Vers un ordre répressif universel ? Quelques observations - article ; n°1 ; vol.45, pg 55-71
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Description

Annuaire français de droit international - Année 1999 - Volume 45 - Numéro 1 - Pages 55-71
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. le Professeur Joe Verhoeven
Vers un ordre répressif universel ? Quelques observations
In: Annuaire français de droit international, volume 45, 1999. pp. 55-71.
Citer ce document / Cite this document :
Verhoeven Joe. Vers un ordre répressif universel ? Quelques observations. In: Annuaire français de droit international, volume
45, 1999. pp. 55-71.
doi : 10.3406/afdi.1999.3553
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1999_num_45_1_3553ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL
XLV - 1999 - CNRS Editions, Paris
VERS UN ORDRE REPRESSIF UNIVERSEL ?
QUELQUES OBSERVATIONS
Joe VERHOEVEN
Le droit des gens traditionnel ne comporte pas, c'est bien connu, de
dimension « pénale ». Ce n'est pas qu'il se désintéresse de la violation de ses
règles, même s'il est vrai qu'il éprouve des difficultés à les sanctionner
effectivement. C'est seulement qu'il ne cherche pas à les réprimer pénale-
ment. Pourquoi ? Ce n'est pas très clair. Sans doute parce que, technique
ment, de telles sanctions sont malaisément applicables aux entités abstraites
que sont les États. La difficulté est certaine. Elle n'est pas insurmontable,
comme en témoigne aujourd'hui le développement des peines infligées à des
personnes morales. La raison véritable est certainement ailleurs. On dit
classiquement que la souveraineté répugne à toute punition. Il est vrai qu'elle
s'accommode assez mal de la dépendance du puni envers le punissant que
celle-ci implique, particulièrement dans un système qui récuse tout juge
obligatoire. Si la justice est une vertu dans les rapports internationaux -
du moins faut-il l'espérer -, elle n'est certainement pas à ce jour un pouvoir.
Ce qui compromet plus fondamentalement la répression pénale, c'est proba
blement le caractère encore très fragmentaire, sinon l'absence totale, d'un
ordre public interétatique dont la transgression commande l'adoption de
sanctions particulièrement rigoureuses. Le scepticisme entretenu à l'endroit
du jus cogens, plus de trente ans après la signature de la convention de
Vienne sur le droit des traités, suffit à s'en convaincre. C'est aussi que de
telles sanctions sont difficilement utilisables en l'absence d'une autorité
commune qui puisse prendre en charge la défense de l'intérêt général. Il
suffit que les États intéressés soient autorisés à prendre les dispositions
nécessaires pour se protéger contre les violations du droit commises par
autrui, quitte à déroger à ses règles dans la mesure qu'ils jugent indispen
sable à cette fin. Le risque d'abus auquel la liberté ainsi reconnue à l'État
« lésé » d'avoir recours à des contre-mesures expose la communauté internat
ionale, est suffisamment grand pour qu'il ne lui soit pas en outre accordé
le droit de « punir ».
