Homère et Lemnos - article ; n°1 ; vol.132, pg 12-30
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Description

Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1988 - Volume 132 - Numéro 1 - Pages 12-30
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jacques Heurgon
Homère et Lemnos
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 132e année, N. 1, 1988. pp. 12-
30.
Citer ce document / Cite this document :
Heurgon Jacques. Homère et Lemnos. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 132e
année, N. 1, 1988. pp. 12-30.
doi : 10.3406/crai.1988.14565
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1988_num_132_1_14565COMMUNICATION
HOMÈRE ET LEMNOS,
PAR M. JACQUES HEURGON, MEMBRE DE L'ACADÉMIE
J'ai présenté à l'Académie, en 19801, une communication sur la
stèle de Lemnos et la double inscription étrusque dont une moitié,
sur la partie frontale, entoure le profil grossièrement sculpté d'un
guerrier porte-lance (fig. 1). En celui-ci j'ai proposé de reconnaître,
en suivant le récit d'Hérodote, un héros de la résistance des Lemniens
aux tentatives d'asservissement des Perses. Je datais ce monument
de la seconde moitié, sinon du dernier quart du vie siècle. Mais ce
n'est pas de cette stèle et de ses inscriptions, sauf pour un détail que
l'une de celles-ci me paraît révéler, que je voudrais vous entretenir
aujourd'hui, mais, en remontant deux siècles plus haut, des rapports
entre Homère et Lemnos.
Considérons d'abord cette île, et pour commencer sa situation
tout au nord de la mer Egée, à la hauteur de Troie (fig. 2). Cette
carte indique clairement que ses côtes occidentales étaient baignées
par la mer de Thrace. On la retrouve parmi les sites antiques voisins
de Thrace dans le Guide de Thasos publié par l'École française
d'Athènes (fig. 3), avec Samothrace, Imbros et Ténédos, ce Ténédos
sur lequel j'aurai à revenir tout à l'heure.
Voici maintenant une petite carte archéologique de Lemnos, que
j'emprunte à Y Enciclopedia dell'Arte antica dans la notice de l'illustre
archéologue italien Bernabo Brea (fig. 4). On voit que Lemnos est
comme divisée en deux par deux baies profondes, au nord par le
golfe de Purnia sur la rive est duquel se trouve la ville d'Héphaïstia,
et au sud par le golfe de Moudros, qui en 1915 servit de dépôt à
l'expédition des Dardanelles, et dont Jérôme Carcopino trace, dans
ses Souvenirs de la guerre en Orient2, un portrait peu flatteur. Mais
Hécatée de Milet avait noté que Lemnos avait deux capitales,
Héphaïstia et Myrina sur la côte occidentale3. Et une vieille tradi
tion4, complaisamment répétée par les mythographes, les poètes et
les historiens, par Stace5, par Plutarque6, par Solin7, assurait que
1. CRAI, 1980, p. 578 s.
2. J. Carcopino, Souvenirs de la guerre en Orient, 1970, p. 10 s.
3. FHG, 102 ; FGrHist, 138 a (Steph.Byz.).
4. Références dans une note de Mustilli, ASAA XV-XVI (1932-33), note 1,
p. 3.
5. Theb. V, 51.
6. De facie in orbe lunae D, 22.
7. Miracula, 11, 33. HOMERE ET LEMNOS 13
Fig. 1. — La face de la stèle.
1988 14 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
Fio. 2. — Carte de la mer Egée. HOMÈRE ET LEMNOS 15
Fio. 3. — Situation de Lemnos dans la mer de Thrace.
X AkAA r ...t..* i C.J.II, J. M m.é**JU <a ■ Ak.t>ti m*M~\>
Fia. 4. — Carte archéologique de Lemnos. 16 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
Myrina recevait par beau temps sur son forum l'ombre du mont
Athos, quod non frustra inter miracula notauerunt, étant donné que
le mont Athos est distant de Lemnos de 60 stades ou 86 000 pas, ce
qui fait, si je calcule bien, quelque 120 km. En fait, quoique la partie
orientale de l'île fût étroitement ouverte aux relations avec l'Ana-
tolie, on verra, et ce sera l'un des objets de ma communication, que
Lemnos a subi, comme notre Président M. Jean Pouilloux l'a montré
à propos de Thasos, une présence thrace*.
Cette présence thrace fut profonde et durable. J'en trouve encore
un signe à la fin du vie siècle, dans l'inscription étrusque (fig. 5).
