Prosodie et langage du couple dans « La Vie immédiate » d Éluard - article ; n°1 ; vol.7, pg 45-55
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Description

Langue française - Année 1970 - Volume 7 - Numéro 1 - Pages 45-55
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 42
Langue Français

Extrait

Henri Meschonnic
Prosodie et langage du couple dans « La Vie immédiate »
d'Éluard
In: Langue française. N°7, 1970. pp. 45-55.
Citer ce document / Cite this document :
Meschonnic Henri. Prosodie et langage du couple dans « La Vie immédiate » d'Éluard. In: Langue française. N°7, 1970. pp. 45-
55.
doi : 10.3406/lfr.1970.5505
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1970_num_7_1_5505Henri Meschonnic, Paris-Vincennes.
PROSODIE ET LANGAGE DU COUPLE
DANS « LA VIE IMMÉDIATE » D'ÉLUARD
C'est ici un fragment d'une étude pour montrer comment un texte,
s'il est texte, réalise, actualise les « fictions linguistiques » que sont toutes
catégories du langage, puisqu'il en fait des valeurs d'un système. Fictions
linguistiques : c'est ainsi que Bentham, cité par Roman Jakobson dans
Poésie de la grammaire et grammaire de la poésie, nommait les catégories
grammaticales. La poésie, remarquait Jakobson, est ce qui les réalise.
A été tentée une lecture-écriture de La Vie immédiate comme texte
du couple déchiré, la femme divisée, le monde divisé, le temps désuni,
la chambre vide. A ensemble y répond oublie. Le fait de l'écriture comme
pratique théorique du langage balaie l'objection (naïve, et fondamenta
lement dualiste, donc incompétente ici) qu'on réintroduirait le biogra
phique. Il n'y a pas du biographique. Il y a écriture. C'est-à-dire homog
énéité d'un dire et d'un vivre, et historicité de l'écriture. On renvoie
aux définitions et à l'ensemble théorique de Pour la poétique *. Dans La
Vie immédiate, la femme qui n'est plus là, Gala, est plus écrite que celle
qui est déjà là, vers la fin du livre, Nusch. Composition, de l'amour perdu
à l'amour qui se retrouve, pathétiquement en retard sur nouveau,
sur le présent vécu. Non trame biographique mais organisation lyrique,
structure du couple jusque dans la syntaxe et le rythme. L'écriture, dans
ce livre, contredit la biographie immédiate. La vie immédiate y est plus
celle de l'onirisme que celle de l'éveil, plus celle de la nuit que celle du
jour, « les déchets de la vie éveillée ». L'amour immédiat est Dors, Nuits
partagées. Le livre est l'effet de sens qui résulte des valeurs qui ne sont
qu'à lui. On a montré que la composition est forme-sens dans la mesure
même où elle est inséparable de la valeur des formes grammaticales,
grammaire de cette poésie, figure de toutes les figures du livre. Le continu
1. Éd. Gallimard, coll. « Le Chemin », 1970.
45 et le discontinu vécus comme le moment d'un couple, et la recherche
par et dans le langage du couple déchiré sont ici l'écriture.
Seule une abstraction momentanée isole une prosodie associative.
Prosodie du couple. Et ce n'est pas donner dans une duperie métaphor
ique du métalangage, mais situer la lecture au niveau même où l'écr
iture motive les universaux. Dans la syntaxe de La Vie immédiate, syn
taxe du couple défait, la prosodie du langage versifié et des poèmes en
prose recompose le couple. Elle est lue par les formes de l'œuvre, et elle
les lit. Il est clair qu'on ne décrit pas Г « art du vers » chez Éluard en
général, ni le fonctionnement du vers libre ou du langage poétique (pour
s'éloigner chaque fois d'un degré de la spécificité d'un dire), — on ne
décrit pas une rhétorique. Mais, traversant cette rhétorique, comme le
je de l'écriture lui-même d'abord l'a traversée, on tente de montrer que
ce langage ne ferait pas un texte, s'il n'était, dans une circularité infinie,
cette homogénéité qu'on a dite. Les couplages syntaxiques et lexicaux
rejoignent une composition en écho.
Échos, formants d'une manière de construire et inséparables d'une
métaphorisation. Ostensibles ou inaperçus, ils sont la trame des accords
et des contraires, ils sont liés à une rhétorique éluardienne de la répétition.
