Droit de grâce et pouvoirs propres du chef de l’État en Italie - article ; n°4 ; vol.59, pg 761-804
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Revue internationale de droit comparé - Année 2007 - Volume 59 - Numéro 4 - Pages 761-804
By considering the presidential pardon as a personal one, the Italian Supreme Court has put an end to a long doctrinal and political debate (CC, june 2006, n° 200). Postulate of the Court: the Head of the State is ontologicaly regarded as an impartial power (super partes) out of the executive branch. Consequence: a monocratic and irresponsable organ -whose acts have to be countersigned to be valid -can have a normative autonomy. It seems to be a wrong interpretation of the Constitution: such an argument can hurt the parliamentary logic (in favour of the minister’s prerogatives) and the logic of guarantee (in favour of the thesis of the duumvirale act). This Court’s decision is simptomatic of a constitutional hermeneutic based on a political practice synonymous of expansion of presidential powers.
En déclarant en 2006 que le droit de grâce est un pouvoir propre du chef de l’État en raison de l’ontologique neutralité de la fonction présidentielle (postulat de l’arbitrage
super partes) et de la spécificité intrinsèque de cette dernière (4ème pouvoir situé hors la sphère exécutive), la Cour tranche de manière contestable un conflit entre pouvoirs d’État. Cette interprétation de la Constitution conduit à la reconnaisance d’une autonomie normative d’un organe monocratique irresponsable dont tous les actes sont, pourtant, soumis à contreseing. Un tel raisonnement blesse la logique parlementarisme posée par la Constitution formelle de 1947 (qui permet de soutenir la thèse de la compétence ministérielle) et la logique de «garantisme» synonyme de contrôle réciproque (qui permet de soutenir la thèse de l’acte dual, duumvirale). Cette décision est révélatrice d’une herméneutique constitutionnelle centrée sur une pratique politique favorable à une «dilatation» des compétences présidentielles.
44 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2007
Nombre de lectures 25
Langue Français

Extrait

R.I.D.C. 4-2007
DROIT DE GRÂCE ET POUVOIRS PROPRES DU CHEF DE LÉTAT EN ITALIE La forme de gouvernement parlementaire et le « garantisme constitutionnel » à lépreuve de lirresponsabilité et de lautonomie normative présidentielles Franck LAFFAILLE1 «Il Capo dello Stato appare uno degli istituti più problematici della nostra Costituzione scritta, non tanto per quello che la Costituzione dice, quanto per quello che la Costituzione non dice, e cioè per la sua fondamentale incertezza e ambivalenza »2.«In sostanza la tesi del Capo dello Stato come organo politico imparziale o supra partes appartiene al mondo delle ricostruzioni mistiche e non a quello delle definizioni realistiche del Capo dello Stato (anche se poi sia mossa dal desiderio realistico di ampliare, attraverso questa riconstruzione della figura, i poteri concreti del Capo dello Stato)»3. «La verità è che nel capo dello Stato delineato dalla Costituzione del 48 è potenzialmente tutto»4.c Maître de conférences en droit public à lUniversité de Reims Champagne-Ardenne. 1 De sincères remerciements sont adressés à M. BETZU (Université de Cagliari), R. CHERCHI (Université de Cagliari), P. CIARLO (Université de Cagliari), M. CERMEL (Université Cà Foscari, Venise), A. DATENA (Université Tor Vergata, Rome), A. DEFFENU (Université de Cagliari), F. S. MARINI (Université Tor Vergata, Rome), C. FUSARO (Université de Florence), G. DEMURO (Université de Cagliari), O. ROSELLI (Université de Florence). Article commencé à Caen et (presque) achevé en la commune de Saint-François ; merci à M. et Mme REY pour leur accueil si propice à un travail danachorète, pour ce contexte culinaire si frugal que lesprit commande le corps, pour cette rigueur climatique de tous les instants synonyme de recueillement juridique. Merci à mes amis A. DEFFENU pour sa « relecture italienne » et A. HAQUET pour sa « relecture française ». Enfin et surtout, merci à Madame le Professeur L. FONTAINE pour ses commentaires critiques et sa connaissance remarquable de la langue italienne.2G. MARANINI,Storia del potere in Italia, 1848-1967, Firenze, Vallecchi, 1967, p. 432. 3C. ESPOSITO,Capo dello Stato-Controfirma ministeriale,Milano, Giuffrè, 1962, p. 32.
