S. K. Šaumjan et la linguistique soviétique - article ; n°33 ; vol.8, pg 3-14
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Description

Langages - Année 1974 - Volume 8 - Numéro 33 - Pages 3-14
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1974
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

René L'hermitte
S. K. Šaumjan et la linguistique soviétique
In: Langages, 8e année, n°33, 1974. pp. 3-14.
Citer ce document / Cite this document :
L'hermitte René. S. K. Šaumjan et la linguistique soviétique. In: Langages, 8e année, n°33, 1974. pp. 3-14.
doi : 10.3406/lgge.1974.2249
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1974_num_8_33_2249L HERMITTE RENE
Paris IV
S. K. SAUMJAN
ET LA LINGUISTIQUE SOVIÉTIQUE
C'est à son article « Le problème du phonème » qu'on peut rapport
er l'entrée — fracassante — de Sébastien Konstantinovič Šaumjan
dans la vie linguistique de l'URSS. Cette étude, parue au cours de l'été
1952 dans les « Informations de l'Académie des Sciences de l'URSS
— Section littérature et langue x », n'apportait certes aucune innovation
théorique fondamentale. Toutefois, et même si l'autorité absolue des
« marristes » avait été liquidée depuis deux années, les conditions
politiques et intellectuelles qui prévalaient alors en Union Soviétique,
ainsi que la situation internationale (guerre de Corée), rendaient tout
débat théorique difficile. D'où l'importance de l'intervention de Šaumjan.
D'où également la prudence du collège rédactionnel qui, dans une note
accompagnant l'article, précisait que ce dernier ne représentait pas
son ojpinion et qu'il était publié pour « discussion ».
Saumjan commençait son étude par l'hommage rituel à Staline,
pour son intervention décisive dans la de 1950, voire à Jdanov,
mais d'emblée posait des questions qui, depuis de longues années, avaient
été mises plus ou moins à l'écart de l'ordre du jour des débats linguis
tiques en URSS, celles du statut et de la validité de la phonologie.
Se référant à Lénine qui, en son temps, à propos de l'apparition
de nouvelles théories scientifiques, comme par exemple la relativité,
avait souligné la nécessité du recours à l'abstraction, puis, montrant
l'utilité pratique de la phonologie (notamment dans l'enseignement
des langues étrangères et l'élaboration de nouveaux alphabets), Šaum
jan s'attaquait au problème de la définition et de l'existence des pho
nèmes et des traits pertinents (différentiels), et rendait au passage hommage
à Baudoin de Courtenay et, chose qui à l'époque pouvait sembler
audacieuse, à Troubetzkoy, dont il critiquait toutefois l'éclectisme 2.
Au passage il polémiquait contre les représentants de l'École de
Moscou, — avec lesquels il était pourtant en général d'accord — , leur
1. Izvestija Akademii Nauk SSSR, Otdelenie literatury i jazyka, t. XI, vyp. 4,
juin-août 1952, pp. 324-343.
2. Notons que tout en reprenant l'essentiel des conclusions d'A. Martinet, il
lui reprochait de ne voir dans le phonème qu'une « hypothèse de travail », une « fiction
scientifique ». Plus sévère était son jugement sur Hjelmslev (O.C., pp. 334-335). reprochant en particulier d'avoir distingué entre variations (les variantes,
au sens habituel du mot) et les variantes (correspondant aux archipho-
nèmes d'A. Martinet), et proposait d'introduire la notion de phonème
mixte (p. ex. /k-g/ en russe, qui se réalisent en [k] en finale, ou /a-o/,
qui se réalisent, selon le cas, en [a] ou [9] en position atone). Cependant
ses critiques étaient surtout dirigées contre Ščerba, qu'on considérait
alors officiellement en URSS comme le créateur de la théorie du pho
nème, mais à qui Šaumjan reconnaissait des mérites dans la seule phys
iologie des sons mais nullement en phonologie.
Les réactions, nombreuses et souvent fort aigres, à son article ame
naient Šaumjan à intervenir de nouveau dans le dernier numéro de 1953
de la même revue 3, — précision chronologique qui est loin d'être inutile,
