Les médiateurs et recueil de la médiocratie : l exemple français - article ; n°28 ; vol.6, pg 113-126
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Description

Réseaux - Année 1988 - Volume 6 - Numéro 28 - Pages 113-126
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 10
Langue Français

Extrait

Rémy Rieffel
Les médiateurs et recueil de la médiocratie : l'exemple français
In: Réseaux, 1988, volume 6 n°28. pp. 113-126.
Citer ce document / Cite this document :
Rieffel Rémy. Les médiateurs et recueil de la médiocratie : l'exemple français. In: Réseaux, 1988, volume 6 n°28. pp. 113-126.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1988_num_6_28_1269MÉDIATEURS ET L'ÉCUEIL LES
DE LA MÉDIOCRATIE:
L'exemple français
Rémy RIEFFEL
Rémy Rieffel
113 «Comme les temps changent!» Cette banale constatation frappée au coin du bon
sens populaire ne saurait mieux s'appliquer qu'à la métamorphose subie par le
monde de la presse écrite et audiovisuelle en quelques décennies en France. En
effet, rappelez-vous! Il y a une vingtaine d'années, très exactement en 1967, l'un
des théoriciens les plus attentifs aux mutations du marché de la communication,
A. Moles, établissait une première synthèse de ce qu'il appelait le «cycle sociocul
turel», c'est-à-dire le flux des messages transmis par les événements et les médias
notamment1. Il relevait, à cette occasion, la part prépondérante détenue par les
journalistes dans la circulation des idées, puisque, non contents de sélectionner
les faits de façon semi-aléatoire, ils p>enaient le relais du micromilieu des
intellectuels pour transmettre les idées en gestation vers le grand public (ou
macromilieu). Bref, les journalistes apparaissaient comme des professionnels
dont le rôle consistait à faciliter la diffusion des messages émis dans la société et
qui contribuaient par là-même à imposer plus fortement l'émergence d'une
«culture mosaïque», sorte de juxtaposition désordonnée d'idées et de signes sans
point de repère stable. Immergés dans le cycle socioculturel, les journalistes
faisaient encore office, à l'époque, d'intermédiaires, de «médiateurs» au sens
premier du terme, sans que l'on puisse véritablement augurer des infléchiss
ements ultérieurs du processus.
Or, qu'observe-t-on aujourd'hui dans ce que nous nommerons le champ
journalistique par opposition au champ intellectuel? Une imprégnation de plus en
plus sensible des deux milieux, une espèce d'interpénétration croissante des deux
champs, si bien que l'on est en droit de s'interroger sur les causes d'une telle
évolution et les conséquences inquiétantes qu'elle risque d'entraîner. Insistons sur
ce point: le phénomène français ne nous paraît guère comparable aux transformat
ions repérables par exemple en Allemagne ou dans certains pays anglo-saxons
(en particulier les Etats-Unis) parce que la démarcation entre les différents
champs est, chez ces derniers, plus affirmée, la séparation plus nette, en raison
notamment d'une tradition journalistique et intellectuelle totalement dissemblab
le. Le pragmatisme des hommes de presse américains par exemple, le culte de la
séparation des faits du commentaire, leur distanciation par rapport aux multiples
centres de pouvoir, les dissuaderaient, s'il en était besoin, de chercher à s'assimi-
115 1er au champ intellectuel. Situation typiquement hexagonale donc, liée entre
autres aux soubresauts et aux crises répétés intervenus depuis une vingtaine
d'années dans le champ intellectuel français. Car les journalistes de notre pays,
que l'on préfère désormais désigner par le terme de médiateurs2, ont su tirer parti
des défaillances du système universitaire pour s'affirmer sur le devant de la scène
culturelle parisienne. Autant dire qu'un retour en arrière s'impose pour compren:
dre les tenants et les aboutissants des enjeux actuels, en particulier de la
domination graduelle des journalistes dans le débat intellectuel du moment.
Comme on le voit, nous sommes loin du constat de A. Moles et de la séparation
apparente des deux sphères (le micromilieu des intellectuels et celui des médias)
