Questions à propos de la littérature orale comme savoir - article ; n°1 ; vol.22, pg 17-26
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Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée - Année 1976 - Volume 22 - Numéro 1 - Pages 17-26
Dans cette note, écrite pour être parlée, et dont on a voulu conserver à la fois la forme et l'intention très limitée — prendre au sérieux quelques apports théoriques récents dans un domaine qui n'en voit pas si souvent surgir, s'en servir pour penser un objet empirique assez massif et résistant — on a tenté d'une part d'envisager ce qui se passerait si on regardait la (ou plutôt les) littérature (s) orale (s) algérienne(s) comme système et comme partie de système (i.e. comme ensembles structurés en genres ayant des rapports étroits entre eux, et comme sous-ensembles d'un discours social complexe où s'affrontent oralité et scripturalités), d'autre part de rappeler toutes les précautions qui s'imposent dès lors qu'on prétend utiliser contes, mythes ou poésie comme sources (documents) sur une société donnée, ceux-ci n'étant pas de simples miroirs. On a voulu ainsi ébaucher très rapidement une réflexion sur différents types de savoirs et/ou de discours (mythes, rêve, ou science) qu'on n'a pas coutume de penser ensemble, du moins dans le champ académique.
We have attempted to limit this study, originally intended for oral présentation, both in form and in scope, while trying to give serious consideration to some recent theoretical contributions regarding a vast and delicate empirical topic in a field where conceptual innovations are all too rare. Our purpose is to examine the entailments of studying Algerian literature, or rather literatures, as a system and, at the same time, as a sub-system, i.e. as a structural whole in which different genres are, to a limited extent, interrelated as well as as a sub-structure of a complex social discourse in which orality and scripturality confront each other. Simultaneously, we endeavour to underline the fact that great caution must be deployed the moment one attempts to use tales, myths or poetry as source material on a given society : such documents are not simply mirrors. We have thus sought to sketch out briefly some considerations on different forms of knowledge and/or expression (myth, dream or science) which are not generally thought of together, at least in the academic world.
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 45
Langue Français

