Perestroïka et nouvelles formes d écriture du discours soviétique - article ; n°1 ; vol.21, pg 32-49
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Mots - Année 1989 - Volume 21 - Numéro 1 - Pages 32-49
PERESTROÏKA ET NOUVELLES FORMES D'ECRITURE DU DISCOURS SOVIETIQUE Les dérives orwelliennes dans l'interprétation du discours soviétique ont focalisé l'attention sur les aspects lexicaux du phénomène langue de bois au détriment des enjeux de renonciation. L'approche sémiotique évite l'amalgame entre Lénine, Staline et leurs épigones, et permet d'analyser les actants d'une perestroïka dans les formes d'écriture d'aujourd'hui.
PERESTROÏKA AND NEW WAYS OF WRITING OF SOVIET DISCOURSE Orwellian interpretations of the soviet discourse have focused attention on the lexical aspects of the phenomenon of hackneyed slogans (in French « Langue de bois ») to the detriment of enunciation. The semiotic approach proposed here avoids confusions between. Lenin, Stalin and their followers and enables us to analyse the participants of perestroika in present-day forms of writing.
PERESTROIKA Y NUEVAS FORMAS DE ESCRITURA DEL DISCURSO SOVIETICO En la interpretación del discurso soviético, las dérivas orwelianas han focalizado la atención en unos aspectos lexicales propios al fenómeno « langue de bois » en detrimento de la problemática enunciativa. El enfoque semiótico propuesto aquí évita hacer la amalgama entre Lenin, Stalin y sus epigonos y además permite analizar los actantes de una perestroika mediante las formas de escritura actual.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Alexandre Bourmeyster
Perestroïka et nouvelles formes d'écriture du discours soviétique
In: Mots, décembre 1989, N°21. pp. 32-49.
Resumen
PERESTROIKA Y NUEVAS FORMAS DE ESCRITURA DEL DISCURSO SOVIETICO En la interpretación del discurso soviético,
las dérivas orwelianas han focalizado la atención en unos aspectos lexicales propios al fenómeno « langue de bois » en
detrimento de la problemática enunciativa. El enfoque semiótico propuesto aquí évita hacer la amalgama entre Lenin, Stalin y
sus epigonos y además permite analizar los actantes de una perestroika mediante las formas de escritura actual.
Abstract
PERESTROÏKA AND NEW WAYS OF WRITING OF SOVIET DISCOURSE Orwellian interpretations of the soviet discourse have
focused attention on the lexical aspects of the phenomenon of hackneyed slogans (in French « Langue de bois ») to the
detriment of enunciation. The semiotic approach proposed here avoids confusions between. Lenin, Stalin and their followers and
enables us to analyse the participants of perestroika in present-day forms of writing.
Résumé
PERESTROÏKA ET NOUVELLES FORMES D'ECRITURE DU DISCOURS SOVIETIQUE Les dérives orwelliennes dans
l'interprétation du discours soviétique ont focalisé l'attention sur les aspects lexicaux du phénomène langue de bois au détriment
des enjeux de renonciation. L'approche sémiotique évite l'amalgame entre Lénine, Staline et leurs épigones, et permet d'analyser
les actants d'une perestroïka dans les formes d'écriture d'aujourd'hui.
Citer ce document / Cite this document :
Bourmeyster Alexandre. Perestroïka et nouvelles formes d'écriture du discours soviétique. In: Mots, décembre 1989, N°21. pp.
32-49.
doi : 10.3406/mots.1989.1501
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1989_num_21_1_1501Alexandre BOURMEYSTER
Université Stendhal
Grenoble III
Perestroïka
et nouvelles formes d'écriture
du discours soviétique
Le long règne de Brejnev, baptisé « période de stagnation »
(zastoï) par les artisans de la perestroïka, offrait aux linguistes et
aux soviétologues une possibilité exceptionnelle de contempler un
objet de connaissance figé, sans qu'ils soient obligés de l'immob
iliser arbitrairement pour l'observer. C'était l'image que l'URSS
voulait se donner elle-même : un discours, étalé avec complaisance
dans les journaux, les revues, les ouvrages bon marché, facilement
accessibles, nommé « langue de bois » par ses détracteurs. Fallait-
il dédaigner cette manne parce que « c'était de la propagande » ?
Son étude systématique ne permettait-elle pas de pénétrer au cœur
d'une idéologie ? d'étudier son mode de production ? son impact ?
Lire les lignes mêmes, et non pas entre les lignes, telle fut la
devise d'un séminaire grenoblois qui se réunit dèsl978 et publia
ses Essais sur le discours soviétique à partir de 1980 l.
A la recherche d'un objet scientifique
Mais comment définir notre objet ? L'expression adoptée était-
elle un terme scientifique pertinent ou une métaphore relevant du
registre polémique visant à disqualifier un locuteur, sans prendre
1. Essais sur le discours soviétique ( EDS ) 1 à 6, 1981 à 1986,puis Essais
sur le discours soviétique, russe... et autres discours slaves, 7, 1987, 8, 1988, (revue
de l'Université Stendhal, Grenoble III).
