Rapports entre les groupes dans la péninsule Ibérique. La conversion de juifs à l islam (XIIe-XIIIe siècles) - article ; n°1 ; vol.63, pg 91-101
12 pages
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Rapports entre les groupes dans la péninsule Ibérique. La conversion de juifs à l'islam (XIIe-XIIIe siècles) - article ; n°1 ; vol.63, pg 91-101

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Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1992 - Volume 63 - Numéro 1 - Pages 91-101
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 51
Langue Français
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Extrait

Mercedes Garcia-Arenal
Rapports entre les groupes dans la péninsule Ibérique. La
conversion de juifs à l'islam (XIIe-XIIIe siècles)
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°63-64, 1992. pp. 91-101.
Citer ce document / Cite this document :
Garcia-Arenal Mercedes. Rapports entre les groupes dans la péninsule Ibérique. La conversion de juifs à l'islam (XIIe-XIIIe
siècles). In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°63-64, 1992. pp. 91-101.
doi : 10.3406/remmm.1992.1541
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1992_num_63_1_1541Mercedes Garcfa-Arenal
RAPPORTS ENTRE GROUPES
DANS LA PÉNINSULE IBÉRIQUE
La conversion de juifs à l'islam (xile-xine siècles)
Sir Steven Runciman commençait son livre The Medieval Manichee (Cambridge, 1955) par
cette affirmation : "Tolerance is a social rather than a religious virtue". C'est une vertu nouvelle,
un anachronisme qui ne nous aide guère à comprendre les sociétés médiévales de la péninsule
Ibérique. Dans une société où l'identité sociale se définit principalement en termes religieux et comme
appartenance à l'une des trois religions dont chacune prétend être en possession de la vérité révél
ée, une vérité non seulement supérieure, mais encore exclusive des deux autres, il ne saurait y avoir
de tolérance, même pas du point de vue social. Il vaut mieux ne pas utiliser de termes qui impli
quent un jugement de valeur et qui, de plus, supposent une appréciation de l'individu qui caractér
ise le Romantisme européen plus que le Christianisme ou l'Islam médiéval.
Tout cela peut paraître évident, donc aller de soi, et pourtant elle est bien romantique, au sens
littéraire du mot, l'image qui se dégage de bien des travaux récents sur la société d'al-Andalus, pré
sentée comme une sorte de paradis, une "Arcadia Felix", surtout à l'époque du califat et des Taifas,
une société faite de convivialité et de tolérance, riche en diversité, assombrie par des périodes de
"fanatisme" destructeur lors des invasions almoravide et almohade, invasions perçues comme des
accidents parce qu'elles sont le fait de forces étrangères à la péninsule.
On trouve quelque chose d'analogue dans les travaux consacrés aux territoires soumis à la domin
ation chrétienne. L'échelle est différente en raison de leur moindre développement intellectuel et
social qui les rend moins brillants, mais les perspectives sont les mêmes : dans des travaux récents,
on se demande encore si la couronne d'Aragon était plus tolérante (donc "meilleure") que la cou
ronne de Castille. Ici aussi, du côté chrétien, l'intolérance, représentée par les moines de Cluny ou
les croisés européens, venait de l'extérieur. En ce qui concerne les problèmes méthodologiques et
la recherche d'un cadre théorique nouveau qui permettrait d'aborder l'étude des minorités dans la
péninsule au Moyen Age, on n'a guère avancé.
RE.M.M.M. 63-64, 1992/1-2 92 /Mercedes Garcia-Arenal
L'histoire de la péninsule Ibérique au Moyen Age se ramème à celle de ses minorités ; c'est ce
qui en fait l'attrait pour les chercheurs d'un pays qui sort de quarante ans d'une homogénéité for
cée et pour ceux de tout pays d'occident où les minorités, notamment les minorités islamiques, occu
pent une place de premier plan. La société médiévale de la péninsule où coexistence, compatibilité
et complémentarité sont présentes à côté de situations de conflit et d'affrontement peut être consi
dérée comme en état de tension positive et dynamique qui met en évidence la capacité d'intégra
tion de ses cultures. Le modèle ainsi tracé est si séduisant, il implique tant de valeurs et de problèmes