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En déclarant en 2006 que le droit de grâce est un pouvoir propre du chef de lÉtat en raison de lontologique neutralité de la fonction présidentielle (postulat de larbitrage super partes) et de la spécificité intrinsèque de cette dernière (4èmepouvoir situé hors la sphère exécutive), la Cour tranche de manière contestable un conflit entre pouvoirs dÉtat. Cette interprétation de la Constitution conduit à la reconnaisance dune autonomie normative dun organe monocratique irresponsable dont tous les actes sont, pourtant, soumis à contreseing. Un tel raisonnement blesse la logique parlementarisme posée par la Constitution formelle de 1947 (qui permet de soutenir la thèse de la compétence ministérielle) et la logique de « garantisme » synonyme de contrôle réciproque (qui permet de soutenir la thèse de lacte dual,duumvirale). Cette décision est révélatrice dune herméneutique constitutionnelle centrée sur une pratique politique favorable à une « dilatation » des compétences présidentielles. By considering the presidential pardon as a personal one, the Italian Supreme Court has put an end to a long doctrinal and political debate (CC, june 2006, n 200). ° Postulate of the Court : the Head of the State is ontologicaly regarded as an impartial power (super partes) out of the executive branch. Consequence : a monocratic and irresponsable organ - whose acts have to be countersigned to be valid - can have a normative autonomy. It seems to be a wrong interpretation of the Constitution : such an argument can hurt the parliamentary logic (in favour of the ministers prerogatives) and the logic of guarantee (in favour of the thesis of the duumvirale act). This Courts decision is simptomatic of a constitutional hermeneutic based on a political practice synonymous of expansion of presidential powers. Durant de longues décennies, un spectre juridique a hanté la doctrine constitutionnelle italienne5: le droit de grâce du Président de la République (art. 87-11, Constitution de 1947). Sagissait-il dun acte substantiellement présidentiel et formellement ministériel ? dun acte substantiellement ministériel et formellement présidentiel ? dun acte complexe, duumvirale, mixte ? Travaux préparatoires, analyse systémique, raisonnement par analogie, étude de la pratique politique et interrogation sur la naissance
4C. FUSARO,Le radici del semi-presidenzialismo. Viaggio alle origini di un modello cui si guarda in Italia, Rubbettino, Soveria Mannelli, 1998, p. 195.5M. PALMERINI, « Il soggetto attivo del potere di grazia e il presidente della Repubblica «, Rass. dir. pubbl., 1953, p. 254. Dans le passé, la doctrine la plus autorisée sest profondément divisée : AMATO, GUARINO, MANZELLA, MORTATI se montrent favorables à la thèse présidentielle (survient lenvie décrire présidentialiste mais cela implique, à tout le moins à ce stade, de trop lourdes conséquences). BALLADORE, BARILE, RESCIGNO militent pour la thèse ministérielle. ESPOSITO, MARTINES, PALADIN, VALENTINI, ZAGREBELSKY défendent la thèse de lacte dual (égal). ARMAROLI note, avec son humour caustique, que la doctrine est à limage de la Gaulle de César (Gallia divisa est in partes tres). P. ARMAROLI,Grazia a Sofri ? Un intrigo costituzionale, Rubbettino, Soveria Mannelli, 2006, p. 41.
