L’activité des juridictions pénales internationales - article ; n°1 ; vol.53, pg 429-473
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Description

Annuaire français de droit international - Année 2007 - Volume 53 - Numéro 1 - Pages 429-473
45 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2007
Nombre de lectures 48
Langue Français

Extrait

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(*) Hervé ASCENSIO, professeur à l’Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne. (**) Raphaëlle MAISONProfesseur à l’Université de Picardie (UPJV-Amiens), CRUCE, pour le (II) de, cette chronique. L’auteur remercie Romain Lebœuf et Chloé Bertrand, doctorants, pour leur aide à la recherche documentaire. Elle est au ssi redevable aux étudiants de Mast er 1 pour leur contribution à la réflexion sur la jurisprudence du tribunal pour la Sierra Leone : Jean-Isamu Taguchi, Diongue Bouba-car, Angélique Dingreville, Raphaëlle Gatin, Clémentine Heren, An toine Lefèvre, Darielle Mbana, Virgi-nie Tassart, Jennifer Thorel, Willia Razafindrano, Agathe Willaume ; elle remercie enfin Stéphane Audoin-Rouzeau pour ses commentaires et son accueil à l’Historial de Péronne. 1. Voy. à ce propos la précédente chronique,in AFDI2005, p. 237. 2. Voy.infra, I.C.2. 3. Rapport du Secrétaire général des Nations Unies, 15 novembre 2006, Doc. NU S/2006/893, comportant en annexe un projet d’accord et un projet de statut.
L’ACTIVITÉ DES JURI DICTIONS PÉNALES INTERNATIONALES (2006-2007) HERVÉASCENSIO et RAFAËLLEMAISON
La période 2006-2007 a permis aux tribunaux pénaux internationauxad hoc pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda ( TPIY et TPIR) de mener un nombre élevé de procès à leur terme, confor mément à la stratégie d’achèvement des travaux de ces deux juridictions en 2008 pour la première instance et en 2010 pour l’appel. Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) a également rendu deux jugements concernant cinq des onze personnes accus ées. Quant à la Cour pénale internatio-nale (CPI), elle est entrée en phase d’« adolescence », pour reprendre une expres-sion en vogue à La Haye, c’est-à-dire qu ’elle commence à appliq uer sa procédure à propos des quatre situations dont elle est saisie, une seule affaire approchant la phase de jugement. Le paysage de la ju stice pénale internationale présenterait ainsi une certaine cohérence si la concurrence des modèles1n’avait été spectacu-lairement relancée par la création d’un tribunal spécial pour le Liban (TSL). S’agissant d’une nouvelle juridiction péna le internationale, il convient d’en dire quelques mots dans cette ch ronique, tout en renvoyan t pour davantage de préci-sions à l’étude qui lui est spécifiquement consacrée da ns le présent volume de l’Annuaire. La création du TSL s’inscrit dans la continuité du travail de la commission d’enquête internationale créée en réaction à l’attentat ayant coûté la vie – notam-ment – à l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri. Cette commission, qui  jouit de pouvoirs tout à fait considérable s, préfigure le futur bureau du procureur du TSL et son activité sera, pour cette raison, analysée dans cette chronique2. Elle est fondée sur une re ncontre de volontés entre l’Organisation des Nations Unies d’une part et le gouvernement li banais d’autre part, que la résolution 1595 (2005) du Conseil de sécurité reconnaît et qu’un accord en forme simplifié du 13 juin 2005 concrétise. Le Conseil de sé curité a ensuite envisagé de poursuivre dans la voie de l’accord pour créer un tr ibunal spécial pour le Liban, sur le modèle du tribunal spécial pour la Sierra Leone. Ceci correspondait à la demande du premier ministre libanais du 13 décembre 2005, dont le Conseil avait pris acte par la résolution 1644 (2005) , ainsi qu’au projet élaboré par le Secrétaire général des Nations Unies en vertu de la résolution 1664 (2005)3. Toutefois, l’importance
ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL LIII – 2007 – CNRS Éditions, Paris
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de l’entité à créer rendait nécessaire un accord en forme solennelle, ce qui suppo-sait une ratification par le Liban selon la procédure de l’article 52 de la constitu-tion libanaise4 terne. En raison de la crise politique in au Liban, une telle ratifica-tion s’est avérée impossibl e à obtenir, au moins à co urt terme. Le Conseil de sécurité a alors décidé de créer le TSL par la voie du chapitre VII de la Charte, comme il l’avait fait pour le TPIY et le TPIR. La résolution 1757 du 30 mai 2007 impose tel quel le projet du Secrétaire gé néral, tout en accordant un dernier délai aux autorités libanaises, au cas où un e ratification serait encore possible, jusqu’au 10 juin 2007. Ce délai ayant été franchi sans amélioration de la situa-tion constitutionnelle libanaise, les text es annexés à la résolution, à savoir le projet d’accord et le statut, sont entrés en vigueur à cette date. En grande partie calqué sur le TSSL , le TSL est une juridiction mixte, ou hybride, qui comporte suffisamment d’ éléments d’internationalité pour être qualifiée, du point de vue organique, de juridiction internationale. La mixité est classiquement présente dans la composition, avec ic i prédominance de membres « internationaux », c’est-à-dire de pers onnes désignées par les Nations Unies5. La procédure, largement accu satoire, s’inspire des statuts des autres TPI, avec