Synchronie/diachronie : méthodologie et théorie en linguistique - article ; n°49 ; vol.12, pg 91-111
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Description

Langages - Année 1978 - Volume 12 - Numéro 49 - Pages 91-111
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 48
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Louis Chiss
Synchronie/diachronie : méthodologie et théorie en linguistique
In: Langages, 12e année, n°49, 1978. pp. 91-111.
Citer ce document / Cite this document :
Chiss Jean-Louis. Synchronie/diachronie : méthodologie et théorie en linguistique. In: Langages, 12e année, n°49, 1978. pp.
91-111.
doi : 10.3406/lgge.1978.1923
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1978_num_12_49_1923J.-L. Chiss
SYNCHRONIE/DIAGHRONIE :
MÉTHODOLOGIE ET THÉORIE EN LINGUISTIQUE
dans « l'illusion Pour dire qu'elle les choses peut se brutalement, passer de théorie l'histoire au sens vit
fort, d'une théorie de son objet, et donc d'une définition
de son objet théorique. Ce qui lui sert de théorie, ce qui,
à ses yeux, en tient lieu, c'est sa méthodologie, c'est-à-dire
les règles qui gouvernent ses pratiques effectives, pra
tiques centrées sur la critique des documents et l'ét
ablissement des faits. Ce qui lui tient lieu d'objet théorique,
c'est à ses yeux son objet « concret ». L'histoire prend
donc sa méthodologie pour la théorie qui lui manque,
et elle prend le « concret » des évidences concrètes du
temps idéologique pour l'objet théorique. Cette double
confusion est typique d'une idéologie empiriste ».
(L. Althusser, 1968, I, p. 136)
Le retour à Saussure
Quiconque s'essaye à une réflexion rigoureuse sur ce moment décisif
de la genèse de la pensée linguistique qu'est le Cours de linguistique générale 1
doit à notre sens se prémunir d'emblée contre les dangers de la « vulgate
saussurienne ». Le réductionnisme méthodologique et pédagogique d'un
très vaste courant de la linguistique moderne — celui que nous nommons
linguistique structurale — qui s'est autorisé des décennies durant de l'e
nseignement de Saussure, a souvent appauvri la richesse théorique du CL G
en un catalogue de notions, de couples oppositifs abstraits de leur contexte,
de la systématicité conceptuelle où ils se tenaient, sans toujours tenir
compte du but fixé par Saussure à sa propre recherche linguistique. Force
est de constater que la nomenclature, à la rigueur le réseau d'oppositions
qui forment l'abc de l'initiation linguistique, est plus celui du structuralisme
que de Saussure lui-même.
Face à certaines tendances empiristes dans les études linguistiques, la
signification d'un « retour à Saussure » doit être la prise en compte d'une
exigence théorique pour le développement ici et maintenant de la linguistique
et pas un simple travail d'historien des sources ou d'exégète soucieux de
restituer « l'authentique » pensée du maître genevois. Le retour à Saussure
et son corrélat indispensable, la distinction entre Saussure et les structur
alistes, n'est pas à laisser aux spécialistes de l'histoire de la linguistique,
sauf à considérer qu'il ne saurait y avoir de fossé entre l'épistémologue et
l'historien des sciences. C'est dire que l'avancée de la linguistique contemp
oraine vers des secteurs réputés absents de la problématique saussurienne
(théorie de renonciation, sociolinguistique, analyse des discours) gagnerait
à s'enraciner non sur le tout-venant des évidences idéologiques mais sur
1. Le Cours de linguistique générale figure dans notre texte en abrégé sous la forme
CLG. La pagination renvoie à l'édition critique de T. de Matjro (cf. bibliographie).
91 une réflexion épistémologique approfondie de l'histoire contradictoire des
concepts fondamentaux de la linguistique 2.
