Réflexions à partir de renouvellements de locutions stéréotypées - article ; n°137 ; vol.34, pg 46-62
18 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Réflexions à partir de renouvellements de locutions stéréotypées - article ; n°137 ; vol.34, pg 46-62

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
18 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Langages - Année 2000 - Volume 34 - Numéro 137 - Pages 46-62
Modifications of stereotypical locutions in literary texts are well known rhetorical procedures. Studies of this subject have largely focused upon the deconstructive function of such modifications. Adopting a constructive perspective, this contribution will examine such procedures not only as a way of denying a given form of aesthetics and/or a given system of values but also as a means of proposing a new form of aesthetics and a new system of values. Since modifications of stereotypical locutions articulate formal signs which explicitly invite the reader to construct dialogical relations between the known (a source universe) and the unknown (a target universe), they can be considered a particularly obvious example of a type of enunciative operations which is productive for the interpretation of poetic language in general.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Ursula Bähler
Réflexions à partir de renouvellements de locutions
stéréotypées
In: Langages, 34e année, n°137, 2000. pp. 46-62.
Abstract
Modifications of stereotypical locutions in literary texts are well known rhetorical procedures. Studies of this subject have largely
focused upon the deconstructive function of such modifications. Adopting a constructive perspective, this contribution will
examine such procedures not only as a way of denying a given form of aesthetics and/or a given system of values but also as a
means of proposing a new form of aesthetics and a new system of values. Since modifications of stereotypical locutions articulate
formal signs which explicitly invite the reader to construct dialogical relations between the known (a "source universe") and the
unknown (a "target universe"), they can be considered a particularly obvious example of a type of enunciative operations which is
productive for the interpretation of "poetic language" in general.
Citer ce document / Cite this document :
Bähler Ursula. Réflexions à partir de renouvellements de locutions stéréotypées. In: Langages, 34e année, n°137, 2000. pp. 46-
62.
doi : 10.3406/lgge.2000.1784
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_2000_num_34_137_1784Ursula BÀHLER
Université de Zurich
RÉFLEXIONS À PARTIR DE RENOUVELLEMENTS
DE LOCUTIONS STÉRÉOTYPÉES
Propos
Les modifications, dans des textes littéraires, de locutions stéréotypées sont un
procédé rhétorique bien connu, régulièrement pratiqué au cours des siècles *. Les
études qui ont été menées sur ce sujet aboutissent en général à la constatation, très
juste, que les transformations d'expressions figées — qu'il s'agisse de clichés, de
proverbes, de sentences, d'aphorismes, de maximes, de dictons etc. — sont une
manière, souvent ironique, de solliciter la conscience métalinguistique du lecteur, et,
par là même, un moyen de déstabiliser et de dénoncer, à partir d'une réaction
pathémique spontanée (l'étonnement ou le choc du lecteur face à un « horizon
d'attente » ébranlé) une certaine vision du monde (capitaliste et bourgeoise, la
plupart du temps) ou une esthétique littéraire (tour à tour classique,
romantique, parnassienne, etc.)2. C'est avant tout la fonction déconstructive des
modifications qui a attiré jusqu'ici l'attention des critiques. Ce qui est beaucoup
moins analysé, par contre, c'est la fonction constructive du même phénomène,
c'est-à-dire la nouvelle vision du monde et/ou la nouvelle esthétique également mises
en scène à travers des renouvellements de syntagmes figés 3.
Nous allons adopter ici un point de vue constructiviste et considérer les modifi
cations de locutions stéréotypées comme un procédé rhétorique doublement signi
fiant pour l'interprétation des discours poétiques :
(1) contenant un ou plusieurs signaux différentiels de surface, ces modifications
déclenchent spontanément une opération énonciative de type dialogique qui
permet d'appréhender les valeurs d'un univers poétique donné (cas de figure 1) ;
(2) par là même , elles mettent à nu un mécanisme interprétatif dont les propriétés
peuvent être transposées aux opérations énonciatives requises par la construc
tion des textes poétiques modernes en général (cas de figure 2), ce qui nous
1. Voir, pour un survol, Perrin-Naffakh 1985 : 563-644.
2. Sans aucun souci d'exhaustivité ni de systematické, je renvoie le lecteur aux études de Riffaterre
1971, Juillard 1984, Chauvin 1993, Dumas 1994, Goulet 1994.