en raison des événements survenus cette année-là : mort de Staline, armist
ice en Corée. D'entrée, Šaumjan reprochait à ses adversaires, dont
certains l'avaient accusé « d'idéalisme », de « relativisme », « d'anti-
historisme », de « scolastique » etc., leur incompréhension des problèmes
de la science contemporaine et leur nihilisme à l'égard de l'héritage
scientifique de Troubetzkoy, — ce qui les rapprochait, disait-il, des
« marristes ». Il estimait que les positions politiques qu'avait pu avoir
Troubetzkoy étaient une chose, ses théories scientifiques une autre,
et que celles-ci appartenaient à la science russe. Au passage il évoquait
avec chaleur les travaux des linguistes structuralistes de Pologne et de
Tchécoslovaquie.
On peut retenir de ce nouvel et long article moins sa vigueur pol
émique 4, qui l'amenait par exemple à mettre dans le même sac les « Mos
covites » (Avanesov, Reformatskij, etc.), proches pour l'essentiel
de lui, et les « Léningradois » (Ščerba et ses disciples, Zinder, Matu-
sevič, 5), tenants, eux, d'un point de vue fondamentalement phonétique
et non fonctionnel, que l'affirmation de ses positions de principe : réfé
rences aux travaux de Troubetzkoy et des linguistes de la même école
(parmi lesquels il rangeait A. Martinet); définition suivante du phonème :
« unité réelle, indivisible », caractérisée « par un ensemble déterminé
de traits différentiels » et « par les limites fonctionnelles spécifiques ».
Cette seconde intervention de Šaumjan fut suivie d'une note de
la Rédaction de la revue qui mettait fin aux débats. La Rédaction, tout
en se flattant de leur caractère libre, s'accusait de ne pas avoir été assez
« operative ». Elle portait un jugement fort sévère sur Šaumjan qu'elle
déclarait « isolé » et à qui l'on reprochait « d'avoir ressassé les leçons de
la science bourgeoise ». Sur le fond, la Rédaction rejetait le structuralisme
en général et l'approche fonctionnelle en particulier. Pour elle, ce qui
3. Izvestija Akademii Nauk SSSR, Ot. 1. i jaz., 1953, t. XII, 6, pp. 529-548.
4. Dans la copieuse introduction à son intéressante Chrestomathie « Iz istorii
otesčestvennoj fonologii », M. 1970, A. A. Reformatskij rappelle : « S. K. Šaumjan
intervint avec beaucoup de rigueur quant aux principes (očen' principial' no ) , de
vivacité, d'une manière « extrémiste » et parfois démagogique. C'est dans ce « tonus »
que résident à la fois son mérite et son erreur : son mérite parce qu'il était depuis
longtemps urgent de « faire bouger » canons et routine, son erreur parce qu'il s'en
prit à tout le monde, et de plus en manquant de tact » (O.C., p. 36).
5. Šaumjan rangeait parmi eux Bernštejn qui avait en fait recherché un moyen
terme entre « Moscovites » et « Léningradois ». ce n'était pas les traits distinctifs des sons du langage, mais comptait,
leurs propriétés articulatoires et acoustiques, leur rôle d'éléments de
formation des mots et, à cet égard, leur valeur cognitive. Bien entendu
il était reproché à Šaumjan, et au-delà de ce dernier, à la phonologie,
leurs attaques contre « la phonétique historique traditionnelle », le
caractère abstrait du concept de phonème dès l'instant où l'on s'élo
ignait de la simple constatation des réalités phoniques. Naturellement,
l'École de Moscou n'était pas épargnée : la note soulignait que ses repré
sentants avaient beaucoup de points communs avec le structuralisme
phonologique — ce qui était d'ailleurs exact, même si à cette époque,
compte tenu de l'atmosphère idéologique qui régnait depuis des années,
ils n'étaient guère enclins à l'admettre eux-mêmes. Par contre, les « Lénin-
gradois » (non désignés comme tels, bien sûr) étaient honorés comme
« fidèles disciples et continuateurs de Ščerba ». En conclusion la Rédact
ion des « Informations » affirmait tout à la fois que « le problème du
phonème était dépassé précisément en tant que problème », que d'ailleurs
« le n'était en aucune manière une unité linguistiq

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