Triompher du culte de la personnalité dans la linguistique soviétique - article ; n°15 ; vol.4, pg 67-84
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Description

Langages - Année 1969 - Volume 4 - Numéro 15 - Pages 67-84
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1969
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

V. V. Vinogradov
Triompher du culte de la personnalité dans la linguistique
soviétique
In: Langages, 4e année, n°15, 1969. pp. 67-84.
Citer ce document / Cite this document :
Vinogradov V. V. Triompher du culte de la personnalité dans la linguistique soviétique. In: Langages, 4e année, n°15, 1969. pp.
67-84.
doi : 10.3406/lgge.1969.2519
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1969_num_4_15_2519V. V. VINOGRADOV (MOSCOU)
TRIOMPHER DES CONSÉQUENCES DU CULTE
DE LA PERSONNALITÉ
DANS LA LINGUISTIQUE SOVIÉTIQUE 1
Lorsqu'on entreprend de parler des conséquences du culte de la
personnalité de Staline dans la linguistique soviétique, il ne convient pas
de se limiter à l'énumération et à l'analyse de telles ou telles formulations
et thèses erronées ou contestables contenues dans son article « A propos
du marxisme en linguistique » et dans ses réponses (après que la discus
sion eut été soudain interrompue) à des lettres et questions qui lui avaient
été adressées. C'est qu'en effet le culte de la personnalité avait existé bien
avant 1950. Il avait décomposé la science linguistique et freiné son déve
loppement. La discussion de 1950 avait été provoquée par la situation
insupportable qui s'était créée dans notre science par suite de la dominat
ion exercée pendant vingt-cinq ans par la Nouvelle Théorie de Marr sur
le langage.
Il est difficile de dire les raisons du retournement inattendu de Staline
à rencontre de cette « théorie » dont il n'avait pu ignorer qu'elle avait
bénéficié pendant de longues années de l'appui officiel; mais quelle que
soit l'interprétation qu'on puisse donner de ce retournement, le fait est
que ce régime, que Staline lui-même qualifia « d'araktcheevien 2 », n'avait
pu naître et se développer dans nos institutions linguistiques et nos éta
blissements d'enseignement supérieur de philologie que sur la base du
culte de la personnalité.
Le caractère idéologique interne de ce « régime » ne se modifia guère,
au total, après la discussion de 1950. Il prit seulement une autre direction :
au lieu des fantaisies de Marr, ce furent les pensées de Staline sur les pro
blèmes de linguistiques qui devinrent un dogme. Il n'était pas très
recommandé de s'en éloigner, voire même de les développer de soi-même.
On ne pouvait que les « commenter » et fournir sans cesse des matériaux
nouveaux pour les confirmer. C'est de cette manière que furent édifiées
presque toutes les thèses de cette époque.
1. Extrait de Les Problèmes théoriques de la linguistique soviétique actuelle, Mos
cou, 1964, pp. 9-30.
2. Du nom du ministre d'Alexandre Ier, Araktcheev, réactionnaire acharné.
(N. du Tr.) 68
II ne faut pas, néanmoins, oublier que la libération des linguistes
soviétiques des dogmes et des constructions fantastiques de la « théorie »
de Marr a joué un grand rôle positif dans notre science. On ne peut pas
nier que, sans l'intervention de Staline la discussion, cette libération,
compte tenu du culte de la personnalité, n'aurait pu se produire. Réhabil
iter l'idée de la parenté génétique des langues, le concept de famille de
langues, la méthode historico-comparative, renoncer à la théorie du
développement des langues « par stades », théorie idéologiquement
abstraite, etc., tout cela aurait été pratiquement impossible sans l'inte
rvention de Staline. Il est possible que Staline lui-même n'ait guère attaché
d'importance à cette réhabilitation des axiomes et des conclusions de base
de la linguistique classique, mais ses remarques sur ces problèmes per
mirent à la linguistique soviétique de revenir sur la grand-route de la
linguistique mondiale; ainsi jouèrent-elles un rôle historique important.
