Synthese européenne. Réalité et illusions - article ; n°1 ; vol.11, pg 173-205

Jean-Michel Salaun, Christian Pradié

Description

Réseaux - Année 1993 - Volume 11 - Numéro 1 - Pages 173-205
33 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: RESEAUX
• Publié le: 01 janvier 1993
• Nombre de lectures: 22
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Christian Pradié
Jean-Michel Salaün
Synthese européenne. Réalité et illusions
In: Réseaux, 1993, Hors Série 11 n°1. pp. 173-205.
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Pradié Christian, Salaün Jean-Michel. Synthese européenne. Réalité et illusions. In: Réseaux, 1993, Hors Série 11 n°1. pp.
173-205.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0984-5372_1993_hos_11_1_3610SYNTHESE EUROPEENNE
REALITE ET ILLUSIONS
Christian PRADIE
Jean-Michel SALAŮN (*)
Une première précision est nécessaire. Nous avons dans notre
titre laissé planer une ambiguïté de vocabulaire. L'audiovisuel dont
il sera question ici concerne quasi-exclusivement la télévision
(broadcasting) et ses dérivés. Nous ne traiterons pas, ou seulement
par raccroc, des multiples utilisations, professionnelles ou domest
iques, de l'image transportée sur réseau électronique (visiocon
férences, visiophone, échanges d'images fixes ou animées...). Plutôt
que l'élargissement des télécommunications vers un nouveau sup
port, voix ou écrit vers l'image, ce qui nous intéresse ici c'est la
rencontre et la confrontation de deux modèles médiatiques, structu
rés de longue date : le téléphone et la télévision. Ce parti-pris nous
amène aussi à n'aborder la question des fabricants de matériels qu'à
la marge. Sans doute ces absences seront regrettées, mais l'aspect
technique de la question étant au contraire généralement surévalué
dans les études, nous avons voulu privilégier un autre point de vue.
Cet a priori a néanmoins l'inconvénient d'exclure l'analyse des
stratégies de puissants acteurs industriels, notamment dans leur
relation avec les opérateurs de réseau. Mais nos enquêtes, forcément
limitées, ne nous permettaient pas de les prendre en compte.
Chacun des deux modèles a des caractéristiques particulières
qui transcendent les spécificités nationales. Néanmoins l'histoire
locale et la dynamique des acteurs, industriels, politiques, sociaux
autochtones varient d'un pays à l'autre. La confrontation s'inscrit
donc dans une tradition propre qui entraîne d'importantes différences
de situations. Dans ce contexte la convergence, désirée par les
ingénieurs, est souvent retardée ou détournée par les négociations et
(♦) En collaboration et à partir des contributions de Suzanne BICKEL, Eric BIERIN,
Enrique BUSTAMANTE, Nicholas GARNHAM, Geoff MULGAN, Pierre MUSSO,
Guy PINEAU, François PICHAULT et Giuseppe RICHER!
173 difficultés quotidiennes sur le terrain. Elle reste malgré tout un les
horizon d'autant plus vraisemblable que la Communauté euro
péenne soutient clairement ses développements techniques.
La convergence des modèles, en cours ou souhaitée, fait surgir
des questions de définition, juridiques pour les régulateurs mais plus
encore stratégiques pour les acteurs, qui nécessitent pour s'éclairer
une précision dans l'analyse. Il faut notamment faire la part entre
trois activités : ce qui ressort du transport du signal, de la production
ou distribution de biens informationnels et enfin de services
informationnels. Faute de ces précisions, il est bien difficile
aujourd'hui d'y voir clair dans les multiples entrelacements des
acteurs et de leurs stratégies.
Cet affinement et les conséquences qui en découlent sur
l'observation du terrain permettent de requestionner la production
des territoires par la mise en place des réseaux, la régulation
politique ou celle du marché. Finalement le thème de la convergence
ne masque-t-il pas celui de la reconfiguration d 'un territoire politique,
celui de 1 ' Europe, par la déréglementation de secteurs nationalement
sensibles et leur reconstruction à une autre échelle sur la base d'un