32 peine de contester ses propos ' ? « La langue de bois, c'est la la
langue de l'autre », constatait alors Patrick Sériot2. Le problème
consistait donc à la fois à cerner en tant qu'objet de connaissance
un phénomène vécu empiriquement par ses destinataires (avec une
sensation de malaise, d'ennui insupportable, voire d'indignation)
et à comprendre pourquoi il avait été qualifié ainsi.
Le terme, ou ses équivalents, était apparu au début des années
1970, simultanément dans les démocraties populaires, notamment
en Pologne, et en Occident (surtout en France), là où l'influence
du marxisme-léninisme était dominante. Son adoption spontanée
par l'opinion coïncidait avec le discrédit grandissant du parti
communiste et la banalisation de son discours, là où il était au
pouvoir. Cette permettait à la population de lui
retourner ses propres arguments incitateurs et de rendre totalement
inefficace son activité idéologique (didactique, éducative). Impasse
tragique pour un régime qui avait fondé sa légitimité sur sa
capacité de mobiliser les masses, en les persuadant qu'elles étaient
en train d'édifier le communisme3 !.
Dans un premier temps, la réaction des opposants a été
linguistique, sinon directement politique. Il fallait trouver « des
mots pour le dire ». L'opposition russe a trouvé, par exemple,
Archipel du Goulag , Nomenklatura, mais n'a pas su, ou pas
voulu se servir d'un terme équivalent à langue de bois. Il existe
bien « langue de drap », expression qui sert à qualifier le style
râpeux de la langue administrative héritée de l'Ancien Régime.
Le calque « de chêne » (dubovyj jazyk ) est plus récent.
Les dissidents soviétiques préféraient toutefois opposer à la
« langue soviétique » la langue russe, la « vraie langue ». Mais les
tenants du régime défendaient eux aussi le « bon russe » et
déploraient que des bureaucrates incultes aient abimé leur belle
langue par des fautes stylistiques et grammaticales.
1. Cette pratique n'est pas le privilège de ceux qui dénoncent la langue de
bois. Voir A. Bourmeyster, « L'énonciateur, l'énonciataire et l'autre », EDS, 2,
1982, p. 61-99.
2. Voir Hle Colloque de linguistique russe (Aix-en-Provence, 15-17 mars 1981),
Paris, Bibliothèque russe de l'Institut d'études slaves, tome 65, 1983.
3. Voir notamment « Ioun Andropov dialogue avec des ouvriers soviétiques »,
in Essais sur le dialogue, Grenoble, Université Grenoble III, vol. 2, 1984, p. 301-
319 ; « Soviet political discourse, narrative program and the skaz theory », in
Peter J. Potichnyj (éd.), The Soviet Union party and society, Cambridge, Cambridge
University Press, 1988.
33 Dérives orwelliennes
Quand le triomphe des régimes totalitaires semblait encore
irrésistible, il était tentant de prendre ses craintes (ou ses désirs)
pour des réalités. Des Maîtres de la langue se seraient emparés
de l'opinion en lui imposant l'usage d'une langue artificielle, celle
du pouvoir. Le salut ne pouvait venir que de la reconquête par
la population de sa langue naturelle. Dans cette tradition, Orwell,
avec son 1984, a servi de référence « historique » à des digressions
qui n'ont souvent que des rapports lointains avec la linguistique.
Un objet de connaissance était ainsi découvert, et même désigné
par un nom : la novlangue. Ce nom renvoyait à une fiction
littéraire, à une utopie. Elle apparaissait comme l'avenir inévitable
de toute l'humanité. Les présupposés « scientifiques » étant fournis
par le roman, il ne restait plus au théoricien de la langue de
bois qu'à chercher des illustrations, des « confirmations » de
l'anticipation orwellienne dans son propre pays. Ainsi Michel
Heller a pu affirmer que la novlangue était la langue d'un tiers
de l'humanité, et que Staline en était le créateur. Il avançait des
exemples de manipulation sémantique qui auraient fait perdre aux
mots leur sens immanent, rendu la langue opaque et créé une
illusion de réalité, une « surréalité » '.
D'autres commentateurs ont parlé d'une langue dénaturée,
reposant sur un un lexique appauvri, véhiculant la désinformation,
perdant ses fonctions référentielle et communicative. L'essai de
Françoise Thom, La langue de bois (Paris, Julliard,1987), appli
cation zélée d'arguments purement polémiques, conduit ainsi à un
verbiage paralinguistique autour du terme « bois ». Langue, dis
cours, univers, dialectique, catégories, etc. sont tour à tour associés
à cette image silvestre qui donne paradoxalement naissance à une
langue de bois inédite sur la langue de bois proprement dite2 !
1. Michel Heller, « Russkij jazyk i sovetskij jazyk »,

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