La responsabilité médicale en France (aspects de droit privé) - article ; n°3 ; vol.28, pg 493-510
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Description

Revue internationale de droit comparé - Année 1976 - Volume 28 - Numéro 3 - Pages 493-510
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 64
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

René Savatier
La responsabilité médicale en France (aspects de droit privé)
In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 28 N°3, Juillet-septembre 1976. pp. 493-510.
Citer ce document / Cite this document :
Savatier René. La responsabilité médicale en France (aspects de droit privé). In: Revue internationale de droit comparé. Vol. 28
N°3, Juillet-septembre 1976. pp. 493-510.
doi : 10.3406/ridc.1976.16716
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1976_num_28_3_16716LA RESPONSABILITÉ MÉDICALE EN FRANCE
(Aspects de droit privé)
par
René SAVATIER
Doyen honoraire de la Faculté de droit et des sciences économiques de Poitiers
Les procès de responsabilité médicale vont croissant en France,
comme, sans doute, en Italie ! Ils y incarnent le malaise de notre temps.
Car, dans un monde, tout à la fois, voué au progrès technique, et affamé
de sécurité, l'ingéniosité croissante de la technique médicale rencontre
l'ingéniosité croissante de la technique juridique ! Or, les orientations de
l'une et de l'autre hésitent à s'entendre quand il faut combiner progrès et
sécurité.
C'est dans le vif de tels affrontements que ce rapport poursuivra la
solution des problèmes de responsabilité médicale, comme peut la pré
senter un juriste ouvert sur le rôle du médecin.
I. — Le contrat médical et ses composantes juridiques
Le siège de ces problèmes coïncide avec l'application du contrat
médical. Je n'insisterai pas sur le principe de ce contrat. En médecine
privée, il est pratiquement reconnu par tout le monde, bien que les
juristes le développent principalement à l'occasion de la responsabilité
médicale, tandis que la médecine traditionnelle aime mieux le situer, d'ail
leurs sans égalité contractuelle, sous l'angle du « colloque singulier » entre
médecin et patient (1).
Comme juriste, je suivrai donc la Cour de cassation française, en
mettant d'abord mon rapport sous l'égide de l'article 1147 du Code
civil (2) : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de
dommages-intérêts à raison de l'inexécution de l'obligation, s'il ne justi
fie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère, qui ne peut lui
être imputée », et 1142 : « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se
résout en dommages-intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur » .
(1) V. Pr. Portes, A la recherche d'une éthique médicale, p. 155 et s.
(2) V. Civ. 1™, 30 oct. 1963, D. 1964, 81, et notre note.
32 LA RESPONSABILITE MEDICALE EN FRANCE 494
Ce texte a ici sa place naturelle. Car c'est après l'acte médical qu'une
responsabilité civile sanctionne pécuniairement les obligations du médecin,
l'acte accompli étant à peu près irréversible dans ses conséquences de
santé.
Je sais bien que réparer, par de l'argent, un mal humain irréversible,
est une solution imparfaite. Elle identifie de l'incomptable au comptable
(3). C'est pourtant la seule justice alors possible. Si l'argent ne peut
effacer le mal causé, il en diminue, du moins, les effets pécuniaires. Quant
aux obligations ainsi sanctionnées chez le médecin, elles sont de deux
sortes, selon qu'elles ont principalement trait à son ministère, ou à sa
technique (4).
A. Les premières sont d'humanisme. Mais mon sujet n'est pas de
développer et de cerner l'humanisme médical, même sanctionné par des
responsabilités civiles. Je noterai seulement ici le siège des tendances
à un malentendu entre médecins et juristes, que j'ai souvent et amicale
ment rencontré dans des congrès médicaux, au confluent de deux huma-
nismes (5). Le juriste sait bien que le médecin sera son maître le jour où
lui-même s'étendra sur la table d'opération. Mais il est rebelle aux réflexes
