La lecture à portée de main
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
Je m'inscrisDécouvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
Je m'inscrisDescription
Informations
Publié par | REVUE_EUROPEENNE_DE_MIGRATIONS_INTERNATIONALES |
Publié le | 01 janvier 1992 |
Nombre de lectures | 18 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 1 Mo |
Extrait
Michel Dreyfus
Que sait-on en France des créateurs d'entreprises étrangers
depuis un siècle ?
In: Revue européenne de migrations internationales. Vol. 8 N°1. pp. 17-26.
Citer ce document / Cite this document :
Dreyfus Michel. Que sait-on en France des créateurs d'entreprises étrangers depuis un siècle ?. In: Revue européenne de
migrations internationales. Vol. 8 N°1. pp. 17-26.
doi : 10.3406/remi.1992.1591
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remi_0765-0752_1992_num_8_1_1591Abstract
What do we know about ventures foreign creators since a century ?
Michel DREYFUS
We are very much deprived in France in matters of history about foreign ventures. On one hand,
historians were mainly interested in settlers who organized in political movements. Then, immigration
history is very new and seldom one devoted to the economical aspect of immigration. Besides, the of ventures in France is limited, due in the same time to the contractors' reserve to betray their
secrets and to fantasies linked to the reality of venture. At last, foreign ventures creators were little able
to leave records. Ventures were no doubt very diverse. Some of these foreigners integrating and
realizing thus their project, how were they still foreigners ? How did they live their own history and feel
concerned by it ? For the time being, searchers lack documents.
Resumen
¿ Qué se sabe en Francia de los creadores de empresas extranjeros desde hace un siglo ?
Michel DREYFUS
En Francia estamos muy desprovistos de materia histórica relativa a las empresas extranjeras. Por una
parte, los historiadores han centrado su atención en los inmigrados que se organizaron en los
movimientos políticos. Seguidamente, la historia de la inmigración es muy reciente y pocas veces se
han dedicado estudios al aspecto económico de la emigració. Por otra parte, en Francia, la historia de
las empresas es muy limitada, dadas las reticencias de los empresarios a revelar sus secretos y las
falsas visiones atribuídas a la realidad de la empresa. Por último, los creadores de empresas
extranjeros tenían pocas posibilidades de dejar archivos. Tales empresas han sido sin duda muy
variadas. Algunos de estos extranjeros por ejemplo, al haberse integrado y realizado su proyecto, ¿ en
qué medida se consideraban como extranjeros ? De qué manera vivieron su propia historia y ésta les
concernió ? De momento a los investigadores les faltan documentos.
Résumé
Que sait-on en France des créateurs d'entreprises étrangers depuis un siècle ?
Michel DREYFUS
Nous sommes fort démunis en France en matière d'histoire relative aux entreprises étrangères. D'une
part, les historiens se sont surtout intéressés aux immigrés qui s'organisèrent dans des mouvements
politiques. Ensuite, l'histoire de l'immigration est des plus récentes et rarement s'est-on consacré à
l'aspect économique de l'émigration. L'histoire des entreprises est d'ailleurs limitée en France, en raison
à la fois de la réticence des entrepreneurs à livrer leurs secrets et des fantasmes attachés à la réalité
de l'entreprise. Enfin, les créateurs d'entreprise étrangers étaient peu à même de laisser des archives.
Les entreprises ont sans doute été très variées. Certains de ces étrangers, par exemple, s'étant
intégrés et ayant alors réalisé leur projet, dans quelle mesure étaient-ils encore des étrangers ?
Comment ont-ils vécu leur propre histoire et se sentent-ils concernés par elle ? Pour l'heure, les
documents font défaut aux chercheurs.17
Revue Européenne
des Migrations Internationales
Volume 8 - N° 1
1992
Que sait-on en France
des créateurs d'entreprises
étrangers depuis un siècle ?