F. LAFFAILLE : DROIT DE GRÂCE ET POUVOIRS PROPRES DU CHEF DE 763 LÉTAT EN ITALIE dune coutume constitutionnelle : la doctrine nest pas unanime sur le point de savoir si la doctrine est majoritairement favorable à une thèse6. La Constitution naide guère, dit-on7, ni les travaux préparatoires8. Pour sortir de cette « caverne normative »9, il a fallu que la Cour constitutionnelle tranche. En juin 2006 (décision n° 20010), elle accueille la thèse favorable à cet organesupra partes quest le Président de la République. Cet épilogue jurisprudentiel ne met pas seulement fin à une controverse juridique vieille de plusieurs décennies ; il tente dopérer une clarification quant à la dévolution dattributions entre organes constitutionnels. Il invite surtout à se pencher sur le lien si fondamental entre pouvoir et responsabilité. Ou plutôt, sagissant du sujet ici évoqué, du lien entre irresponsabilité et pouvoir puisque le chef de lÉtat est irresponsable, sauf cas de haute trahison ou attentat à la Constitution (art. 90-1 C.)11. Au-delà de la question du droit de grâce qui, en tant que mesure pénale12 tne nous intéresse (sans doute à t13) or guère, il sagit de sinterroger sur la place du chef de lÉtat dans lordre
6 La doctrine hésite entre les thèses présidentielle et duale. La thèse gouvernementaliste est, quant à elle, très minoritaire. 7E. BALBONI, « Il potere di grazia e le sue procedure «,Quad. cost., 2005, p. 627. 8M. MIDIRI, « Controfirma ministeriale «,Enc. giur., Roma, Treccani, 1988, p. 4. Lart. 87 C. est approuvé sans grande discussion, dans le cadre de la sous-commission compétente puis en séance publique. V. FALZONE, F. PALERMO, F. CONSENTINO,La Costituzione italiana illustrata con i lavori preparatori, Milano, Giuffrè, 1979, p. 265. 9 Obscure et déroutante. Il faut lire les pages dArmaroli mettant en exergue les différentes thèses contradictoires soutenues. P. ARMAROLI, ?Grazia a Sofri Un intrigo costituzionale, Rubbettino, Soveria Mannelli, 2006, p. 63 et s. 1www.cortecostituzi 0onale.it. Rapporteur : Quaranta. 11Est utilisée ici la traduction de Madame M. BAUDREZ inLes grandes démocraties, textes présentés par F. MÉLIN-SOUCRAMANIEN, Armand Colin, 2005, p. 187 et s. 12On ne sattarde pas ici sur la (pourtant très intéressante) question de la nature des actes de clémence. Sont-ils des actes législatifs ? juridictionnels ? Faut-il accueillir la théorie du renoncement de la part de lexécutif ou celle de lacte politique ? (P. VIRGA,Diritto costituzionale, Milano, Giuffrè, 1967, p. 224 penche pour la nature législative de lacte de grâce). Selon Santi Romano, les actes de clémence ne sauraient être de nature juridictionnelle car ils nont pas pour objet la protection de lordre juridique (S. ROMANO,Diritto costituzionale generale, Milano, Giuffrè, 1947, p. 319). Pour Orlando, lacte de grâce est discrétionnaire, de pure convenance entre les mains du roi et ne ressort donc pas du domaine juridictionnel (V. E. ORLANDO,Principii di diritto costituzionale, Firenze, Barbera, 1890, p. 177). Pour Origone, lacte de grâce connaît les caractéristiques propres aux trois fonctions sans présenter toutes celles inhérentes à chacune ; on ne peut donc le classer en aucune des trois. Il est en un sens lincarnation dune pleine unité des pouvoirs de lÉtat (A. ORIGONE, « Prerogative regie »,Nuovo digesto italiano, vol. X, Torino, UTET, 1939, p. 200). 13le plus bel attribut de la souveraineté ( MONTESQUIEU qui la regarde comme  DeDe lesprit des lois, 1748, livre VI, chapitre V) moins nécessaire en République là où prime la vertu (livre VI, chapitre XXI) à FILANGIERI (Scienza della legislazione, 1799, lib. III, cap. LVII) en passant par linévitable BECCARIA (Dei delitti e delle pene, lib. XLVI, 1763) pour qui la clémence ne prend guère sens dans le cadre dune législation parfaite, la grâce en tant quinstrument juridique, politique et sociétal a fait lobjet dune abondante et contrastée littérature.