La rime exclue est remplacée aux moments intenses (par la position) par
des reprises du même mot dans une même construction. A la fin du vers :
Un visage à la fin du jour
Un berceau dans les feuilles mortes du jour
(...)
Pour les frondes des dernières lueurs du jour
Belle et ressemblante.
Ou bien les mots sont morphologiquement parents :
Tes yeux ont contredit les puits lunaires
Les échafaudages solaires
Disparition.
A la limite, un vers entier est répété, « Les vices les vertus tellement imparf
aits » trois fois dans A perte de vue. Variantes d'un système où l'anaphore
est avant tout la répétition de la femme, que ce soit schéma syntaxique,
reprise de mot, ou figure prosodique. Le schéma « entre l'homme et la
femme », ce que Claudel appelait motif 2, construit quinze fois le vers
2. Claudel écrit dans Réflexions et Propositions sur le vers français, § 11 : « J'ap
pelle motif cette espèce de patron dynamique ou de centrale qui impose sa forme et
son impulsion à tout un poème (...) Et cela me fait souvenir que dans une de mes der
nières conversations avec Stéphane Mallarmé, il m'expliquait qu'il voulait prendre
pour point de départ de chacune des parties de son grand poème typographique et
cosmogonique une invitation grammaticale encore plus simple, par exemple ces mots :
Si tu, " pareils à deux doigts qui simulent en pinçant la robe de gaze une impatience
de plumes vers l'idée ". Projet bien digne de ce charmant esprit, de cette oreille en
lui, de ce génie qui était en lui de la danseuse! » Le si de L' Univers-solitude a cette
valeur.
46 dans La Nécessité. « Est-ce (ta main) » vient sept fois dans Au revoir,
« c'est en... » cinq fois dans Salvador Dali, « j'ai (dormi, perdu) » cinq fois
dans Le Bâillon sur la table. Le retour des mêmes mots fait refrain : dix
fois « une ou plusieurs » dans Une pour toutes. C'est deux fois le refrain,
proverbe « au goût du jour » dédié à René Crevel : « Au-delà du feu il
n'y a pas la cendre. Au-delà de la cendre il y a le feu. » C'est une rime
de l'avant, les quatre « Voici » qui se suivent dans Vers minuit, ou l'a
ttaque triple « Femme avec laquelle... » de Par une nuit nouvelle, suivie
d'un « rouge ». Et « Ta main dédaigneuse... Ta main dédaigneuse...
Ta main qui ne saura jamais... » termine Au revoir. Trois vers ďílne
pour toutes commencent sur « Parées de... ». C'est l'anaphore disjointe
des quatre « II y eut » dans Le Mal, et quatre fois « Ta tête » dans Dis
parition. Presque toujours attaque de vers, l'anaphore ne bâtit pas, pour
la plupart, de longues rhétoriques. Mais la reprise initiale de vers, le plus
souvent, est une rhétorique double, une redite en miroir, restitution de
la femme double : « Je viens à toi la double... », dans La Saison des
amours. Écriture d'un je double et divisé, correspondance dans la struc
ture du message du dit métaphorique énoncé dans Nuits partagées (III) :
« une pierre que l'on casse pour avoir deux pierres plus belles que leur
mère morte », — le couple divisé. Toute la valeur dans ce texte des autres
formes donne cette direction à ce qui ailleurs n'en aurait pas, ou en aurait
une autre. Quand le premier terme est intérieur au vers ou final, le second
est en position lançante au vers suivant :
Je viens à toi la double la multiple
A toi...
La saison des amours.
J'envie leur candeur leur inexpérience
Ton inexpérience...
La saison des amours.
Mais tes yeux
Tes yeux ont contredit les puits lunaires
Disparition.
Le regard plus inquiet qu'un rat chez les bêtes
Inquiet d'une femme cachée
Le Mirage.
Par l'attaque identique de deux vers qui se suivent, une rhétorique ver
ticale pénètre ce langage, couplages où la femme fait le couple. Et « Tes
yeux », « ses yeux » sont dits par couples :
Tu es inscrite dans les lignes du plafond
Tu es les yeux que j'aime
A peine défigurée.
47 Tes yeux versent des larmes des caresses des sourires
Tes sont sans secret
Tous les droits.
Ses yeux montrent sa tète
Ses sont la fraîche

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