S'il est vrai qu'une science n'acquiert son droit à l'autonomie que par la
définition d'un objet spécifique, il s'agit pour les nouvelles disciplines linguis
tiques de penser avec clarté le concept de leur distinction avec les théories
qui leur préexistent, comme Saussure, en son temps, s'est essayé à produire
dans son œuvre l'écart irréductible qui le sépare de ses prédécesseurs * :
« (...) la science linguistique, née en Allemagne, développée en
Allemagne par une innombrable catégorie d'individus, n'a jamais eu
la même velléité de s'élever à ce degré d'abstraction qui est nécessaire
pour dominer d'une part ce qu'on fait, d'autre part en quoi ce qu'on fait
a une légitimité et une raison d'être dans l'ensemble des sciences (...) »
(Saussure, Notes 59, cité par de Mauro, p. 413).
Comment lire synchronie/diachronie ?
Du grand débat ouvert sur la scène de la linguistique — et des sciences
humaines — entre le structuralisme et l'histoire et qu'aucun juridisme
de principe ne peut clôturer, débat dont les séquelles conditionnent les
recherches, avancées ou reculs, il s'agit peut-être de réévaluer les termes
en prenant pour ligne directrice ce « nœud théorique » que constituent les
notions de synchronie et diachronie dans le CL G. Il nous a semblé qu'à
travers ce couple, son origine et sa glorieuse destinée, se jouaient l'ensemble
des problèmes fondamentaux qui conditionnent le devenir de la linguistique
et ce depuis l'avènement du comparatisme juqu'à nos jours.
La difficulté de poser l'ensemble des questions touchant à ces deux
notions tient en grande partie à la nature même de l'exigence retenue plus
haut, à savoir la reconnaissance d'une systématique conceptuelle saussu-
rienne : on nous pardonnera la trivialité de la comparaison : si l'on tire la
maille synchronie c'est tout le tricot CL G qui vient avec... Tout en tenant
compte de cette incontournable complexité, on n'en circonscrira pas moins
le débat en posant grosso modo la possibilité d'une double lecture de l'oppo
sition synchronie/diachronie et de la notion de synchronie elle-même : une
lecture intralinguistique, technique et méthodologique d'une part, une épistémologique et théorique d'autre part, dépassant le cadre du li
nguistique stricto sensu pour investir la problématique des diverses sciences
humaines et/ou sociales.
Pour s'assurer de la validité d'une telle hypothèse, on proposera le
parcours suivant :
2. Malgré certaines tentatives reflexives sur les problèmes épistémologiques de
leur science (cf. le panorama brossé par J. Kristeva in Langages, n° 24), la tendance
dominante des linguistes est de privilégier les aspects méthodologiques, souvent au
détriment de l'approche spécifiquement théorique qui viserait à définir le mode de pro
duction des concepts et de leurs enchaînements. Une telle situation conduit parfois à
se satisfaire d'une prise simpliste sur les problèmes linguistiques, en terme de « comble
ment de manques » ou de « dépassement » de Saussurb ou du « structuralisme ». C'est
le cas de certaines disciplines para-linguistiques qui, croyant « dépasser » Saussure,
risquent de régresser avant Saussure. Se maintient ainsi — sans que certaines injec
tions de « social » ou d'« historique » y changent quoi que ce soit — l'opposition stérile
du formalisme et du sociologisme.
3. Il ne s'agit pas d'entériner l'idée de l'existence d'un discours scientifique à l'état
pur mais de montrer simplement comment un discours peut viser à la scientiflcité en
adoptant un point de vue théorique, même s'il reste inévitablement accompagné d'une
contrepartie idéologique. Seule une conception affirmée de l'historicité du développement
scientifique peut réduire le caractère par trop tranché de la coupure entre la science et
l'idéologie, surtout en ce qui concerne le secteur des sciences humaines.
92 Montrer à travers une courte réflexion sur la linguistique du xixe siècle 1.
(de Bopp à Whitney) l'impossibilité de la constitution d'une science li
nguistique tant que n'a pas été débrouillée la confusion entre la dimension de
l'histoire et celle du système, malgré des avancées chez les néo-grammairiens,
par exemple, qui anticipent sur l'opposition du synchronique et du diachro-
nique.
2. Examiner chez Saussure lui-même dans le CL G, les sources manusc
rites, le Cours de 1891 sur la phonétique et la morphologie *, cette double
approche de la synchronie et de

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