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constitutionnel italien et donc sur la forme de gouvernement14. Car lambiguïté de la position institutionnelle du premier15 peut pas ne pas ne avoir dincidences sur la nature de la seconde, au regard de la taxinomie classique. Que le Président soit laViva vox constitutionis (Calamandrei16), un pouvoir neutre constantien ou encore le très schmittien gardien de la Constitution17, pourquoi pas18. Mais la décision de 2006 tend à constitutionnaliser, selon nous, une conception contestable de son rôle, le transformant en « centre de politique constitutionnelle active »19. Se trouve formalisé en droit ce que lon constate en pratique depuis 1948 : laccroissement progressif du rôle du chef de lÉtat au sein du système politique20. La décision ici commentée est lourde de sens : elle redimensionne le régime parlementaire en dotant un organe monocratique irresponsable dune autonomie normative. Il existe, pour laConsulta, des pouvoirs propres présidentiels même sil ny a pas de consensus quant au nombre de ces derniers21. On peut certes louer la généricité des pères constituants, constater leur « agnosticisme constitutionnel »22 (la pratique décidera), mais survient alors le risque dune conception ductile du texte constitutionnel au gré des constitutions matérielles susceptibles de poindre. Il revient à la Cour de trancher alors quil a été longtemps soutenu quun conflit entre pouvoirs dÉtat incluant le Président de la République représentait une hypothèse décole23. Le cas « Curcio » (1991) a laissé croire 14 Pour une critique ironique de lazoologia classificatoria, v. P. CIARLO, « Il presidenzialismo regional style »,Quad. cost., 2001, p. 133. 15 U. RESCIGNO, « Art. 87 », G.in BRANCA ( G.a cura di),Commentario della CostituzioneOu encore : « un peu notaire, un peu arbitre, un peu, Bologna, Zanichelli, 1978, p. 144. capitaine » (G. BERNABEI, « Tipologia degli atti del Presidente della Repubblica nellordinamento costituzionale »,Tesi de lUniversita degli Studi di Padova, 2003-2004, p. 9, www.tesionline.it.). 16P. CALAMANDREI, « Il Ponte », 1955, p. 809, inOpere giuridiche, III, Napoli, Morano, 1968, p. 596. 17 Reste à prouver que les Constitutions brésilienne de 1924 et portugaise de 1926 demeurent des précédents intéressants. De plus, le gardien schmittien nest pas lincarnation dune objectivité non politique mais représente justement une capacité politique de prendre les décisions opportunes au moment décisif. C. SCHMITT,Il custode della Costituzione, Milano, Giuffrè, 1981, p. 176. 18M. FIORILLO,Il Capo dello Stato, Roma-Bari, Laterza, 2002, pp. 12-13. 19 M. GORLANI, « Una nuova dimensione costituzionale per il capo dello Stato ? », www.forumcostituzionale.it. 20L. ELIA, « Governo (forme di) »,Enc. dir., XIX, Milano, Giuffrè, 1970, p. 660. 21M. PIAZZA, « Il Presidente della Repubblica è giuridicamente responsabile, in sede civile, per le sue « esternazioni » ingiuriose e/o diffamatorie »,Giur. cost., 2000, p. 2974. 22C. FUSARO,Il Presidente della Repubblica, Bologna, Il Mulino, 2003, p. 74. On pense à la formule de Leonardo : « quand tu ne sais pas, mets du noir » (« Trattato sulla pittura »), cité par G. REBUFFA,La Costituzione impossibile, Bologna, Il Mulino, 1995, p. 132. 23raison de la position de ce notamment exclu un conflit Gouvernement / Président en  Etait dernier, situé hors la trilogie habituelle des pouvoirs. Bien que promu agent étranger à la dynamique
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