3. On trouve évidemment, ici et là, quelques réflexions de ce type, et notamment dans l'excellent livre
de Amossy/Rosen 1982 : 109-137 (ch. IV, « La pratique ludique du cliché ») ; voir également, par exemple,
Imbert 1983 : 127ss. ou Alexandre 1993.
46 la possibilité d'éclairer d'un jour nouveau le phénomène tant discuté du donnera
« langage poétique ».
Dans notre démonstration, toutes les expressions habituellement utilisées pour
désigner les différentes formes de syntagmes figés seront remplacées par celle de
citation. On entendra par là le fragment d'un discours antérieurement tenu auquel
un texte donné se réfère en l'« insérant dans son espace l[e] reformulant au be
soin » 4. Le terme de citation a l'avantage d'articuler un schéma syntaxique simple à
deux positions, source et cible. Ces deux positions seront corrélées à deux univers
discursifs, un univers-source ou d'origine, et un univers-cible. Si le premier corres
pond à un univers discursif déjà réalisé, le deuxième s'identifie à cet univers encore
inconnu qui se réfère au premier en le modifiant. Le rapport entre l'univers-source
et l'univers-cible est donc orienté et c'est de sa construction par un sujet d'énoncia-
tion qu'émerge l'identité de Г univers-cible, c'est-à-dire de l'univers poétique pris en
considération.
Nos réflexions partiront essentiellement d'exemples pris dans des textes de Joë
Bousquet, ami intime de Paulhan, et, comme ce dernier, auteur particulièrement
conscient de l'efficacité rhétorique de citations, intactes ou transformées 5. Les
instruments d'analyse et les résultats auxquels la présente étude aboutira n'ont
pourtant rien de spécifiquement bousquetien, mais sont supposés valables pour le
domaine de la poésie moderne en général 6.
Cas de figure 1
« PROFONDEUR INSONDABLE DE LA PAROLE : GAGNER SON PAIN À LA
LUEUR DE SON FRONT » (Joë Bousquet, Mystique, p. 241).
Un lecteur occidental quelque peu cultivé rapprochera de façon spontanée le
syntagme « gagner son pain à la lueur de son front » — qui se trouve dans Mystique,
une sorte de journal intellectuel de Joë Bousquet — de la sentence « gagner son pain
à la sueur de son front ». En ce faisant, il effectue une double opération :
(1) à partir de la présence de la chaîne verbale I gagner son pain à la [x] de son
front I 7 il identifie la citation-source ;
(2) sur ce fond d'identité, il remarque une différence : au lieu du lexeme « sueur »
qu'il attend en position de [x], il trouve le terme « lueur », qui le surprend.
4. Herschberg-Pierrot 1980 : 339.
5. L'interprétation des textes ici choisis, nécessairement centrée sur le propos de cet article, se fonde
sur une analyse plus ample que nous avons faite ailleurs sur l'univers poétique de Bousquet (Bàhler 1997).
6. Entendons par poésie moderne, de façon très générale, celle qui témoigne de l'éclatement postméd
iéval d'une vision monologique (chrétienne) du monde.
7. Nous mettrons des barres pour indiquer que nous considérons les lexemes ou les groupes de lexemes
qui en sont affectés comme des grandeurs dont le contenu sémantique exact reste à construire.
47 Cette substitution lexicale, qui provoque une réaction thymique (de l'ordre de
1'étonnement et de la surprise) chez le lecteur, marque en même temps la transfor
mation de la citation-source en la citation-cible. La paronomase in absentia réalisée
par « lueur » - « sueur » souligne en l'occurrence à la fois le lien et l'écart entre les
deux figures, et partant entre les deux syntagmes dans leur totalité.
La relation identité/différence relevée au niveau de l'expression constitue une
indication de lecture : elle nous invite, en effet, à établir un rapport du même type au
niveau du contenu. Il convient alors de préciser ce que nous entendons par le
« contenu » d'un texte poétique.
Partageant les thèses de Jacques Geninasca 8, nous considérons le discours
poétique (et plus généralement esthétique) tel qu'il se donne à construire à partir
d'un objet textuel donné comme un lieu privilégié où le Discours poétique entretient
des rapports tensifs avec d'autres Discours, poétique, social, scientifique et/ou
religieux, pour ne nommer que les plus importants. Dans une telle perspective, le
contenu d'un texte poétique s'identifie donc essentiellement à un dialogisme des
Discours d'où émerge, dans un mouvement dialectique, l'identité du Discours
poétique même 9

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents