Signification et ambiguïté dans les beaux-arts : quelques problèmes de critique symboliste - article ; n°1 ; vol.12, pg 161-174
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1960 - Volume 12 - Numéro 1 - Pages 161-174
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1960
Nombre de lectures 77
Langue Français

Extrait

A. G. Lehmann
Signification et ambiguïté dans les beaux-arts : quelques
problèmes de critique "symboliste"
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1960, N°12. pp. 161-174.
Citer ce document / Cite this document :
Lehmann A. G. Signification et ambiguïté dans les beaux-arts : quelques problèmes de critique "symboliste". In: Cahiers de
l'Association internationale des études francaises, 1960, N°12. pp. 161-174.
doi : 10.3406/caief.1960.2173
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1960_num_12_1_2173UN ASPECT
DE LA CRITIQUE SYMBOLISTE :
SIGNIFICATION ET AMBIGUÏTÉ
DANS LES BEAUX-ARTS
Communication de M. A.-G. LEHMANN
(Reading)
au ХГ Congrès de l'Association, 1е2Ъ juillet 1959, à Liège.
Dans l'immense activité critique des jeunes symbolistes
de l'époque 1890, il y a quelquefois tendance à perdre de
vue ce qui ne relève pas des grands problèmes d'esthétique
littéraire ; c'est faire tort à un courant de pensée multi
forme, riche qui, souvent, dépasse les limites normales de la
critique littéraire, et ne se borne certes pas à ouvrir le débat,
par exemple, sur les rapports de la poésie et de la musique,
ou sur le vers libre. Plus on entre dans le détail des petites
revues de l'époque, avec leurs manifestes, polémiques,
enquêtes ou examens de conscience, et plus on apprécie la
place considérable que tiennent les Beaux Arts dans ces
innombrables projets de renouveau spirituel et esthétique
qui s'appellent le mouvement symboliste. Et l'on remarque
que les peintres eux-mêmes arrivent à être des phares dans
le plein sens du mot ; en contribuant au débat, ils jettent
sur les choses de l'esprit une lumière quelquefois déconc
ertante.
Certains grands noms de peintres peuvent être consi
dérés comme des inspirateurs permanents : Rops, évidem
ment, et depuis longtemps ; Gustave Moreau, le précurseur
de tous ( — ou presque : d'aucuns, partageant l'avis d'Odi-
lon Redon, estiment que « le lait mystique » ne coule pas 162 a.-í;. lehmann
assez fortement dans ces « mondaines élégances ») ; Puvis
de Chavannes également, malgré la violente répugnance
qu'avait inspirée à Huysmans ce « vieux rigaudon qui s'es
saie dans les requiem ». Rodolphe Bresdin, peu connu sauf
par le Bon Samaritain et la Comédie de la Mort qu'admirait
des Esseintes ; Odilon Redon, enfin, graveur des Tentat
ions, des Contes de Poe, fantastique inventeur de Dans le
rêve. Les préraphaélites anglais reviennent souvent sous la
plume, avec en général une vénération mal expliquée, ju
squ'au moment, un peu tardif, il est vrai, où Burne-Jones
s'avise d'exposer trois toiles au Salon du Champ de Mars
(1892) : c'est alors un cri d'horreur contre ces « mièvres
détails », contre ce « maniérisme ridicule ». En somme, les
prédilections artistiques de des Esseintes reproduisent assez
fidèlement, mais en partie seulement, les goûts affichés par
ses contemporains ; encore faut-il constater qu'en matière de
peinture des Esseintes trahit une relative simplicité de goût.
Ce héros de la névrose ne porte guère en lui la forme
entière de la vie artistique de son temps. Car, à lire de suite
une poignée de ces petites revues, consacrées, comme c'est
très souvent le cas, moitié aux lettres, moitié aux beaux
arts, on est frappé d'abord par l'extrême hétérogénéité des
goûts que révèlent les contributeurs.
Les grands critiques, évidemment, suivent leur propre
loi. Félix Fénéon va droit à ceux qui sont destinés à durer —
aux impressionnistes, à Gauguin, à Cézanne — et s'y
campe ; d'autres, un George- Albert Aurier par exemple,
seront plus indulgents, serviront peut-être moins utilement
la cause de la peinture. Si d'une part Aurier proclame « le
tableau impressionniste à musique wagnérienne » comme
« le comble de la modernité dans l'art », il n'hésite pas,
quelques années après le roman ď Huysmans, à reconnaître
Gauguin pour un voyant, un initiateur, un Swedenborgien,
idéïste plutôt qu'idéaliste, symboliste et synthétique à la fois,
le grand espoir de l'avenir. Et il consacre à cette notion de
symbolisme synthétique un long feuilleton-manifeste qui
fait date dans le Mercure. On dirait donc un éclectique. Au- A.-G. LEHMANN 1*53
tour de lai, les opinions se classent encore moins nettement.
Quelques exemples : Le Cœur, qui publie surtout des leçons
de sagesse théosophique de Jules Dois, admire Signac, repro
duit des dessins de Cézanne, mais aussi du mystique Comte
Antoine :e la Rochefoucauld, archwe du Sur Péladan ;
on donne un jour de lui, en page de titre, une gravure
représentant la bonne déesse Isis initiant le berger, à la
quelle Jules Bois lui-même colle une longue explication,
relevant des détails importants sur la victoire de la Gnose,
le fantôme astral, et autres considérations utiles. Et puis un
autre jour, sur la demande de [л les Bois, Odilon Redon
grave un Chevalier Mystique, publié également en page de
titre. L'Album des Légendes présente régulièrement des gra
vures polychromes d'inspiration quasi pré-raphaëlite, demois
elles et trouvères, la Madeleine évoquée comme une sirène,
le tout doublé de « lumino-contes », très naïfs, à peine
moins fades que les gravures. Quelques jeunes poètes se
prêtent à ce jeu — et non des moindres : Stuart Merrill
évoque dans ce cadre « des nénuphars bleus et iris pour ma
sœ ir des oiseaux » ; Henri de Régnier contribue son « oi
seau bleu de l'espoir ». Dans le même genre, mais plus
alerte, Le Livre des Légendes présente des gravures rappe
lant singulièrement les exotismes de Rops ou de Beardsley ;
ici les plus innocents troubadours, les châtelaines, ces dames
en peignoirs japonais bleu de prusse, marchent à travers
des forêts de fleurs du mal, illustrant des contes allégori
ques aggressivement enfantins.
Quant à l'Ymagier.. fondé par Rémy de Gourmont avec
la collaboration ardente d'Alfred Tarry, c'est une anthologie
offrant en pâture aux écrivains d'avant garde, « des images,
et rien de plus ; prolongeant... la série des emblématiques
rêves... » — comme en réponse aux vœux formulés par
Aurier : cela comprend des Images d'Epinal authentiques
(distribuées aux abonnés), et des gravures du XVe siècle,
en passant par quelques essais de Gourmont lui-même, où
figurent des personnages mystiques et hiératiques, dûment
commentés par la rédaction (c'est-à-dire par Jarry). 164 A.-G. LEHMANN
Malgré la très grande variété de ces inspirations, on
note que vers 1891 (c'est-à-dire au moment de la vente
Gauguin) les critiques d'art à formation littéraire croient
pouvoir annoncer la naissance d'une école symboliste en
peinture — avec tout l'appareil de l'esthétique littéraire :
wagnérisme, œuvre totale, transposition des sens, caractère
religieux. C'est à tort, puisque les Bonnard, les Maurice
Denis, vont bientôt s'engager dans des voies assez diffé
rentes ; à tort, dans la mesure où l'on s'en repose sur Gaug
uin, qui est à la veille de son départ définitif pour l'Orient ;
à tort finalement, parce que ce mot d'ordre même de sym
bolisme va très abruptement perdre son efficacité : André
Walter s'adressera bientôt à des nourritures plus terrestres.
Question d'optique, peut-être, ou mieux d'auto-suggestion
aboutissant à un mirage. Mais il est instructif d'examiner
certaines des perspectives dans lesquelles le mirage a pu
se constituer ; et surtout la polarisation très nette qui se
révèle dans les opinions émises sur l'image.
D'abord, et surtout, pour les hommes de lettres, les
arts plastiques sont appelés à remplir une fonction unique
dans la création de l'Œuvre totale. Cette fusion rêvée de
tous les arts n'est pas une invention du XIXe siècle, mais
c'est surtout sous l'impulsion wagnérienne qu'elle se renou
velle vers 1880. L'étude des ambitions artistiques permet

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