Il est nécessaire de recréer avec netteté le tableau que présentait le
travail en linguistique à la veille de la discussion de 1950. Les conclusions
de la discussion de 1948 sur la biologie avaient été mécaniquement, inté
gralement, rapportées à la linguistique par les chefs de file de la tendance
marriste. La lutte qui était menée en littérature dans la seconde moitié
des années 50 contre le « cosmopolitisme » et l'a agenouillement devant
l'Occident », compris d'une manière toute particulière, servit de prétexte
pour nier démagogiquement l'importance de la linguistique contempor
aine à l'étranger.
On évoquait encore, on reconnaissait tant bien que mal les linguistes
du xixe siècle et du début de notre siècle : ils avaient vécu avant Marr,
n'avaient pas été illuminés par l'éclat de son enseignement, aussi leur
pardonnait-on l'ignorance de la vérité suprême tout comme les théolo
giens chrétiens avaient pardonné à Platon et à Sénèque. Mais si un lin
guiste de notre temps s'écartait peu ou prou de Marr, c'était là une hérésie
de la pure espèce : il avait pu connaître Marr et ne l'avait pas suivi!
Parallèlement à cela on assista au cours des années 1948-1950 à ce
qu'on appela un « affinement » du concept même d'appartenance à la
tendance marriste. Le résultat, c'est que de nouvelles cibles furent offertes
aux critiques et aux dénonciations comme « hérétiques » : nombre de
marristes qui avaient bien accepté toutes les thèses fondamentales du
sacro-saint « enseignement » mais qui s'étaient permis « la liberté de
pensée » sur les détails. A la session organisée pour le quinzième annivers
aire de la mort de Marr (en janvier 1950) on proclama la nécessité d'ad
mettre la doctrine de Marr dans « toute son ampleur » (y compris la
« théorie des quatre éléments » que l'énorme majorité des marristes avaient
rejetée dès les années 1930). Une lutte acharnée commença alors pour
« purifier » la Nouvelle Théorie du langage, on assista à un redoublement
des persécutions contre les « hétérodoxes », persécutions qui ne cessèrent
de se multiplier jusqu'au début même de la discussion. L'énorme majorité
des linguistes qui s'étaient jusqu'alors tenus à l'écart de la Nouvelle Théorie
manifestèrent alors leur « repentir » pour les « erreurs » commises et
s'efforcèrent (d'une manière parfois comique) d'appliquer les thèses de
Marr aux questions les plus étroites de leur spécialité. Dans les conditions
du « régime araktchéévien » qui sévissait alors, toute autre attitude menaç
ait de vous faire mettre à l'écart, même de vous voir éliminer de la 69
collectivité scientifique. C'est pourquoi, lorsqu'on dévoile, à présent, avec
le plus grand esprit de conséquence, avec la plus grande rigueur, les sim
plifications et les erreurs de Staline, en montrant tout le préjudice que
leur canonisation a causé à notre science, on ne doit pas cependant
oublier que l'intervention de Staline dans la linguistique (même si elle
eut seulement un caractère purement administratif) mit fin à la période
la plus difficile de l'histoire de notre discipline, période qu'aucune autre
science, même la biologie, n'a connue sous le régime soviétique...
Il n'est pas indispensable de soumettre à un examen critique, à l'épreuve
de la science et du temps, toutes les affirmations théoriques mises en avant
par Staline. Il suffit de s'arrêter aux plus essentielles d'entre elles.
La thèse de Staline selon laquelle le langage n'appartient pas à la
superstructure a été considérée comme l'argument le plus fort contre la
théorie de Marr. Celui-ci, effectivement, voyait dans la langue une super
structure idéologique. Dans la Nouvelle Théorie du langage, cette thèse
était organiquement liée à celle de l'évolution par stades du langage.
Actuellement, alors que toutes les possibilités ont été créées pour sou
mettre à une analyse plus détaillée, plus réfléchie, l'argumentation de
Staline, on y peut déceler nomb

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