réseau intégré ou même de réseaux éclatés ?
Les deux modèles originels
Première clé : diversification des branches
Actuellement il peut paraître paradoxal de rechercher des
convergences dans l'évolution des industries des télécommunications
et de l'audiovisuel. Chacune des deux branches, en effet, semble
orienter son avenir dans des voies bien différenciées. Dans la plupart
des pays de l 'Europe de l 'Ouest, les signes de différenciation sont en
tout cas beaucoup plus manifestes que ceux de rapprochement.
La première constatation est donc d'abord l'affirmation de
modèles, bâtis sur les activités traditionnelles : le téléphone et la
télévision dont il est facile de relever les caractéristiques principales.
Finalement pays par pays, les écarts par rapport à un modèle moyen
sont minimes.
L'histoire de ces deux modèles, qui fut plus parallèle qu'entre
croisée, a néanmoins une morale commune : l'épuisement relatif des
structures traditionnelles. Aujourd'hui, à des degrés différents sui-
174 vant les pays, le téléphone comme la télévision, en développement
du parc de terminaux comme en développement de services, arrivent
à maturité. La croissance des branches qui les supportent ou celle des
acteurs industriels qui les développentpasse donc par un élargissement
ou une diversification.
La tentation de l 'un d'investir ou d'expérimenter sur le terrain
déjà balisé de l'autre est grande, mais il reste aussi un vaste champ
de manoeuvre intermédiaire qui commence à être exploré. La
convergence, analysée en terme de modèles apparaît donc comme
l'occupation du fossé qui séparait les deux ancêtres.
Caractéristiques des modèles
Le téléphone et la télévision ont des caractéristiques communes
et des spécificités particulières qui dépassent les différences natio
nales.
Les traits communs méritent d'être relevés. Ils expliquent le
voisinage des deux médias. Ils sont techniques, organisationnels et
territoriaux. Il s'agit ici plutôt de parenté que de convergence.
Tout d'abord la télévision comme le téléphone s'appuient sur
un réseau électronique et font appel à des technologies cousines
puisqu'elles ont la même origine. Les hésitations et les confusions
des pionniers sur la configuration du téléphone et de la radio sont
connues. La télévision est très directement fille de la radio. Les
rapports souvent difficiles entre les techniciens du transport du
signal hertzien et par fil témoignent plus de querelles familiales et
intestines que d'une guerre entre entités étrangères. Cette parenté de
réseau conduit à une interchangeabilité, certes pas totale mais assez
large, des modalités de transport de l'un et l'autre média. Elle
favorisera bien des convergences partielles et est à l'origine du
discours sur l'intégration des médias dans un seul réseau.
La deuxième caractéristique commune est organisationnelle.
Dans tous les pays observés ou presque, le téléphone et la télévision
étaient organisés jusqu ' à une période récente sous forme de monopole
de service public. Quand l'opérateur de télécommunication a un
statut privé (Espagne), il n'est pas en situation de concurrence et ses
liens avec l'Etat restent étroits. Quand une télévision commerciale
existe depuis longtemps (Grande-Bretagne), elle est étroitement
contrôlée par des instances publiques. Suite à la montée des thèmes
libéraux dans ces branches, la situation est aujourd'hui différente,
175 mais cette organisation première reste une référence, positive ou
négative. Dès lors la question de la convergence est aussi une
question politique.
Enfin le troisième trait que nous relèverons dans l'un et l'autre
média est leur inscription dans un territoire. Un réseau se configure
géographiquement, d'abord à cause de la technique bien sûr, mais un
média se définit aussi par une aire linguistique, culturelle et commerc
iale. L'Europe était une mosaïque d'Etats aux échanges peu dé
veloppés, télévision et téléphone se sont construits à l'intérieur de
ces frontières. Toutefois l'histoire de l'Allemagne en ce siècle est là
pour nous rapp