais des légats pon-
1 Entièrement justifiée par le séminaire dans lequel elle prend place, cette
communication s'intègre aussi dans une réflexion très actuelle sur les relations entre
la culture et l'administration au Moyen Âge. Les références qui suivent n'ont pas
d'autre objet que de convaincre de la vitalité de cette problématique : Culture et idéo
logie dans la genèse de l'État moderne, Rome, 1985 {Collection de l'École française de
Rome, 82); Cultura universitaria e pubblici poteri a Bologna dal XII al XV secolo, Bo
logne, 1990 {Istituto di storia di Bologna, collana Convegni e colloqui, n. s. 10); Théol
ogie et droit dans L· science politique de l'État moderne, Rome, 1991 {Collection de l'É
cole française de Rome, 147).
MEFRM - 108 - 1996 - 2, p. 615-643. 616 BRUNO GALLAND
tificaux dans toute la chrétienté2. L'importance de ce «réseau» est sans
comparaison avec les ambassades envoyées par d'autres souverains3.
«Pionnière» en matière de diplomatie, l'Église est aussi au Moyen Âge
le lieu de passage obligé pour toute formation culturelle. Il n'est pas besoin
de revenir ici sur le rôle déterminant joué par les ateliers monastiques pour
la transmission des manuscrits ou sur le monopole de l'Église en matière
d'enseignement. Il y a donc là un point de rencontre privilégié entre nos
deux interrogations.
En bonne logique, une recherche sur les hommes de culture dans la di
plomatie pontificale devrait commencer avant le XIIIe siècle. La réforme
grégorienne, point de départ d'une généralisation du système des légats,
fournirait un terminus a quo très approprié. Dans la même perspective, une
étude sur les légats du XIVe siècle serait également passionnante4.
Plusieurs considérations invitent cependant à s'en tenir ici au XIIIe
siècle, c'est-à-dire du pontificat d'Innocent III (1198-1216) à celui de
2 Sur les origines de la représentation diplomatique du Saint-Siège, voir l'étude
classique de Pierre Blet, Histoire de la représentation diplomatique du Saint-Siège des
origines à l'aube du XIXe siècle, Cité du Vatican, 1982 {Collectanea Archivi vaticani, 9).
Plusieurs travaux se sont efforcés de recenser les légats pontificaux pour une période
et un territoire déterminés, ainsi certains volumes des Historische Studien : Werner
Ohnsorge, Die Legaten Alexanders III. im ersten Jahrzhent seines Pontifikats (1159-
1169), Berlin, 1928, 166 p. (Historische Studien, 175); Ina Friedlaender, Die päpstliche
Legaten in Deutschland und Italien am Ende des XII. Jahrunderts (1181-1198), Berlin,
1928, 167 p. (Historische Studien, 177); Werner Ohnsorge, Päpstliche und gegen-
papstliche Legaten in Deutschland und Skandinavien, 1156-1181, Berlin, 1929, 115 p.
(Historische Studien, 188); Theodor Schieffer, Die päpstliche Legaten in Frankreich
vom Vertrage von Meersen (870) bis zum Schhma von 1130, Berlin, 1935, 243 p. (His
torische Studien, 263). Voir aussi : H. Ollendiek, Die päpstlichen Legaten im deutsche
Reichsgebiet von 1261 bL· zum Ende des Interregnum, Fribourg (Suisse), 1976, 194 p.
(Hist. Schriften d. Univ. Freiburg, 3.); P.C. Ferguson, Medieval Papal Representatives
in Scotland. Legates, nuncios and" Judges-delegates 1125-1286, Ann Arbor, 1987,
388 p.; R. Hiestand, Les légats pontificaux en France du milieu du XIe à la fin du XIIe
siècle, dans L'Église de France et L· papauté (Xe-XIIIe siècle), Actes du 26e colloque his
torique franco-allemand, Paris, 1990, Bonn, 1993, 408 p. (Studien und Dokumente zur
Gallia Pontificia, 1.).
3 Voir à ce sujet Donald-Ε. Queller, The Office of Ambassador in the Middle Ages,
Princeton, 1967, bien plus complet que la synthèse de F.-L. Ganshof, Le Moyen Âge,
1. 1 de l'Histoire des relations internationales publiée sous la direction de P. Renouvin,
Paris, 1953.
4 On pourra prendre comme point de départ de la réflexion le volume Aspetti
culturali della società italiana nel periodo del papato avignonese, Todi, 1981, (Conve
gno del centro di studi sulla spiritualità medievale, Università degli studi di Perugia,
19), et en particulier la contribution d'Edith Pasztor, Funzione politico-culturale di
una struttura detta Chiesa : il cardinalato, p. 197-226. LES HOMMES DE CULTURE DANS LA DIPLOMATIE PONTIFICALE 617
Boniface VIII (1294-1303). Tout d'abord, en dépit des nombreuses légations
envoyées par Grégoire VII, la réflexion sur le rôle et les pouvoirs des légats
ne commence vraiment qu'à partir d'Innocent III : la consultation du Liber
Extra, sur lequel s'appuient les travaux récents de Robert C. Figueira sur le
droit de la légation, est sans appel à cet égard5. De surcroît, c'est à ce mo
ment-là que la papauté trouve en face d'elle des seigneuries ou des États
suffisamment organisés pour conduire une véritable politique étrangère;
l'activité des légats pontificaux n'est plus alors seulement consacrée à la
réunion de conciles ou de synodes pour dénoncer les prélats indignes ou
les unions illégitimes. C'est encore au XIIIe siècle que la papauté apporte
un app