puisque les cartes du cycle socioculturel ont été redistribuées depuis lors.
1. Les journalistes français ont-ils une identité?
On ne. peut concevoir les données de la situation présente qu'en procédant à un
inventaire rétrospectif, forcément rapide, de la représentation et de la fonction du
journaliste en France depuis un siècle environ. Les particularismes et les singular
ités l'emportent en effet sur les points communs avec les membres de la
communauté internationale.
Dès l'origine, le journalisme est vécu, en France, comme un pis-aller ou un
tremplin, en aucun cas comme une activité noble et gratifiante aux yeux de ceux
qui embrassent cette carrière (mieux vaudrait d'ailleurs dire: cette occupation). Il
n'est, pour s'en convaincre, que de rappeler l'image négative dont il est entaché
dans certains romans de Balzac ou de Maupassant: on pense en particulier aux
«Illusions perdues» ou à «Bel-Ami», où les représentants de ce milieu sont décrits
comme des êtres corrompus, des ratés demi-mondains, une faune peu fréquenta
ble parce que toujours partagée entre le goût du pouvoir et la soif de l'argent. Au
XlXè siècle donc, les gens de presse se définissent presque toujours par rapport
au monde littéraire, à la figure de l'écrivain et du lettré: soit le journalisme se
réduit à un refuge, un recours, pour les écrivains en mal de notoriété ou au talent
hypothétique, soit il représente un havre provisoire, permettant de mieux s'im
miscer par la suite dans le monde littéraire. Dans les deux cas, son originalité (si
elle existe) se détermine en fonction de considérations externes au milieu lui-
même. On répugne à se déclarer journaliste et on se proclame plus volontiers
homme de lettres ou éventuellement publicisté3.
Progressivement, en particulier pendant et après la première guerre mondiale,
la carrière de journaliste s'apparentera à une technique originale, à une sorte
d'expertise, puisque les gens de presse se targueront alors d'être devenus les
témoins de l'Histoire en train de se faire, et n'hésiteront pas à se spécialiser se
coiffant de la casquette de l'expert agissant au nom de l'intérêt général4. La
représentation de la profession au sein de la société française se renouvelle donc
dans le sens de ce que l'on pourrait appeler une image positive ou du moins plus
favorable du métier. On en perçoit aisément la concrétisation: le milieu s'orga-
116 revendique le respect et l'application d'une certaine déontologie, et parvient nise,
à imposer la création d'un syndicat unique, puis la définition du terme de
journaliste (1918-1919). Une Ecole supérieure de journalisme voit même le jour
en 1924. Selon F. Balle, le modèle de l'avocat et du médecin, symbolisant la
compétence et l'autodétermination de la communauté des pairs, va supplanter
dorénavant la figure de l'écrivain: cette nouvelle image de marque doit contribuer
à renforcer le sentiment de responsabilité et de respectabilité du milieu de la
presse.
Peu importent ici les multiples péripéties du développement de la représenta
tion de la profession au cours du siècle, qui font l'objet d'une analyse minutieuse
de F. Balle. Retenons simplement pour le dessein qui nous concerne, que diverses
tentatives eurent lieu avant et après la seconde guerre mondiale, en vue d'obtenir
un statut cohérent et reconnu socialement, mais qu'elles furent toutes vouées à
l'échec, principalement à cause de l'incompréhension dont firent preuve les
Pouvoirs Publics d'une part, et des dissensions internes du milieu lui-même
d'autre part. En d'autres termes, le journalisme n'est jamais parvenu jusqu'à nos
jours à s'instituer en tant que véritable profession avec con code déontologique
soumis à l'appréciation des pairs ni à déterminer son identité propre. 11 est
intéressant de remarquer cependant que, juste avant la guerre de 1939-1945, un
troisième modèle de référence s'est substitué aux parangons précédents (qui nous
touche au premier chef): celui de l'intellectuel, envisagé sous le double aspect du
créateur et de l'expert, doté d'une réelle indépendance de pensée et de critiq

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