Il est très remarquable que le droit international privé ne soit traditio
nnellement pas plus soucieux du droit pénal que son homologue public. Alors
même que les conflits de lois ou de juridictions se multiplient, parce que les
relations privées s'internationalisent chaque jour davantage, et que leurs
techniques de solution s'affinent considérablement en fonction de la diversité
des besoins à satisfaire, les lois pénales et les jugements répressifs étrangers
y demeurent totalement soustraits. Le juge du for, dit-on, n'applique jamais,
en matière pénale, la règle d'un État étranger pas plus qu'il ne donne effet
à la décision de l'une de ses autorités. Tout au plus concède-t-on qu'il puisse,
(*) Joe Verhoeven, professeur à l'Université catholique de Louvain. VERS UN ORDRE RÉPRESSIF UNIVERSEL ? 56
s'il y a lieu, prendre celle-là en considération dans l'application de sa loi
nationale ou reconnaître l'autorité de la composante « civile » de celle-ci,
singulièrement lorsque le juge étranger a été saisi de la réparation due pour
le dommage causé par l'infraction dont il est appelé à punir l'auteur. Pourquoi
cet ostracisme ? De savants commentaires ont souligné les raisons pour
lesquelles les lois pénales ne pourraient pas faire l'objet de conflits de lois,
en dehors desquels l'application d'une loi étrangère ne se conçoit guère. Ils
illustrent de remarquable façon les limites d'une technique conflictuelle
réservée aux lois « civiles », répondant aux besoins de relations privées. Ils
n'expliquent en rien ce pourquoi une méthode comparable ne pourrait pas
être utilisée à propos de lois « pénales », même s'il est évident que les intérêts
en cause ne sont pas de même nature. Le refus d'appliquer la loi pénale
étrangère ou de reconnaître un jugement répressif étranger ne traduit au
cunement une limitation inhérente à la technique du conflit de lois ou de
juridictions. Elle exprime seulement le refus de chaque État de se faire le
protecteur d'un ordre public étranger. D'aucuns soutiennent que celui-ci est
tenu en l'occurrence par un devoir d' « égoïsme », qui le condamne à ne se
préoccuper que de lui-même. Cet égoïsme est, en fait, incontestable. C'est
aller un peu loin toutefois qu'y voir l'expression d'une obligation. Au moins
celle-ci n'est-elle pas de droit international (public) car il ne manquerait pas
d'arguments pour considérer que l'appartenance à une communauté interna
tionale devrait, tout au contraire, inciter les membres de celle-ci à se prêter
mutuellement assistance dans la défense de leur ordre public respectif,
particulièrement dans un contexte où quelque modèle démocratique d'orga
nisation s'impose progressivement. Et il demeure exceptionnel que des règles
de droit national commandent explicitement un tel devoir, hors les quelques
exemples que fournit une pratique récente. L'égoïsme est affaire de pratique
(jurisprudentielle) avant tout. Ce qui ne change rien au fait qu'il soit,
traditionnellement, très largement partagé. L'entraide et la coopération se
sont certes considérablement développées dans le dernier tiers du XXe siècle.
Il n'empêche que les juges se refusent toujours par principe à faire application
d'une loi pénale étrangère ou à donner effet à la décision répressive de l'un
de leurs collègues étrangers. Il est très significatif à cet égard que, s'agissant
d'États européens liés par la convention de sauvegarde des droits de l'homme
garantissant le droit à un procès équitable, la convention sur la valeur
internationale des jugements répressifs, conclue dans le cadre du Conseil de
l'Europe le 28 mai 1970, ait fait l'objet de ratifications très peu nombreuses
ou que le traité Benelux du 26 septembre 1968 sur l'exécution des décisions
judiciaires rendues en matière pénale ne soit jamais entré en vigueur. Ce
qui ne témoigne pas d'une grande confiance envers l'étranger. Faut-il préciser
qu'il y a quelque paradoxe à ce qu'un juge se reconnaisse le droit de punir
« universellement », si ce n'est pas le comble de l'arrogance, alors pourtant
qu'il refuse en la matière tout crédit aux décisions d'une juridiction étran
gère ?
I. - UNE PRATIQUE EN DÉVELOPPEMENT CONSTANT
Force est de constater que cette indifférence traditionnelle n'est plus de
mise aujourd'hui. Le droit pénal a fait une entrée remarquée dans les
rapports internationaux. Même s'il est difficile d'en mesurer dès ores la
portée, l'innovation est considérable. VERS UN ORDRE RÉPRESSIF UNIVERSEL ? 57
La guerre est, on le sait, à l'origine de cette intrusion. Cette dernière
est relativement ancienne puisqu'elle remonte au premier conflit mondial.
C'est des lois de la guerre et de l'humanité que le traité de Versailles cherche
à l'époque à réprimer les violations. Ses dispositions sont demeurées très
largement lettre morte. Les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo ont connu,
après la seconde guerre, plus de succès. La légitimité de l'entreprise n'a
dans l'ensemble pas été contestée. Sa légalité est plus contestable, tant il
est vrai qu'une justice de

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