toutefois quelques éléments empruntés à la tradition de droit continental qui est également celle du droit liban ais : apparition d’un juge de la mise en état – mais au rôle moindre qu’un juge d’instruction – ; rôle plus actif du juge lors du procès ; participation des victimes à la procédure – mais sans constitution de partie civile – ; contumace6. Le règlement de procédure et de preuve devra être élaboré par les juges, qui auront pour guide à la fois le droit libanais « selon ce qui conviendra » et « d’autres textes de réfé rence consacrant les normes internatio-nales de procédure pénale les plus élevées »7. Quant à la qualité de tribunal international le, elle résulte de plusieurs indices : TSL est entièrement détaché de l’ordre juridique interne et dispose de la primauté sur les juridictions libanaises ; il a la capacité juridique interne auss i bien qu’internationale puisqu’il peut conclure des accords avec les États ; ses agents jouissent de privilèges et immu-nités analogues à ceux des agents diplomatiques8. À l’instar de ce qui s’est produit devant le TSSL, ce ci devrait permettre d’écar ter les immunités, aussi bien internes qu’internationales. La grande originalité du TSL vient du fond. Le tribunal est compétent pour assurer la répression non de crimes internationaux mais de crimesde droit communl’attentat contre Rafic Hariri et « d’autres attentats terroristes, à savoir survenus au Liban entre le 1eroctobre 2004 et le 12 décembre 2005 ». De ce fait, il
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4. Le conseiller juridique des Nations Unies a lui-même insisté sur le nécessaire respect des diffé-rentes « étapes » du processus constitutionnel li banais (Doc. NU S/2006/893/Add.1, 21 novembre 2006). L’on sait également que le TSSL a accepté de s’engage r dans un contrôle de la constitutionnalité du pro-cessus de ratification du point de vu e du droit sierra-léonais : TSSL, A pp., Decision on Constitutionality and Lack of Jurisdiction,Prosecutor v. Norman, Kallon and Kamara, Cases N° SCSL-2004-14-AR72(E), SCSL-2004-15-AR72(E), SCSL-2004-16-AR72(E), 13 March 2004. Voir aussi cette chronique,AFDI2004, p. 420-421. 5. Articles 2, 3 et 4 de l’accord : la chambre de mise en état comprendra un juge unique, nécessaire-ment international ; la chambre de première instance sera composée de deux intern ationaux et d’un juge libanais ; la chambre d’appel sera composée de trois ju ges internationaux et d’un juge libanais ; le procu -reur sera nécessairement internationa l et le procureur-adjoint libanais ; le personnel du bureau du pro-cureur sera mixte. Il est à noter que les procéd ures sont plus détaillées et offrent probablement davantage de garanties d’indépendance que dans les autres TPI, avec notamment la présence d’un jury de sélection. 6. Respectivement : article 18, 20, 17, 22 du statut. 7. Article 28 du statut. 8. Respectivement : article 4 du statut, articles 7 et 11 de l’accord.
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9. Article 1 du statut pour la compétence ; article 2 pour le droit applicable. 10. Document ICC-BD/03-01-06-Rev.1.
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I. – LA PROCÉDURE INTERNATIONALE PÉNALE A.Actes régissant le fonctionnement de l’institution judiciaire Les TPI ont procédé aux habituelles révisions de leur règlement de procédure et de preuve semestrielles. Il en sera rendu compte dans une prochaine chro-nique. Concernant la CPI, le règlement du greffe a été adopté le 6 mars 2006 et révisé le 25 septembre 200610. B.Compétence et recevabilité 1.Compétenceex toto(jurisdiction) [pour mémoire] 2.Exercice de la compétence (CPI seulement) Saisi depuis le 7 janvier 2005 par la République centrafricaine de la situation sur son territoire, le procureur a finale ment décidé l’ouverture d’une enquête le 22 mai 2007. C.Phase préliminaire Pendant la période couverte par la pr ésente chronique, des développements importants du point de vue du droit in ternational sont intervenus dans trois domaines : la création d’une commission internationale pour le Liban (1) ; la poursuite du mouvement de délocalisation par les deux TPI de certaines affaires vers les juridictions nation ales, avec quelques difficul tés (2) ; la mise en œuvre des dispositions du statut de la CPI co ncernant les droits des victimes dans la phase préliminaire (3).
appliquera le droit pénal libanais9. Curieusement, les rédacteurs du projet ont ajouté un article 3 relatif à la responsa bilité du supérieur hiérarchique, notion absente du droit libanais et existant en droit international pour les seuls crimes internationaux. Ceci pose non seulement un problème de cohérence avec les formes de participation aux infractions prévues par le droit libanais, mais égale-ment un problème de rétroactivité de la loi pénale. Quoi qu’il en soit, la méthode des juridictions pénales internationales a été étendue à des crimes qui, sans être ordinaires puisqu’ils comportent presque tous un mobi le politique en sus des clas-siques éléments objectif et subjectif de l’infraction, ne sont pas pour autant consi-dérés comme des crimes internationaux, du moins lorsqu’ils ont été commis, comme c’est le cas ici, en dehors d’un cont exte de guerre ou d’attaque systématique ou généralisée contre un e population civile. Comme à l’accoutumée, le plan dist inguera la procédure internationale pénale (I) et l’application du droit humanitaire (II).