Extrait

Fanny Colonna
Questions à propos de la littérature orale comme savoir
In: Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, N°22, 1976. pp. 17-26.
Citer ce document / Cite this document :
Colonna Fanny. Questions à propos de la littérature orale comme savoir. In: Revue de l'Occident musulman et de la
Méditerranée, N°22, 1976. pp. 17-26.
doi : 10.3406/remmm.1976.1374
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0035-1474_1976_num_22_1_1374Résumé
Dans cette note, écrite pour être parlée, et dont on a voulu conserver à la fois la forme et l'intention très
limitée — prendre au sérieux quelques apports théoriques récents dans un domaine qui n'en voit pas si
souvent surgir, s'en servir pour penser un objet empirique assez massif et résistant — on a tenté d'une
part d'envisager ce qui se passerait si on regardait la (ou plutôt les) littérature (s) orale (s) algérienne(s)
comme système et comme partie de système (i.e. comme ensembles structurés en genres ayant des
rapports étroits entre eux, et comme sous-ensembles d'un discours social complexe où s'affrontent
oralité et scripturalités), d'autre part de rappeler toutes les précautions qui s'imposent dès lors qu'on
prétend utiliser contes, mythes ou poésie comme sources (documents) sur une société donnée, ceux-ci
n'étant pas de simples miroirs. On a voulu ainsi ébaucher très rapidement une réflexion sur différents
types de savoirs et/ou de discours (mythes, rêve, ou science) qu'on n'a pas coutume de penser
ensemble, du moins dans le champ académique.
Abstract
We have attempted to limit this study, originally intended for oral présentation, both in form and in
scope, while trying to give serious consideration to some recent theoretical contributions regarding a
vast and delicate empirical topic in a field where conceptual innovations are all too rare. Our purpose is
to examine the entailments of studying Algerian literature, or rather literatures, as a system and, at the
same time, as a sub-system, i.e. as a structural whole in which different genres are, to a limited extent,
interrelated as well as as a sub-structure of a complex social discourse in which orality and scripturality
confront each other. Simultaneously, we endeavour to underline the fact that great caution must be
deployed the moment one attempts to use tales, myths or poetry as source material on a given society :
such documents are not simply "mirrors". We have thus sought to sketch out briefly some
considerations on different forms of knowledge and/or expression (myth, dream or science) which are
not generally thought of together, at least in the academic world.QUESTIONS A PROPOS DE LA LITTÉRATURE ORALE
COMME SAVOIR
par Fanny COLONNA
L'ensemble de ce texte doit être lu comme une série de questions (ou d'hypot
hèses) produites à la fois à partir de lectures théoriques (dont on trouvera la trace
plus loin), et du corpus de littérature orale (contes et poésies principalement) algé
rienne publié à ce jour. D reste que toute construction concernant les fonctions
de cette littérature orale (1), et en particulier sa fonction cognitive, demande à
être éprouvée en quelque sorte empiriquement, par l'étude de ce qui se passe à
ce niveau, au sein d'un ou de plusieurs groupes concrets. En effet, ce n'est pas de
la littérature orale pour elle-même dont il va s'agir ici, mais de ses rapports avec
le savoir des groupes qui la produisent, et plus précisément des groupes paysans.
Une approche "intéressée" donc, peut-être irritante pour les linguistes ou, ethno
logues "oraux", nécessaire pourtant à qui veut étudier, les, relations, entre savoir-
oral et savoir scripturaire, apte peut-être aussi à renouveler les approches classiques,
en se plaçant du point de vue des groupes producteurs.
Pourquoi savoir paysan et non savoir populaire ? Parce que peuple n'est pas
une catégorie scientifique. Si l'on veut dire prolétariat, il n'y a pas de savoir propre
au prolétariat. Je renvoie au Manifeste du Parti Communiste "les prolétaires n'ont
pas de patrie", c'est-à-dire ils n'ont ni culture ni histoire. Ce qui est chez Marx à
la fois une proposition normative (2) et une constatation empirique concernant le
prolétariat européen à la fin du XIXe siècle, reste à peu près vrai le
savoir au moins : le savoir du prolétariat urbain ou rural est un mélange mal intégré
du savoir des hautes classes (3) et de la classe de provenance, la paysannerie souvent.
Au contraire, les communautés rurales ont un savoir propre original, mais en
devenant paysanne, ou simplement en entrant dans un rapport quelconque (po
litique, économique) avec les villes, elles ne peuvent manquer de la relativiser en
le comparant au savoir des cités, généralement scripturaire, alors que le leur est
( 1 ) 11 serait d'ailleurs plus exact d'écrire littératures orales au pluriel. On peut se demander
à ce propos pourquoi le titre de ce débat entendait Littératures au pluriel et expression po
pulaire au singulier. Sans doute parce que le peuple est un, par définition : II y a en Algérie
une grande diversité d'expressions populaires qui s'opposent non pas tant par la langue, ni le genre,
que par la fonction.
(2) Voir Bourdet (Y von), "Prolétariat universel et cultures nationales". Revue Française
de Sociologie, 1972 - XIII - 2.
(3) Voir à ce sujet la recherche de Boltenski (L.), Prime éducation et morale de classe,
Paris, Mouton, 1969. La d'Hoggart, La Culture du Pauvre,Etude sur le style de vie
des classes populaires en Angleterre. Paris, Editions de Minuit, 1970, ne prouve pas réellement
le contraire concernant le savoir. F.COLONNA 18
oral. D'où la nécessité, lorsqu'on veut étudier le savoir paysan (et par conséquent
la littérature orale qui y participe, sans se superposer exactement à lui) de l'envisa
ger aussi dans ses relations avec le savoir légitime, c'est-à-dire scripturaire.
Reste enfin à définir ici les relations entre savoir paysan et littérature orale :
en première approximation, la littérature orale d'un groupe exprime une partie
de son savoir, par exemple les mythes (la cosmogonie), les chansons de gestes (l'his
toire), mais pas tout son savoir : l'ethnobotanique, la médecine, font rarement
l'objet d'un discours préconstruit, mais on peut en obtenir des séquences, des
"leçons", sous forme orale, en les sollicitant (4). Inversement, il y a des genres, dans
la littérature orale, comme la poésie erotique, dont la fonction est plutôt esthétique
que cognitive ; elle peut être source de connaissance au deuxième degré pour l'ethno
logue, mais non comme le mythe ou la chanson de gestes, au premier degré. En fait,
décider si le savoir a un statut conscient, réflexif dans les sociétés paysannes, n'est
pas un problème simple.
1 - LA LITTERATURE ORALE COMME SYSTEME, ET COMME ELEMENT
DE SYSTEME
Dans le chapitre de Y Anthropologie structurale 7/(5) qui s'appelle "la struc
ture et la forme ", et qui est en fait un compte rendu de la traduction anglaise de
la Morphologie du conte de Propp, Lévi-Strauss jette les bases d'une analyse de
la littérature orale comme système. Littéralement, son analyse porte sur les rela
tions entre mythe et conte (pp. 163/157), mais il semble qu'on puisse l'étendre
à toute la littérature orale d'un même groupe :
a) il n'y a pas, dit-il, de motifs sérieux d'isoler mythes et contes (c'est-à-dire
de ne pas les appréhender dans une même analyse),
b) il n'y a pas non plus, comme le pensait Propp, d'antériorité de l'un par
rapport à l'autre; le conte n'est pas un mythe résiduel,
c) il y a des relations de complémentarité entre les genres (p. 1 58),
d) aussi vaut-il mieux chaque fois qu'on peut s'adresser aux civilisations où
mythes et contes coexistent, "où par conséquent le système de la littérature est
total, et peut être appréhendé comme tel. . . " II ne s'agit pas, en effet, de choisir
entre conte et mythe, mais de comprendre que ce sont les deux pôles d'un domaine
qui comprend toutes sortes de formes intermédiaires — c'est là que peut s'inscrire
toute la littérature orale — et que l'analyse morphologique doit considérer au même
titre, sous peine de laisser échapper des éléments qui appartiennent à un seul et
même système de transformation"

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