familiers aux sociétés occidentales d'aujourd'hui qu'il exige d'être cpnstamment revu et nuancé.
En disant qu'il faut le revoir, je propose de changer, non pas le point de vue moral (je ne me
demanderai donc pas si les Almohades étaient ou non des fanatiques), mais les perspectives. Les
contributions récentes les plus intéressantes sont, à mon sens, celles qui s'intéressent aux fluctua
tions des frontières entre groupes, aux mécanismes qui rendent ces frontières plus ou moins étanches
ou perméables en fonction de la conjoncture et à l'interdépendance des forces culturelles et socio-
économiques dans les rapports entre groupes1.
L'expression la plus significative de la force d'intégration de la religion dominante est à cher
cher dans les conversions de fidèles de l'une des deux autres. Conversion due à l'intime convict
ion dans les cas individuels et dont la plupart sont des personnes cultivées, conversion due à la pression
de la société, à l'influence des normes culturelles de la majorité (c'est-à-dire, conversion comme
expression finale de l'acculturation)2, au conformisme ; conversion des élites lorsque la minorité
à laquelle elles appartiennent ne peut plus leur garantir un rôle social ; enfin, conversion par décret
et pression politique, c'est-à-dire, conversion à la pointe de l'épée3. C'est là un problème de base
pour l'étude des sociétés multireligieuses et qui concerne toutes les minorités espagnoles : conver
sion de chrétiens à l'Islam, de musulmans au christianisme, de juifs au christianisme ou à l'Islam,
problème qui en pose un autre : la considération sociale du converti et son assimilation ou l'absence
d'assimilation au groupe social hégémonique. La réduction de la distance culturelle entre les
groupes (acculturation) ne conduit pas toujours à réduire la distance sociale (assimilation) et il est
du plus grand intérêt de s'interroger sur le moment et sur les raisons du second phénomène. En effet,
on est en présence de trois religions, mais seulement de deux cultures, la chrétienne et la musul
mane ; les juifs se rattachent à l'une ou à l'autre, en fonction du territoire où ils vivent4. Je veux
dire par là que si la religion est l'axe de division le plus important, elle n'est pas la seule caracté
ristique qui puisse nous servir à définir l'identité sociale. Au fur et à mesure que se modifient les
frontières territoriales, chrétiens et juifs arabisés en territoire chrétien constituèrent des groupes nou
veaux et différenciés, ce qui prouve bien qu'à l'occasion la ressemblance religieuse n'était pas un
facteur suffisant d'articulation. Il existe des zones instables, des frontières changeantes que les
groupes établissent entre eux, d'effacements et d'oscillations entre divers groupes religieux qui don
nent lieu à des phénomènes du plus haut intérêt. Le cas des mozarabes est sans doute le plus connu,
ainsi que ce que l'on a appelé récemment le cas néo-mozarabe5, c'est-à-dire l'assimilation au
groupe mozarabe de musulmans convertis au christianisme après s'être trouvés à l'intérieur du ter
ritoire chrétien en raison de la progression de la reconquête6.
Certains historiens ont cherché à utiliser les notions théoriques des sciences sociales qui exami
nent les systèmes pluriethniques dans des sociétés coloniales ou post-coloniales7. Au risque de
tomber dans une autre forme d'anachronisme, Glick8 s'est notamment référé aux systèmes de rap
ports ethniques décrits par Van den Berghe9 et divisés en systèmes paternalistes et concurr
entiels. Les rapports paternalistes se caractérisent pas des divisions horizontales entre castes, une
faible mobilité entre ces castes, l'acceptation par les groupes inférieurs de leur statut. Ce sont des
systèmes qui connaissent peu de conflits entre groupes. Les systèmes concurrentiels présentent des
divisions avec une tendance à la verticalité puisque les niveaux différents de statut varient à l'inté- Rapports entre groupes dans la péninsule Ibérique/ 93
rieur de chaque groupe. Ce sont des systèmes où les conflits sont plus fréquents. Les deux types
se distinguent par des traits institutionnels qui règlent ou limitent la participation au pouvoir poli
tique des groupes subalternes. Glick suggère que les deux systèmes sont applicables au cas d'al-

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