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11. Pour les précédents, voir Sandrine BARBIER, « Les commissions d’enquête et d’établissement des faits »,in A HervéSCENSIO/Emmanuel DECAUX/Alain PELLET (dir.),Droit international pénal, Pedone, Paris, 2000, pp. 697 s. 12. Après la création le 7 avril 2005, la commi ssion est opérationnelle le 16 juin 2005 et présente son premier rapport le 20 octobre 2 005 (S/2005/662). La succession des rapports est ensuite la suivante : 2e rapport du 10 décembre 2005 (S/2005/775), 3e rapport du 14 mars 2006 (S/2006/161), 4e rapport du 10 juin 2006 (S/2006/375), 5e 6 2006 (S/2006/760) septembre du 25 rapporte décembre du 12 rapport , 2006 (S/2006/962), 7erapport du 15 mars 2007 (S/2007/150), 8erapport du 12 juillet 2007 (S/2007/424), 9erapport du 28 novembre 2007 (S/2007/684). 13. Lettres du président du Conseil de sécurité au Secrétaire général du 22 novembre 2006 (meurtre du ministre de l’industrie Pierre Gemayel), Do c. NU S/2006/915, du 21 se ptembre 2007 (meurtre du député Antoine Ghanem), Doc. NU S/2007/557, du 14 décembre 2007 (meurtre du général de brigade François Hajj), Doc. NU S/2007/736, et du 31 janvier 2008 (meutre du capitaine Wissam Eid, de l’adjudant Oussama Merheb et de plusieurs civils), Doc. NU S/2008/61.
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1.Commission d’enquête sur le Liban La création d’une comm ission internationale chargée d’enquêter sur l’attentat contre l’ancien premier minist re Rafic Hariri est une mesure qui, sans être une première, est inédite sous cette forme, en raison de l’ampleur des moyens et des pouvoirs conférés à un tel organe onusien en l’absence – à ce moment-là – d’un tribunal pénal international11. Dans un premier temps, le Secrétaire général des Nations Unies, répondant à la demande formulée par le Conseil dans la déclaratio n présidentielle du 15 février 2005, a établi une simple commission d’établissement des faits. Celle-ci a remis son rapport le 24 mars 2005, concluant que « l’enquête menée pa r les autorités libanaises présentait de graves insuffisances et que, faute de moyens et de la volonté d’aboutir, elle ne pourrait produire de conclusions créd ibles ». Ce passage est ensuite cité en préambule de la résolution 1595 (2005) pour justifier la création d’une commis-sion d’enquête internationale. L’objectif fi xé dans la résolution 1595 (2005) est seulement d’aider les autorités libanaises à enquêter, le deuxième paragraphe demandant au nouveau gouvernement libanais de traduire en justice les auteurs, organisateurs et commanditaires de l’attentat. À la suite d’une succes-sion de résolutions et de rapports de la commission12, son mandat a été élargi à quatorze autres affaires, d’abord pour un simple « concours technique » apporté aux enquêteurs libanais d’après la résolu tion 1644 (2005), puis pour une appli-cation intégrale des pouvoirs de la commission en vertu de la résolution 1686 (2006). Ultérieurement, le Conseil de sécurité a encore autorisé la commission d’enquête à apporter une assistance technique aux autorités libanaises pour enquêter sur quatre autres atte ntats ou assassinats politiques13. En parallèle, le projet de création d’un tribunal spécial prenait corp s, ce qui devait avoir des effets sur le mode de fonctionnement de la commission. Dans sa résolution 1595 (2005), le Conseil de sécurité demandait que la commission dispose de prérogatives très va stes : accès à tous les éléments d’infor-mation et de preuve en possession des autorités libanaises, possibilité de réunir elle-même d’autres éléments de preuve et d’interroger toute personne au Liban, liberté de mouvement sur l’ensemble du territoire libanais et mise à disposition des installations nécessaires (§ 3). Le mémorandum d’accord du 13 juin 2005 entre les Nations Unies et le Liban fourni t le cadre juridique d’une telle coopéra-tion. On relèvera à cet égard que la constitution libanaise, contrairement à certaines constitutions contemporaines, ne mentionne pas la catégorie des accords en forme simplifiée ; mais l’on peut probablement admettre que la
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