portant le médecin à considérer qu'en tant que maître, il vient aussitôt
après Dieu, et immédiatement avant le malade, pour apprécier le bien de
celui-ci, notamment pour lui dire ou non la vérité, pour le forcer à subir
les soins que le médecin lui estime salutaires, et, du même coup, les
risques dont le estime n'avoir point à répondre, devant les juges,
du moment qu'il les a crus médicalement justifiés. Car le professeur Portes,
inspirateur du Code médical français de déontologie, a vu médicalement,
dans tout malade, un mineur, et, dans le médecin, son tuteur naturel et
omnipotent (6).
Ce complexe de supériorité, qu'heureusement beaucoup de médec
ins savent tempérer ou maîtriser, répugne à la jurisprudence française.
Elle ne nie pas, sans doute, chez le médecin, et pour la protection du
malade, une sorte de quasi-tutelle, par exemple, lui épargner les
risques même désirés d'une opération esthétique, ou pour l'entourer,
en clinique, de soins impérieux. Quasi-tutelle, dont j'ai cherché, ailleurs
(7), à marquer, à la fois l'existence et les limites. Mais elle laisse, en prin
cipe, sur la tête du malade, la liberté de ne pas disposer de son corps
au gré du médecin. Et elle n'admet pas celui-ci à lui cacher, sans engager
(3) V. R. Savatier, Le droit comptable au service de V homme, nn 93.
(4) V. R. et J. Savatier, Auby et Péquignot, Traité de droit médical, n° 262.
C'est sur cette division des devoirs d'humanisme et des devoirs techniques du
médecin que nous avons fondé la division de notre étude « La Responsabilité
médicale », au Jurisclasseur de la responsabilité civile, XXX, cahiers b et c.
2" série, (5) chap. V. nos VIII, M étamorphoses intitulé « Au économiques confluent de et deux sociales humanismes du droit privé : entente d'aujourd'hui, et mésent
ente entre médecins et juristes ».
(6) V. Pr. Portes, A la recherche d'une éthique médicale, pp. 158 à 172.
(7) V. nos Métamorphoses, 3e série, n" 392 et s. RESPONSABILITÉ MEDICALE EN FRANCE 495 LA
sa responsabilité civile, ce qu'il se propose de faire de ce corps, en s'abste-
nant d'indiquer au patient les risques, même graves, de son initiative (8).
Il serait trop long de suivre, sur tout leur champ, les manifestations
nuancées du malentendu, ainsi analysé, entre les juristes et beaucoup de
médecins (9), bien qu'elles aient été l'occasion de responsabilités civiles
assez fréquemment reconnues, chez des médecins exposant des patients
à des risques, dont ils ne les préviennent pas (10).
De même, je ne parlerai que brièvement de l'application aux médec
ins de la loi du 13 avril 1964, qui, modifiant l'article 63 du Code pénal
français, punit correctionnellement « quiconque s'abstient volontairement
de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui
ni pour les tiers, il pouvait lui prêter, soit par son action personnelle, soit
en provoquant un secours ». Lors des premières applications de ce texte
à des médecins, certains de leurs confrères ont protesté comme si leur
corporation demandait à en être immunisée ! C'était, de leur part, méconn
aître, à la fois, la généralité d'une règle humanitaire, et le fait que cette
règle leur était déjà imposée par le Code de déontologie. Ces protestations
paraissent s'être tues, car l'ensemble des décisions judiciaires n'a appliqué
la règle qu'avec sagesse, dans des cas où le médecin poursuivi avait
véritablement manqué à un devoir d'humanité.
B. Mais la plupart des procès de responsabilité médicale mettent en
jeu les obligations techniques des médecins, plutôt que leurs devoirs d'hu
manisme.
La jurisprudence résume ces obligations en disant que le médecin
« doit à son malade des soins consciencieux, attentifs, et, réserve faite
d'hypothèses exceptionnelles, conformes aux données actuelles de la
science » (11).
Cette définition implique qu'il s'agit d'une « obligation de soins »,
n'engageant que des « moyens », et non un « résultat ». Le médecin, au
moins en dehors de quelques spécialités, n'engage contractuellement qu

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