Celle-ci est une dédicace funéraire, érigée en l'honneur du héros que
j'ai dit, holaies au génitif, qui exerça telle magistrature et vécut
60 ans, par un dédicant, dénommé, en face, aker tavarsio, et dont la
dénomination que j'abrège indique qu'il était de Myrina. Or si holaie,
transcription de l'anthroponyme uAaïoç, de ûXtj « forêt », comme
Silvius en latin, est un nom attesté en plusieurs points du monde
méditerranéen, tavarsio, inconnu de Bechtel et Zgusta, les deux prin
cipaux répertoires des noms propres grecs et orientaux, a été très
opportunément rapproché par Ribezzo9 d'un ethnique Daversi, bien
attesté dans le CIL III des inscriptions illyriennes et auquel Patsch
a consacré une grande colonne du Pauly-Wissowa10. Donc ce tavarsio-
Daversius, de Myrina, est un témoin tardif de la présence thrace à
Lemnos et s'apparentait, nous le verrons, au fond primitif de la
population.
L'histoire de Lemnos ne commence pas avec les fouilles qu'y a
menées, à partir de 1926, l'École italienne d'Athènes et qu'a publiées
Domenico Mustilli11 : elles ont révélé à Héphaïstia, aujourd'hui
Efestia, une nécropole incinérante des vnie/vne siècles. Mais Lemn
os avait, dès l'âge du Bronze ancien, connu une splendide civil
isation intimement liée à celle de Troie. Bernabo Brea12 énumère cinq
habitats identifiés, mais un seul a fait l'objet de fouilles approfondies,
Poliochni sur la côte est qui, à l'époque de Troie I et II montrait un
village de cabanes avec des maisons à megaron et une enceinte. avait à ses yeux l'importance, la culture et la richesse d'une
8. J. Pouilloux, Recherches sur l'histoire et les cultes de Thasos, 1954, p. 15-17.
J'ai déjà abordé ce problème en 1985 au Congrès international étrusque de Flo
rence, dont les Actes sont sous presse.
9. F. Ribezzo, Riv. Indo-Greco-Italica, XV, 1931, p. 73. — Nous avons déjà
cité, CRAI, 1980, p. 583, n. 12, le brillant article de H. Rix dans le Gedenkschrift
Brandenstein, 1968, p. 213 s., en discutant ses conclusions. Mais nous reprenons
ici sa lecture de la dénomination d'aker tavarsio, qui est pour lui le nom du défunt.
10. RE, IV, col. 1131-1132.
11. D. Mustilli. La necropoli tirrenica di Efestia dans ASAA XV-XVI (1932-
33), p. 1-278.
12. Bernabo Brea, Enc. dell'Arte classica, VI, p. 286 s. HOMÈRE ET LEMNOS 17
iTf*
v>^
Fig. 5. — Dessin de la stèle avec les deux parties inscrites.
(Dans l'inscription de la face on distingue à droite le nom du dédi-
cataire holaie, dont la dénomination et le curriculum vitae se poursuit
en haut, et à gauche le nom du dédicant aker tavarsio et la suite de sa
dénomination.)
autre Troie. Elle avait été détruite par un tremblement de terre
correspondant à Troie II g.
Notons en passant que Poliochni était toute voisine du Kaminia
de notre stèle. Il y a des lieux où l'histoire renaît intarissablement.
Et ici j'ai plaisir à rappeler l'effort qu'Henri Van Eff enterre a pour
suivi toute sa vie et qu'il a pleinement exprimé dans son beau livre
sur La Cité grecque13. Il ne faut pas envisager l'histoire des civil
isations comme une série de ruptures sans lendemain, de fractures
totales, de mutations ab ovo créatrices, et, pour le monde grec en
13. H. Van Eflenterre, La Cité grecque, 1985. COMPTES RENDUS DE L' ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS 18
particulier, ne pas fonder au vme siècle et aux Olympiades de 776
la création ex nihilo de la polis; il insiste sur la continuité et la survi
vance des foyers préhistoriques où s'est établie la cité. Mais il ne
semble pas connaître l'admirable mémoire de notre Associé étranger
Massimo Pallottino écrit en 1942 et reproduit en 1979 au tome III
de ses Saggi di Antichità1*. Il est intitulé : « Fondements mycéniens
de l'archaïsme grec ». Lui aussi protestait contre la conception tra
ditionnelle imposée par Evans qui admettait, entre le monde égéo-
mycénien et le monde grec archaïque, une période dans laquelle
l'humanité était retournée au néant. Il définit en termes chaleureux,
dans l'art mycénien — permettez-moi de le traduire — : « la complai
sance pour les formes fluides palpitant dans la marquetterie des
architecture

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