Michel DREYFUS
Y-a-t-il eu en France avant la Seconde Guerre ou depuis,
des immigrés créateurs d'entreprise ? L'histoire de l'immigration ainsi que celle de
l'entreprise devraient permettre de pouvoir répondre à cette question. Pourtant, si
des immigrés ont dirigé des entreprises et animé des secteurs de la vie économique, il
est souvent difficile d'en trouver trace aujourd'hui et dans la majorité des cas nous
sommes fort démunis pour des exemples concrets. Ceci ne manque pas de
surprendre compte-tenu de l'importance qu'ont eu les diverses émigrations en
France depuis des décennies. Pour étonnante qu'elle soit, cette situation a pourtant
des causes objectives que l'historiographie, tant de l'émigration que de l'entreprise,
permet de comprendre. Dans cet article nous voudrions expliquer les raisons d'un
tel état de choses et montrer pourquoi les historiens se sont fort peu préoccupés des
étrangers créateurs d'entreprise en France depuis un siècle jusqu'à aujourd'hui.
Pourquoi ces derniers restent-ils encore dans l'ombre ? D'où viennent les raisons
d'un tel oubli ? Une telle situation qui ne peut que contribuer à donner de l'émigra
tion une image inexacte s'explique tant par la façon dont a été initialement conçue
l'histoire de l'émigration que par les blocages dont a longtemps été victime l'histoire
des entreprises.
On ne saurait évidemment retracer ici un historique des diverses émigrations en
France, ne serait-ce que depuis le début du siècle. Nous partirons de trois postulats
de base simples et indiscutables : le fait migratoire se caractérise par son ancienneté
son importance et sa diversité. Nombreux déjà sont les étrangers sous l'Ancien
Régime et ce mouvement s'amplifie au XIXe siècle puis au XXe('). On peut estimer
qu'au tournant des années 1930 résident en France trois millions d'étrangers dont un
million d'Italiens, environ 500 000 Polonais et 250 000 Belges(2). Mais on ne doit
pas oublier qu'en 1939 on a pu recenser plus de 400 000 Espagnols, 15 000 Tchè
ques et autant de Yougoslaves sans oublier Allemands, Bulgares, Grecs, Roumains,
et quelques autres. L'ensemble représentait en 1930 le chiffre considérable de 7 % de
la population totale de l'hexagone. Paradoxalement pourtant durant une longue 18 Michel DREYFUS
période, les historiens se sont principalement intéressés à une infirme minorité
seulement de ces émigrés, ceux qui s'organisèrent dans des mouvements politi-
ques(3). Ici une distinction entre l'émigration politique et économique s'impose :
bien qu'elle puisse parfois être réductrice, cette division qui rend néanmoins compte
d'une certaine réalité est fondamentale. Il y a eu des émigrés qui étaient avant tout
des militants politiques alors que d'autres sont venus vivre en France poussés par la
faim et le chômage, attirés parfois par la perspective alléchante d'un contrat de
travail assuré avec une entreprise donnée. On retrouve cette division dans l'histori
ographie de l'émigration, dans la façon dont les historiens ont abordé son étude
depuis une quinzaine d'années : indiscutablement ils ont privilégié les mouvements
politiques au détriment des acteurs économiques, ce dont ils prennent maintenant
conscience(4). Une telle façon de voir les choses a pu contribuer, dans un premier
temps, à donner de l'émigration une vision partielle, principalement politique, voire
militante qui certes a existé mais qui ne se réduit pas à cette seule dimension. Cette
problématique s'explique tant par le contexte historico-intellectuel dans lequel ont
baigné les historiens depuis une quinzaine d'années que par leur formation initiale :
issus pour la plupart du champ de l'histoire sociale, ils ne pouvaient pas ne pas être
influencés par les modes de pensée qui avaient dominé lors de l'apparition et du
développement de cette dernière.
L'histoire de l'émigration apparaît en effet comme une des branches les plus
récentes de l'histoire sociale, cette histoire qui a pris son envol au tournant des
années soixante, lorsqu'une poignée d'historiens autour de J. Maitron s'est engagée
dans l'étude du mouvement ouvrier. Jusqu'alors ce dernier n'était guère reconnu
comme objet d'étude scientifique digne de la recherche universitaire. Il faut attendre
l'apparition d'une revue, Le Mouvement social, précisément en 1960, pour le voir
acquérir ses lettres de noblesse. Autour de son comité de rédaction, des historiens
comme M. Rébérioux, R. Trempé, M. Perrot, C. Chambelland, A. Kriegel,
J. Rougerie et bien d'autres commenc